Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 14 avril 2021.

Thomas Harvey HUBBARD ("Speed") / O-380248
108 Crestwood Drive, Fort Worth, Texas.
Né le 4 décembre 1911 à Dallas, Texas / † le 19 novembre 1983 à Fort Worth, Texas.
Lt Col, USAAF 355 Fighter Group, Headquarters, pilote.
Atterri à Sibculo à 6 km au sud-est de Mariënberg, Provincie OverIjssel, Pays-Bas.
Republic P47D Thunderbolt, 42-7944, WR-P / "Speed" et "Lil'Jo", abattu le 13 novembre 1943 lors d'une mission d'escorte de bombardiers en mission sur Bremen.
Écrasé près de Laarbrug, au-delà de la rivière Beneden Regge, entre Vilsteren et Ommen, Provincie OverIjssel, Pays-Bas.
Durée : 7 mois.
Passage des Pyrénées: le 4 juin 1944.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 1449. Rapport d'évasion E&E 802 disponible en ligne.

Thomas Hubbard, engagé dans l'USAAF avant la guerre, se trouvait sur l'île de Luzon, dans les Philippines (Pacifique) lors du bombardement de sa base et de son avion par les Japonais le 7 décembre 1941. Décoré de la Silver Star pour sa participation durant la bataille de Guadalcanal du 6 au 14 octobre 1942, il sert ailleurs dans le Pacifique avant de regagner les Etats-Unis. Il est transféré à la 8th Air Force qu'il rejoint en Angleterre en juillet 1943.

Le Major Thomas H. Hubbard à droite, attendant d’être décoré de la Silver Star
par le Major Général Willard Harmon
(Iles Solomon, Pacifique Sud – 1942)

Hubbard portant la Silver Star


Le texte qui suit est composé en grande partie d’une traduction du rapport d’évasion E&E de Hubbard, complété par des détails provenant d’archives de Comète et autres ainsi que de détails reçus de diverses sources ou trouvés lors de recherches complémentaires.

C'est la 23ème mission en Europe pour Thomas Hubbard, qui décolle ce 13 novembre 1943 vers 11h00 de Bungay pour aller avec son escadrille escorter des bombardiers B-17 au retour de leur mission sur Bremen. Alors qu'il survole la Hollande, son moteur se décroche et son appareil est déséquilibré, entraînant son éloignement des formations. Hubbard s'éjecte à 7600 m, délaie un moment l'ouverture de son parachute, mais, sentant qu'il perd connaissance, actionne l'ouverture à 6000 m et, sonné, ne revient à lui que vers environ 3000 m d'altitude. Il voit des gens qui courent vers son point de chute et il atterrit à 20 m d'une ferme. Trois jeunes gens accourent et lui disent qu'il se trouve en Hollande. Assoiffé par son manque d'oxygène, il demande de l'eau et la foule qui s'était amassée entretemps le mène à une ferme où on lui donne du lait chaud.

Arrivent alors trois gendarmes hollandais en civil, dont l'un parle un peu l'anglais. Lorsqu'il s'adresse à ce dernier pour avoir des vêtements, l'homme lui répond de ne pas s'en faire pour l'instant, mais d'aller se cacher dans les bois jusqu'au soir, moment où il pourrait trouver de l'aide dans n'importe quelle ferme du coin. Hubbard va se cacher dans un champ à 500 m de là, tandis que l'un des trois garçons prévient les curieux de s'éloigner de l'endroit où se trouve le parachute de l'aviateur.

Peu après, Hubbard voit des Allemands trouver son parachute que le jeune garçon auquel il l'avait confié n'avait pas encore eu le temps de cacher. Le gamin indique aux soldats la direction opposée à celle où se trouve l'aviateur. Hubbard se réfugie dans les hautes herbes d'une rigole d'écoulement où la couche d'eau atteint 8 cm et il y reste de 10h30 à 18h30. L'obscurité venue, il retourne à la première ferme et retrouve un des Hollandais qui l'avaient accueilli. C'est un réfractaire en cavale (Hubbard cite le nom de "Smeenke") avec lequel il part à vélo vers la cachette du réfractaire dans une grange à 5 km de là. Derrière de la paille commence un tunnel de 15 m de long qui mène à cet abri de fortune où Hubbard dort trois nuits avant d'être conduit par un ami de "Smeenke" chez des gens qui "organisent son évasion", pendant que des Allemands fouillent systématiquement la région. En fait, "Smeenke" est Harm Pieter SMEENK, le jeune garçon qui avait trouvé Hubbard en premier. Il habitait avec ses parents, Pieter et Titia SMEENK et six autres frères et sœurs dans une ferme à Sicbulo, près de Mariënberg, acquise par la famille en 1940. La grange, le tunnel et l’abri font partie de cette ferme où Thomas Hubbard a été caché du 13 au 16 novembre 1942. Voir aussi l’extrait de presse en bas de page concernant H. P. SMEENK. La liste des Helpers néerlandais reprend Jelle et Johanna SMEENK au Kloosterdijk, Mariënberg, sans détails, mais nous comprenons qu’ils sont respectivement frère et soeur de Harm.


La maison-ferme "Zonnehoeve", de la famille SMEENK, Kloosterdijk 37 à Sicbulo, dans les années 1920
(source : https://schukkert.com/historie/ )

Le 16 novembre, un "Solomon" le conduit dans une maison plus loin et il y reste jusqu'au 29, à l'exception d'une nuit passée chez un cousin. Entre-temps, les contacts des résistants locaux avec une organisation d'aide à l'évasion avaient été rompus. Un autre jeune devait l'évacuer sur Amsterdam, mais ce projet doit être abandonné. Le "Solomon" en question doit être le fermier Geert SALOMONS, de Bergentheim. Il est repris erronément comme Solomons à la liste des Helpers néerlandais, entre Salm et Saltzherr… Arrêté en rentrant chez lui le 12 janvier 1945, il a été fusillé par les Allemands avec 45 autres, à Varssevelde, le 2 janvier 1945 (https://www.koningsbergerschool.nl/index.php?print=yes§ion=24 ).

Le 29, Hubbard part chez un pasteur protestant, Cornelis Ipe DIJKHUIS (Rotterdam 1911-Brummen 1968) à Bergentheim, et il y reste jusqu'au 2 décembre.


L’habitation du pasteur DIJKHUIS à Bergentheim, démolie depuis
( source : https://www.koningsbergerschool.nl/index.php?print=yes§ion=24 )

Un Docteur POST lui dit qu'il prodigue des soins à deux Américains dans un hôpital à Bergentheim. Le rapport cite leurs noms comme étant "Fenlen & ?". [En fait, il s'agit du S/Sgt Eugene L. Fennell, mitrailleur droit à bord du B-17 n° 42-37830 du 94BG/413BS, entré en collision en vol avec un autre B-17 le 13 novembre également et crashé à Ommen, à 20 km de Bergentheim. L’autre blessé pourrait être le mitrailleur gauche Francis J. Ferrick, qui s’était foulé la cheville en atterrissant et avait d’abord été caché chez les SCHOTTEN à Ommen. Fennell et ses deux autres co-équipiers furent faits prisonniers, les sept autres ayant trouvé la mort dans la perte de leur avion.] Nous pensons que le médecin était Hendrik Jan POST, actif dans la Résistance dans l’Overijssel. Il habitait avec sa femme Huberta au Kanaalweg-West à Bergentheim. Arrêté le 10 février 1945, il fut fusillé avec 116 autres personnes à Rauter le 8 mars 1945 (Voir http://www.dorpsarchiefkloosterhaar.com/dokter-post.html et http://www.oorlogsslachtofferswestbetuwe.nl/dhr.-h.j.-post.html).

Le 2 décembre, Hubbard part pour Hengelo et prend le train avec un jeune homme nommé Peter connu de Geert SALOMONS, qui le conduit à la maison d'un jeune garçon et sa mère. Le 4, ils partent en train jusque Venlo (par Arnhem). A la gare de Venlo, un autre guide le mène dans une maison, puis en vélo à Roermond jusqu'à un endroit où se trouvaient beaucoup de prêtres. L'un d'entre eux le mène chez lui à Horn, où il reste jusqu'au 11 décembre. Il doit s’agir du kapelaan H. L. J. JANSSEN, actif dans l’aide aux aviateurs et autres réfugiés. Hubbard passe la nuit suivante à Weert et le 12 décembre il est mené à Sterksel. Il loge là chez la famille BARDOEL, mais ne mentionne pas qu’il s’y trouvait avec 2 autres aviateurs évadés. En juillet 2019, Harrie Bardoel, de Sterksel, ayant trouvé nos pages pour 3 aviateurs cachés par sa famille (Hubbard, Harold Shepherd et Thomas Michie) nous apporte des détails sur sa famille. Ses grands-parents, Willem J. et Anna BARDOEL, à l‘époque fermiers au 51A à Sterksel, ont hébergé les 3 évadés dans leur ferme du 12 au 17 décembre 1942. Selon les informations de Harrie Bardoel, les 3 hommes y avaient été amenés par J.A.M. van DOORN, de Wiel 6, Helmond, Bernardus te BOEKHORST du D.48 à Sterksel et Adriaan KOOREN, policier, du D.44b également à Sterksel.


Norman Michie, Harold Shepherd et Thomas Hubbard à la ferme des BARDOEL – Décembre 1943
(photo : famille Bardoel, Sterksel)

A la ferme BARDOEL, Sterksel, décembre 1943. Debout de gauche à droite : Anna BARDOEL-VAN de RIJDT (grand-mère de Harrie Bardoel);
Johanna et Fons (ses tante et oncle); Willem J. BARDOEL (son grand-père); Harold Shepherd; Thomas Hubbard;
Toon (son oncle) avec devant lui ses fils Toon et Theo (le père de Harrie); à l’extrême droite, Norman Michie.
Devant, de gauche à droite : 3 Hollandais se cachant des Allemands (Sjef, Jan et Kees) et Fien BARDOEL, fille de Anna et Willem.
(Photo prise par Marie Bardoel, tante de Harrie, née en juillet 1924)

La ferme (rénovée et vendue depuis) au 51A à Sterksel (adresse actuelle: Beukenlaan 28.)

Le 17, Hubbard part à vélo à Maarheeze escorté par 5 policiers (Maréchaussée ?) venus de Weert. Il ne mentionne pas si Shepherd et Michie sont également du voyage. A Maarheeze, il reste dans la cave d'un endroit appelé "De Rode Kar" (the Red Wagon), un wagon de chemin de fer reconverti en logement de deux pièces et c'est à partir de ce moment qu'il se rend compte qu'il est vraiment pris en charge par une organisation connaissant un réseau. Là on lui demande son nom, grade et matricule et il doit remplir un questionnaire succinct, tous renseignements devant être transmis aux chefs de l'organisation en Belgique pour vérification par télégraphe avec Londres. Des photos d'identité de son kit d'évasion doivent également être fournies en Belgique. Un dossier au sujet du Groupe "De Vrijbuiters" de Maarheeze (www.Heemkundekringcranendonck.nl ), nous apprend que la cave en question se trouve chez Hendrikus ("Harrie") SEMLER et sa femme Catharina ("Trien", née HENDRIKS) au Vogelsberg à Maarheeze.

Les noms de "TUMMERS, SYMONS, ALBERS, GUNNEWEGH et SCHOEMAKER" figurent en regard du nom de Hubbard dans une liste d'aviateurs ayant été aidés aux Pays-Bas. Nous avons pu trouver confirmation que Harry TUMMERS (Henri) de Pey-Echt, le Major Petrus J. SIJMONS (131 Mergelweg, Maastricht) et Jean SCHOENMAECKERS, de Rekem en Belgique étaient actifs dans l’aide aux aviateurs et autres réfugiés dans le secteur frontalier. Jean SCHOENMAECKERS, travaillait avec Florent et Olympe BIERNAUX de Hasselt, membres de Comète. Jean, son fils cadet Michel et son père Paul furent tous trois arrêtés le 23 novembre 1943. Michel SCHOENMAECKERS, déporté en Allemagne, mourut à Sonnenburg le 15 septembre 1944. Il avait 24 ans. Son grand-père Paul, également envoyé en Allemagne, est mort à Oberitz le 21 avril 1945, âgé de 58 ans.

Hubbard séjourne un temps dans une cave en compagnie d'un Russe évadé de passage, d'un Américain, Francis McDermott et de deux Canadiens, le mitrailleur Norman Michie et le pilote Harold Shepherd (ces 2 derniers étant cités pour la première fois à ce moment dans le rapport de Hubbard), le but étant de les faire franchir ensemble la frontière du côté de Hamont. Des instructions venant de Bruxelles disent d'envoyer Hubbard seul. Ceci est dû aux injonctions de Londres, transmises par radio, en vue de donner une priorité à Hubbard, étant donné son grade et ses informations militaires. Dans son rapport, Hubbard indique qu'il pense que McDermott est parti se promener et a alors soit disparu, soit été fait prisonnier...

Harrie Bardoel nous a signalé que l’on parle de Thomas Hubbard et de l’aide lui apportée par quelques Helpers hollandais et belges à http://www.grevenbroekmuseum.be/index.php/wereldoorlog-2/slachtoffers-hamont/38-herdenkingen/herdenkingen/115-jacques-hulsboash. Le texte le concernant est repris de la page 302 du livre de Jozef Bussels “De doodstraf als risico  : pilotenhulp in Belgisch Limburg 1941-1944” (1981). Nos recherches sur les noms qui y sont cités nous ont amené à en déduire ce qui suit : Il se confirme que l’importance à assurer la sécurité de Hubbard, vu son grade, apparut rapidement à Hubert PEETERS de Hamont, après qu’il soit entré en contact avec lui à Kelpen-Oler, au sud-est de Weert (NL) où la Résistance néerlandaise avait amené le pilote. Selon les déclarations de PEETERS citées par Bussels, un message fut envoyé par radio à Londres au sujet de Hubbard via l’émetteur secret utilisé par un agent parachuté (Bob ou Jacky) qui se trouvait chez Jaak (Jacques, Jacobus…) HULSBOSCH au 2 Winterstraat à Hamont. La réponse qui arriva confirma l’avis de PEETERS, qui avisa alors tout le monde d’appliquer la plus grande prudence. Hubert PEETERS aide ensuite Hubbard à passer la frontière pour le conduire chez Frans WIJNEN ("Bosen Straat" ?) à Hamont. De là, il a été convoyé par Mme ROYERS (Anna-Mathilde MARTENS), puis par ( ?) pour être conduit chez Lambert SPOOREN (56 Haspershoven) à Overpelt. Hubert PEETERS, Frans WIJNEN et Marcel ROYERS étaient tous trois membres des groupes de Résistance "Heidemaatschappij Weert (NL)" et "Groep Noord-en-Midden-Limburg en Oost Brabant (NL)". Le nom de Hubbard figure dans une liste d’aviateurs aidés par la Veuve Maria SPELTERS, née VAN SCHAZE en 1878, et habitant Haspershoven à Overpelt.


Une photo montrant des personnes identifiées par Peter Loncke et l’aviateur Sgt Frederick E. Allen
(mitrailleur dorsal du Halifax JN974 abattu le 20/12/1943 - évadé SPG 3325/2874) comme étant, de gauche à droite :
Marcel ROYERS, son épouse Mathilde, née MARTENS, Fred Allen, Alda SPOOREN et Leopold ROYERS, fils de Marcel et Mathilde
(Photo de https://www.henk-weltje.nl/index.php/5-genealogie/weltje-categorie )

Selon le rapport de Hubbard, le 26 décembre, "un policier (douanier)" belge prend donc le seul Hubbard pour le faire passer en Belgique et le confier à la frontière à d'autres policiers belges. Dans une lettre du 22 avril 1946 de P. WYNEN adressée à Thomas Hubbard et dont Myriam Palmer, la fille de ce dernier nous a transmis copie en avril 2021, il est indiqué que Hubbard a été amené chez les WYNEN depuis la frontière néerlandaise par 3 hommes de Hamont : Louis-Willem VROLIX (de la Budelpoort), Peter MOORS (du 12 Hoogstraat) et Hubert PEETERS, cité plus haut. Hubbard reste du 26 au 28 décembre chez les WYNEN, avant d’être remis à Marcel ROYERS à Neerpelt.


Hubbard est donc ensuite logé chez un cordonnier d'Overpelt où il rencontre un homme qui lui semble être le chef d'un groupe sous l'indicatif LBC-11. Cet homme - 1,70m, environ 60kg, les cheveux bruns clairsemés, le genre calme - le guide à Bruxelles le 4 janvier 44. Il s’agit de Marcel ROYERS, accompagné pour ce voyage par Mathieu VANDERFEESTEN, également de Neerpelt. Hubbard ajoute que le cordonnier avait un frère et qu'eux deux avaient caché d'autres Américains (4 ?). Il se confirme que le code VN/AL/B/C/11 est bien celui de Marcel ROYERS. Par ailleurs, nous pensons que le cordonnier d’Overpelt et son frère sont les SPOOREN, Lambert, Michel et Theo SPOOREN étant tous les 3 repris à la liste des Helpers belges comme habitant à des numéros différents au Haspershoven à Overpelt. La lettre ci-dessus mentionne que, comme beaucoup d’autres membres du Groupe, Hubert et Anna-Mathilde ROYERS furent arrêtés et envoyés en camp de concentration en Allemagne, dont heureusement ils revinrent.

Arrivé à Bruxelles (avec Marcel ROYERS, donc) Hubbard indique avoir rencontré un "Pierre" qui lui dit qu'il devra rester 2 ou 3 nuits à Bruxelles. Il va dormir deux nuits chez Henri PAULUS, 395 Rue Vanderkindere à Uccle et pendant son séjour on le mène dans un garage pour y être pris en photo. Selon EVA, c'est un négociant en charbons de la Rue Vanderkindere à Uccle qui l'héberge et ce doit donc être ce PAULUS, Hubbard notant un bâtiment officiel allemand dans la même rue. L’Almanach de Bruxelles pour 1939 confirme que H. Paulus était bien négociant en charbons à l’adresse ci-dessus.

Trois semaines passent et Pierre lui dit qu'il doit maintenant lui aussi se cacher et qu'il cherche une autre ligne. Louis Émile BERINX, habitant Ixelles, du réseau Tybalt d'André Wendelen et adjoint de Charles Gueulette signale Hubbard et le convoie chez les sœurs GOOVAERTS en janvier 44. Selon Henri MICHELLI, son ami Louis BERINX, qui se faisait appeler "Pierre Paepens", faisait partie avec lui du Groupe G. Il fut également impliqué dans le Réseau Félix. La liste des Helpers Belges reprend Louis BERINX au "53 Rue de Lorge, Brussels - NIL" - Il s’agit en fait de la Rue de l’Orge à Ixelles.

Quatre autres semaines passent sans que Hubbard ne revoie Pierre ou n'aie de ses nouvelles. Un homme cheveux foncés, mince, se présente et lui fait remplir un questionnaire, après quoi il lui annonce qu'il partira en avion dans 3 jours avec deux autres. L'individu revient dire après 2 jours qu'il sera plutôt dirigé vers le Sud de la France. Une heure avant celle fixée pour son départ, Hubbard s'entend dire que Londres a dit d'attendre une vérification supplémentaire, ce qui selon Hubbard fait que les relations avec l'homme sont rompues. La situation est confuse et il semble que personne ne puisse rien prévoir.

Comme l'homme vendait du charbon au négociant Henri PAULUS, ce dernier, entendant l'homme prononcer le nom de Hubbard, envoie son fils, habitant tout près, auprès de Hubbard. Le fils PAULUS parle anglais, revient souvent voir l'aviateur et, ayant retrouvé "Pierre", évoque auprès de celui-ci la situation de Hubbard. Pierre, assez nerveux, dit que Hubbard doit être évacué immédiatement.

Selon son E&E, c'est le 26 février que Hubbard va alors loger chez une veuve, dont son rapport reprend le nom comme étant BALLIEU, et dont le mari a été tué au premier jour de la guerre. Il s'agit ici soit d'Anne RADERMACKERS, veuve de Frédéric Julien BALIEUX, au 213 Avenue Kersbeek à Forest, soit de Joséphine BAILLIEUX, veuve BOURGUIGNON, au 142 Avenue Louise à Bruxelles. Selon Hubbard, les occupants de l'étage du dessous sont réputés comme étant des "Quislings" (pro-Nazis) Il reste chez cette veuve pendant 3 jours. Le 29 février, Hubbard va chez des amis de cette dame, Alphonse ROSIERS et sa famille au 20 Rue des Coquelicots à Etterbeek (Tom Hubbard épousera après la guerre l'une des deux filles de ce denier, Nelly ROSIERS). Pendant son séjour là, un représentant de "Pierre" vient lui rendre visite une fois par semaine et il apprend que la ligne vers l'Espagne est coupée et que l'on doit trouver une autre formule. Hubbard demande alors s'il peut tenter sa chance seul et on lui dit que ce serait trop dangereux. Vers la fin du mois d'avril, le représentant de "Pierre" vient lui annoncer que ce dernier et tous les membres de l'organisation ont été arrêtés suite à la présence de quelques espions infiltrés dans le réseau, ajoutant qu'il reprendrait contact.

Le 4 mai 1944, via LHEUREUX, Hubbard est pris en charge par EVA et "Mr Gaston de Comète" (Gaston MATTHYS). Irma et Joséphine GOOVAERTS (citées plus haut, et en janvier déjà…), au 76 Rue Charles Degroux à Etterbeek, l'accueillent et le font dîner avant son identification par Paul HELLEMANS et sa prise en photo par André DUCHESNE. C'est à EVA qu'il est rejoint par Donald Willis. Hubbard est renseigné comme étant hébergé chez Yvonne BIENFAIT (infirmière à l’Hôpital de Schaerbeek) au 35 Rue Guillaume Kennis à Schaerbeek du 4 au 29 mai 44.

Dans le rapport d'évasion de Hubbard, la page 10 reprend le texte de deux messages qui lui avaient été remis par "un fermier en Hollande" et qui devaient, dès son retour en Angleterre, être diffusés sur les ondes de la BBC, lors de l'émission du matin en français : "Cowboy Tom is over" et "All is well for little Nell". Il ne fait de doute que "Cowboy Tom" fait référence au Texan Thomas Hubbard et "little Nell" est Nelly ROSIERS d'Etterbeek, sa future épouse. Il est indiqué que tant Gaston (MATTHYS) qu'Yvonne (BIENFAIT) étaient au courant de la teneur de ces messages.

L'E&E indique également que Willis et Hubbard devaient partir le 7 mai, par groupes de 6, mais que, vu son grade (Lt Colonel), Hubbard devait partir en priorité et seul. Il reçoit des faux papiers et des instructions, le but étant de le faire voyager en chemin de fer vers Paris. Gaston MATTHYS lui apprend qu'il y a dans la région bruxelloise environ 240 aviateurs évadés à faire évacuer, que le Débarquement est proche et que voyager en train est problématique, vu l'état des voies de chemin de fer, endommagées par les bombardements alliés. Selon Hubbard, Gaston a alors en projet de faire voyager des évadés à vélo jusqu'à Paris et il achète des bicyclettes à cet effet.

La situation ferroviaire s'améliorant le 28 mai, Hubbard part le lendemain en train pour Paris avec Jacques BOLLE. La voie est bombardée et le convoi est bloqué à Lille pendant 36 heures. Le compartiment est occupé par des civils et on leur fait comprendre que les hommes ne disant rien sont des belges, sourds et muets. Le train arrive enfin à Paris le 31 mai, mais vu le retard, le contact est absent et BOLLE les conduit à l'Hôtel Eden, d'où il téléphone au contact - en fait, une femme blonde de 22 ans ("Michelle") - qui vient les chercher et leur présente dans l'après-midi Philippe et Virginia d'ALBERT-LAKE dans son appartement. Un message venant de Gaston MATTHYS indique que le messager avec l'argent du réseau a été arrêté et qu'il a un besoin urgent de fonds pour 240 évadés.

Le 2 juin, Hubbard est descendu de Paris à Bayonne par "Bob" (Pierre CAMUS, pseudos "Robert" et "Bob") en compagnie de Jack Cornett, Ronald Emeny et Léonard Barnes. Ils descendent tous à Boucau avant Bayonne. Ils marchent jusqu'au-delà de Bayonne et arrivent à un café (l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA au 25 Avenue de Cambo à Sutar, faubourg d’Anglet). Là, une femme leur demande leurs papiers d'identité et reprend leurs nom, grade et matricule dans une lettre qu'elle rédige à l'intention du consulat. Elle dit à Hubbard de remettre cette lettre à un "José", à la maison duquel le groupe arrive après deux nuits de marche. Le message étant passé, une voiture du consulat vient alors les prendre chez ledit José.


Mot de remerciement de Hubbard dans le carnet de Pierre Elhorga.

Les aviateurs partent de l'auberge le 3 juin avec un homme chauve, âgé de plus de 40 ans (Juanito BIDEGAINest cultivateur à Bassussarry et est effectivement guide de Sutar à Souraïde) et marchent six heures. Ils dorment une nuit et se reposent la journée à Souraïde, à la ferme Mendigaraya des Echeveste. Ils marchent alors 3 heures de nuit avec un autre guide, Michel ECHEVESTE. Ils sont ensuite remis à un plus jeune guide, son frère Joseph-Marie ECHEVESTE, avec qui ils passent en Espagne. Deux hommes surgis de nulle part font disparaître le guide et leur demandent s'ils sont "Amis". Les évadés ne répondent pas et les hommes leur disent de les suivre et les guident à une grange à 7 km. Ils y dorment et reçoivent à manger le lendemain matin. La "lettre pour José" est emportée.

C'est le 98e passage de Comète, par Souraïde et Quito borda ou Mikelen Borda, avec les seuls guides de Juanito BIDEGAIN (Michel ECHEVESTE et son frère Joseph Marie). Voir le récit de Leonard Barnes.

Suivent ensuite quelques explications plus claires chez Barnes, et qui confirment que Willis téléphone finalement à la police espagnole. Ils sont conduits à un hôtel à Irun où un représentant américain les voit après leur identification par la police espagnole. Ils quittent Irun le 14 juin, passent une nuit à Sarragossa, avant d'être conduits à Alhama par des membres de l'Armée de l'Air espagnole. Après 5 jours passés à Alhama (où Hubbard signe un certificat de sécurité le 17 juin), il passe par Madrid et arrive à Gibraltar le 26 juin (selon son rapport E&E).

Hubbard transportait avec lui des documents hollandais et français, ainsi que son pistolet d'ordonnance, un Colt .45, qu'il refusera de donner à Michel ECHEVESTE, le guide de Juanito BIDEGAIN.

Hubbard est débriefé à Madrid le 24 juin, à Gibraltar les 26-27, et il en part ce dernier jour par avion jusque Bristol en Angleterre où il arrive le 28 juin.

Merci à Myriam Hubbard Palmer, la fille de Thomas et Nelly HUBBARD-ROSIERS pour les photos et autres détails qu'elle a bien voulu nous communiquer. Rappelons que Nelly et sa sœur Josée vivaient à Etterbeek avec leurs parents, qui ont caché Hubbard chez eux.


Une photo en uniforme deThomas Hubbard.

Un dessin de Thomas Hubbard réalisé par Tom Lea.

Un dessin de l'âne "Speed" réalisé par Thomas Hubbard.


Le Colonel Thomas H. Hubbard avec son épouse, née Nelly Rosiers en Belgique.
Ils tiennent une poignée de parachute que tenait Hubbard lorsqu’il avait été trouvé par un groupe de jeunes garçons hollandais après avoir été abattu.
La poignée lui fut par la suite adressée aux États-Unis par les jeunes hommes.
(Photo : University of Texas Arlington Libraries )

D’autres photos du couple et de la famille de Thomas Hubbard, dont les liens nous ont été transmis par Harrie Bardoel figurent à : https://library.uta.edu/digitalgallery-beta/img/20037157 et https://library.uta.edu/digitalgallery-beta/img/20028798

Concernant Harm SMEENK :


Article du Fort Worth Star, 29 septembre 1954, relatant la trouvaille de Hubbard par Harm SMEENK
après son atterrissage ainsi que la suite de la carrière du garçon,
qui a rendu visite à Thomas et Nellie Hubbard à Fort Worth, Texas. (Document transmis en 2012 par Myriam, fille des Hubbard.)

Né le 10 octobre 1918, Harm Pieter SMEENK est décédé le 8 novembre 2000 à Bismarck, North Dakota, USA. Médecin diplômé de l’Université d’Amsterdam en 1946. Émigré aux Etats-Unis en 1952, il devint spécialiste en pédiatrie dans des hôpitaux du North Dakota. Marié à Birgit Rasmussen, d’origine danoise, en 1955. Birgit, kinésithérapeute pour enfants, est décédée le 18 octobre 2014 à l’âge de 85 ans.

Thomas Hubbard, décédé en 1983, repose au Greenwood Memorial Park and Mausoleum à Fort Worth, Tarrant County, Texas. Son épouse Nelly, née en 1921 et décédée en 1987, y repose à ses côtés.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters