Personne capturée durant son évasion

Dernière mise à jour le 17 septembre 2020.

Alexander KRAMARINKO ("Rush"/"Russ") / O-661851
1931 West Potomac Avenue, Chicago, Illinois
Né le 10 décembre 1918 à Philadelphia, Pennsylvanie /† le 26 mai 1981 à Clarendon Hills, Illinois, USA.
Lt, USAAF 306 Bomber Group 368 Bomber Squadron, copilote
Atterri près de Wuustwezel, à ± 35 km au nord-est d’Anvers, Belgique
Boeing B-17 F Flying Fortress (Forteresse Volante), n° série 41-24465, "Montana Power", touché le 5 avril 1943 par la Flak puis abattu par l’Olt Otto Stamberger ou l’Olt Addi Glunz du IV./JG26 durant une mission sur les usines ERLA à Anvers.
Écrasé près du "Klein Schietveld", côté Sud de la Heikantstraat, hameau du Heikant, à 4 km au sud-ouest de Kalmthout, Province d’Anvers, Belgique.
Durée : 7 semaines
en fin mai/début juin 1943 juste après avoir passé la frontière franco-espagnole au Sud de Bordeaux

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 15534.


Alexander Kramarinko en décembre 1942.
(Source photo : https://www.americanairmuseum.com/media/5149)

L'avion décolle de Thurleigh vers 12h30 heure anglaise. Après le largage de ses bombes, il est touché par la Flak dans le moteur n° 1 qui commence à fumer. L’appareil doit quitter la formation et devient ainsi une proie facile pour les chasseurs. Le copilote Kramarinko signale par radio à l’équipage qu’une dizaine de Focke-Wulfs approchent de front. L’attaque commence et à un certain moment, la mitrailleuse de Walls s’enraye. Kramarino donne l’ordre d’ouvrir la soute à bombes pour se préparer à sauter, mais la porte reste bloquée. On parvient finalement à l’ouvrir et à une altitude de 6000m, Roland Magee saute en premier, William Keskey ensuite, Walls sautant derrière lui, suivi de William Baker. On mentionne à la fois l’Oberleutnant Adolf “Addie” Glunz et l’Oberleutnant Otto Stamberger, tous deux pilotes dans le IV./JG26 comme l’ayant abattu.

Le B-17 est aperçu pour la dernière fois, deux moteurs en feu, virant pour retourner en direction de l’intérieur des Pays-Bas à hauteur de Westkapelle, à l’extrémité ouest de la presqu’île de Walcheren, Pays-Bas. Aucun parachute n’est vu et aucune recherche en vue de localiser l’appareil n’a pu être tentée.

Un article du pilote le Lt Robert W. Seelos paru dans l’édition de janvier 1987 du "306th Echoes" (www.306bg.org/PDFs/87jan121.pdf.be) confirme Stamberger, que Seelos a d’ailleurs eu l’occasion de revoir lors de son voyage en Belgique, Hollande et Allemagne en novembre 1984.

Le pilote Seelos, blessé, d’abord aidé par Elsa MOORS de Wuustwezel, fut rapidement fait prisonnier, de même que deux autres hommes : le navigateur Lt William W. Saunders et le mitrailleur arrière Sgt Roland Magee. Ce dernier avait été blessé à l’œil par un fragment d’obus de la Flak et se trouvait caché chez le fermier "METHEEUSSEN" (MATHEUWSEN ?) près de Loenhout, où les Allemands menèrent rapidement Seelos pour l’identifier. Le MACR renseigne Magee identifié dans un rapport allemand du 21 avril 1943 comme prisonnier et, blessé, transféré à un hôpital de campagne avant d’être envoyé au centre d’interrogation Dulag Luft près de Frankfurt. Trois hommes perdirent la vie : le bombardier Lt James E. Murray et l'opérateur radio T/Sgt Fred Ray Hampton dont les corps furent découverts dans les débris du B-17, ainsi que le mitrailleur dorsal T/Sgt Stanley P. Stemkoski, retrouvé le 8 avril au sud de Kalmthout par un ouvrier forestier. Tous trois furent inhumés le 12 avril 1943 au cimetière du Schoonselhof à Hoboken, près d’Anvers. Après la guerre, leurs dépouilles furent transférées au Cimetière Américain de Neupré (Neuville-en-Condroz).

Outre Alexander Kramarinko, dont c’est la huitième mission, trois autres hommes parviendront à s'évader : William Keskey, Raymond Walls et William Baker.

Certains furent arrêtés avec Frédéric DE JONGH à Paris le 7 juin 1943, et d'autres par le traître belge Prosper Dezitter et l'Abwehr à Bruxelles en juillet 1943.

Nous ignorons beaucoup de détails du parcours d'Alexander Kramarinko. Selon un récit du pilote Robert Seelos, dans le livre “First over Germany” (l’historique du 306th Bomb Group) par Russell A. Strong, Seelos et Kramarinko ont touché le sol pas loin l’un de l’autre sur le territoire de Wuustwezel. Seelos fut immédiatement arrêté, mais Kramarinko parvint à éviter la capture et rejoint assez rapidement son mitrailleur William Baker.

Le Belge Achille RELY, de Mortsel près d’Anvers, a écrit deux livres à propos des dégâts occasionnés aux localités avoisinant l’usine ERLA par une erreur involontaire de bombardement en ce fatidique 4 avril 1943: “Bommen over Mortsel” et “Geen oorlogskruis voor Mortsel – De ramp van 5 April 1943” (publié en 1993). Selon des détails figurant à (www.306bg.org/MISSION_REPORTS/5apr43.pdf.), Kramarinko et Baker auraient été aidés depuis Loenhout jusqu’à Bordeaux par Henri KUYPERS, 17 ans. [Henri KUYPERS, né à Loenhout le 3 mars 1926, habitait au 19/2, Kapelstraat à Loenhout. Nous savons qu’il a été décoré de la US Medal of Freedom sans Palme en 1947. Arrêté par la Gestapo pour ses activités dans la Résistance, il fut condamné à mort, puis vit sa peine commuée en emprisonnement à vie. Il a survécu à la guerre et est décédé à Brasschaat, près d’Anvers, le 15 juillet 1975. Selon Maria JOCHEMS, sœur de Jozef JOCHEMS (voir ci-dessous), contactée le 16 janvier 2013 - il appartenait à la Witte Brigade, mais nous n’avons pas pu retrouver d’autres renseignements au sujet de son action, ni de son véritable rôle dans l’évasion de Kramarinko et Baker.]

Dans un autre livre, “Wuustwezel en Loenhout in de Tweede Wereldoorlog” de Guido van Wassenhove (Wuustwezel, Drukkerij Flitsgrafiek, 1985- http://www.getuigen.be/Getuigenis/3den/van-Wassenhove-Guido/tkst.htm), nous lisons que plusieurs aviateurs sont tombés dans la région le jour du bombardement de Mortsel. On signale que le 6 avril au matin, Jozef JOCHEMS, fils du fermier Jan JOCHEMS (habitant au n° 7 Popendonk – actuellement Popendonkseweg à Loenhout), revient de la laiterie avec sa charrette de laitier et découvre dans le bois du Molenbos, à environ 1 km au nord du centre du village, un aviateur américain nommé “Russell”. Il l’emmène chez lui où l’aviateur est caché du mieux que l’on peut. Il n’y a aucun "Russell" parmi les aviateurs US abattus le 5 avril et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il puisse s’agir de "Russ" Kramarinko. En fait, la chose est confirmée dans l’article de Seelos - découvert le 15 janvier 2013 - et dont question ci-dessus.

Personne dans la famille JOCHEMS n’est membre d’un mouvement de résistance. Le même soir, un autre aviateur est amené chez eux par des connaissances habitant Zundert, juste de l’autre côté de la frontière, en Hollande, et là encore, il se confirme dans l’article de Seelos qu’il s’agit bien de William Baker. Comme on souhaite voir ces hommes partir au plus tôt, vu le danger, des contacts sont pris et les deux aviateurs sont emmenés le lendemain 7 avril par un membre d’un groupement de résistance de Wuustwezel. [Jan Jozef JOCHEMS, né à Zundert, Hollande, le 4 novembre 1891, a été arrêté le 31 mai 1944 et se trouvait comme prisonnier n° 60062 à bord du convoi du 19 juin 1944 à destination de Buchenwald. Interné à Harzungen et Ellrich, il sera transporté vers l’infirmerie du camp de travail de Dora pour y faire soigner une sérieuse inflammation au genou. Il succombera là le 6 novembre 1944. Jan Jozef JOCHEMS se verra attribuer la US Medal of Freedom à titre posthume pour l’aide apportée à plusieurs aviateurs américains. La décoration fut remise à sa veuve en 1947.]

Kramarinko et Baker ont vraisemblablement transité par Anvers puis Bruxelles, avant de rejoindre Paris puis Bordeaux en train, après un voyage de onze heures.

A la fin du mois de mai, Kramarinko et Baker arrivent finalement au pied des Pyrénées. Marchant dans la montagne, souvent dans la neige, ils arrivent à la frontière espagnole. Ils passent en Espagne et atteignent une cabane de montagne où ils s’écroulent et s’endorment, épuisés. Ils sont réveillés peu de temps après par des soldats allemands qui les menacent de leurs armes. Les deux hommes sont immédiatement arrêtés. Ils se trouvaient à ce moment à environ sept kilomètres à l’intérieur de l’Espagne, donc dans la zone de 10 km bordant la frontière et où les Allemands, selon à un traité passé entre l’Espagne et le Reich, étaient autorisés à rechercher et arrêter des aviateurs alliés. Nous n’avons pas de date pour cet épisode, mais il doit s’être passé au plus tard en fin mai ou tout début juin 1943.


Traduction du rapport allemand original KU-4748 où l’arrestation de William Baker et d’Alexander Kramarinko est mentionnée, sans indication de date de capture (Archives NARA)

En début juin, Kramarinko se trouve à la Prison de Fresnes à Paris avant d'être envoyé le 5 juin vers le centre d'interrogation du Dulag Luft à Oberürsel en Allemagne où il reste jusqu'au 11 juin. Il arrive le 13 juin 1943 au Stalag Luft 3 à Sagan en Pologne occupée. Prisonnier n° 1468 - Baraque 132, Chambre 7.

La photo ci-dessous nous a été communiquée par le Lt Joseph Consolmagno, navigateur à bord du B-17 n° 42-5431, également du 306ème Groupe, abattu le même 5 avril 1943, et également détenu au Stalag Luft 3. Devant l’avance des troupes russes, le Stalag Luft 3 fut évacué à la fin janvier 1945 et les prisonniers survivants après une "marche de la mort" se retrouvèrent au Stalag 7A à Moosburg en Allemagne. Selon Conselmagno, dès sa libération de ce camp, Kramarinko se rendit en URSS dans l’espoir de retrouver son père, général dans l’armée soviétique. Nous ignorons s’il l’avait retrouvé ou pas.


Kramarinko et un compagnon de chambrée, le Lt Robert B. Hermann, juste après leur libération.
(Hermann était navigateur à bord du B-17 “Sweet Pea” - 42-5130 - 306th Bomber Group/367th Bomber Squadron,
perdu le 6 mars 1943 lors d’une mission sur Lorient, France.)

Le portrait provient du livre d'un autre prisonnier au Stalag Luft 3, le Lt Carl Henry Holmstrom, "Kriegie Life: Sketches by a Prisoner of War in Germany" (voir à cette page.)

Le 12 septembre 1942, Alexander Kramarinko, de descendance russe (d'où ses surnoms), se trouvait également comme co-pilote à bord du B-17 "Meltin' Pot" 41-24516 du 306 Bomber Group/368 Bomber Squadron. Le pilote, Capt. William C. Merton, et son équipage amenaient l'appareil depuis les Etats-Unis jusqu'au Royaume-Uni. Parti depuis la base de Gander, Terre-Neuve, Canada à destination de Prestwick en Ecosse, l'avion encourt des problèmes mécaniques et parvient péniblement à approcher des côtes de l'Ecosse. Il s'abîme finalement dans la Mer d'Irlande, au large des côtes, mais l'équipage sera sauvé par un dragueur de mines irlandais. (voir à cette page.) Le Lt Alexander Kramarinko est renseigné dans le registre d’accidents aux USA comme tué dans le crash d’un avion d’entraînement North American AT-6D-NT “Texan”, n° de série 41-32770, le 17 novembre, 1946. L’appareil avait décollé de la base de Craig Field, Alabama, et s’est écrasé à environ 8 km au nord-est de Franklin, Macon County, Alabama. Selon son ami Joe Consolmagno, Kramarinko n’est pas mort en 1946, ce qui semble confirmé par l’historien du 306th Bomb Group, Russell A. Strong, dans sa lettre du 19 janvier 1986 à Achille Rely reproduite à la page 77 à (www.306bg.org/MISSION_REPORTS/5apr43.pdf.) Dans un courrier électronique reçu le 20 juin 2013, Nicholas Alexander Kramar nous confirme l’année de décès comme étant bien 1981, précisant que son grand-père avait décidé peu après la guerre de faire officiellement changer son nom en Kramar.

En fait, selon sa "Draft card" (carte d’enrôlement le 16 octobre 1940 à Berwyn, Illinois), son nom complet était Alexander Robert Kramar : Son père était Alexander Kramarinko (parfois orthographié Kramarenko…). Lors de son engagement comme Aviation Cadet dans l’US Air Corps à Chicago, Illinois le 10 novembre 1941 (matricule 16035409), il est repris comme Kramarinko, tout comme dans sa fiche de Prisonnier de guerre. Vu le contexte de la guerre froide dès 1946, il aura préféré Kramar pour éviter toute connotation avec la Russie…



(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters