Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 2 novembre 2017.

William Francis CROWE ("Bill") / 17033526
315 20th Street, Sioux City, Iowa, USA.
Né le 23 juillet 1922 à Tulsa, Oklahoma / † le 11 mars 1996 à Rancho Cordova, Californie.
S/Sgt, USAAF 323 Bomber Group 453 Squadron, mécanicien et mitrailleur dorsal.
Lieu d'atterrissage : près d’Hornoy, Somme, France.
Martin B-26 Marauder, 41-34706, VT-H / Miss Fortune, abattu par la Flak le 31 juillet 1943 lors d'une mission sur l'aérodrome de Poix-de-Picardie, Somme, France.
Ecrasé à Vraignes-lès-Hornoy, Somme, France.
Durée : 2 semaines.
Passage des Pyrénées : le 14 août 1943.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 213. Rapport d'évasion E&E 83 disponible en ligne.

L'appareil décolle de Earls Colne et guide la formation, en pointe de la 453e escadrille. Vers 11h25 à 10.000 pieds (3000 mètres) à l'approche de l'objectif, l'appareil est touché dans les ailes et le fuselage, puis dans le moteur gauche. L'interphone ne permet plus de communiquer et un violent incendie se déclare dans le poste avant. L'avion doit d'abord quitter la formation, mais le pilote parvient à la rejoindre et la guider vers l'objectif sur lequel, bien que grièvement blessé, le bombardier George P. Edwards, parvient à larguer les bombes. L'avion est un brasier, ses ailes se désintègrent et il part en vrille, puis en piqué avant de remonter tout droit, le nez vers le ciel.

L'équipage d'un B-26 voisin voit quelques hommes sauter. Il y aura quatre morts : le Capitaine John P. Lipscomb, pilote (Commanding Officer du 453rd Squadron) ; le 2nd Lt Roger Morwood, bombardier, le S/Sgt Roland E. Clark, radio et le Lt George P. Edwards, navigateur. Celui-ci est abattu dans son parachute avant son arrivée au sol. Lipscomb, Clark et Edwards reposent au Cimetière Américain de Normandie à Colleville-sur-Mer. Le corps du Lt Morwood a été rapatrié aux Etats-Unis où il repose au Forest Park Cemetery à Houston, Texas.

William Crowe et le Sgt James P. Berry, mitrailleur de queue, sautent de 2500 m avant le mitrailleur ventral Joseph Hager. Crowe saute et ouvre son parachute à 600 m du sol. Il voit celui de Berry sous lui. Il atterrit dans un bois et ne peut dégager son parachute. Il échappe de justesse aux recherches de soldats allemands qui encerclent le bois. Il peut presque en toucher un et les entendant parler, il n’ose pas bouger avant tard dans l'après-midi. Il approche une ferme et prend contact avec le fermier. Un homme vient le chercher à la ferme pour l’emmener chez lui et Crowe y retrouve Hager. La liste des Helpers français ne reprend qu’un seul nom à Vraignes-lès-Hornoy. Il s’agit de Alfred OBIN, au sujet duquel nous n’avons pas d’autres renseignements, mais dont nous ne pouvons que supposer qu’il a pu intervenir de l’une ou l’autre manière dans l’évasion de Crowe et Hager, tous deux tombés à proximité…

Crowe est ainsi rapidement pris en charge et les deux hommes poursuivent ensemble leur évasion. Des patrouilles allemandes ratissent les environs et ils manquent souvent d'être repérés. On leur conseille de ne jamais engager de conversation avec quiconque et de toujours suivre leurs guides. Le Sgt Berry les rejoint à un certain moment et les trois hommes sont convoyés à bord d’une voiture. Lors d’un arrêt, Berry quitte un instant le véhicule pour aller fumer une cigarette un peu plus loin… et se fera arrêter par ce que les deux autres pensent être des SS. Berry sera interné au Stalag Luft 3 à Sagan, Pologne.

Crowe est alors récupéré par un Irlandais, "Joe" John Patrick BALFE (père) de l'Hôtel de France à Hornoy-le-Bourg, en Somme. Ils suivent une voie de chemin de fer et sont rejoints par un homme avec des vélos qui les mène chez BALFE. Hager arrive un peu plus tard, à 20 heures. Ils vont ensuite dormir dans le grenier d'une ferme. Un jeune Belge travaillant dans un aérodrome voisin les aide. Jean Marie Auguste GILBERT, du 1447 Chaussée d'Alsemberg à Uccle-Bruxelles, a été arrêté à Amiens en voulant rejoindre l'Angleterre et devait travailler à l'aérodrome de Beauvais-Tillé, puis pour Siemens à Poix. GILBERT aide Balfe durant six mois à partir de juin 42 jusqu'au 12 novembre 43. BALFE le fait alors partir pour l'Angleterre.

Le lendemain, 1er août, Crowe et Hager sont guidés vers une maison vide où ils restent 5 journées, dormant la nuit à la ferme. BALFE les visite tous les jours à la maison. Durant leur séjour, une infirmière française vient prendre leur photo et dit qu'ils seront emmenés en Suisse. Mais BALFE leur dit qu'il connaît une autre organisation plus efficace.

Le 5 août, Joseph Patrick BALFE (fils) et GILBERT conduisent Crowe et Hager à Amiens chez le coiffeur René LEMATTRE au n° 3 Rue Blin de Bourdon près de la gare Saint-Roch à Amiens. LEMATTRE, 33 ans, qui est un ami de résistance, est identifié comme "Jean Le Maitre" dans le rapport de l’aviateur Thomas Slack (voir sa page.) De plus, bien que tous les rapports mentionnent "Jean", il s’avère qu’il s’agit bien de René LEMATTRE, coiffeur tout comme son épouse Odette à l’adresse ci-dessus et repris sous ces noms à la liste des Helpers français. La confusion provient vraisemblablement de ce que son pseudo de guerre était "Jean-Marie LEMAITRE"... Hager et Crowe logent deux jours chez les LEMATTRE. John BALFE vient les prévenir le 6 qu'ils partiront le lendemain. Le 7 août, Joseph BALFE et Jean GILBERT les guident en train à Corbie. Ils vont alors chez "Nanette" et son compagnon russe dans un village voisin. Il s'agit de Renée "Nenette" BOULANGER et Ignace SOBIESZUK, fermiers, Rue de Corbie à Hamelet, chez qui ils restent deux jours.


Renée BOULANGER et Ignace SOBIESZUK.

Le 9 août, un homme vient les questionner et les identifier. Cet homme les prend à Paris et les conduit à une église, leur disant qu'ils vont rencontrer une femme portant un journal. Crowe et Hager sont vraisemblablement guidés à Paris par Marcel ROGER et sont alors pris en charge par Comète. Ils lui passent leurs photos dans l'église pour confection de faux papiers. La femme avec son journal apparaît et passe ledit journal à un jeune homme qu'ils suivent jusqu'à un magasin de papier à tapisser et son appartement. Ils y restent dans une chambre à l’écart. Il doit s'agir ici de Vassili LAMI, époux de Albertine VERHULST, peintre-décorateur. Vassili LAMI, né à Ovieto (Italie) le 4 avril 1914, est renseigné comme habitant au 151 Boulevard Davout, non loin de la Rue du Cher. Il a été arrêté le 27 juillet 1944 et envoyé au camp de Neuengamme en Allemagne par le convoi du 29 août 1944. Il est décédé le 7 avril 1945 à Luneburg (Allemagne.) Son adresse n’est pas loin d’une autre cache du groupe de Fernande PHAL épouse ONIMUS au n° 7 Rue du Cher à Paris XXe (Place Gambetta, maison connue des aviateurs comme "maison à 4 pattes" car il faut en effet rentrer dans une pièce secrète par une sorte de cheminée.)

Marcel ROGER vient les voir le 10 août avec des faux papiers et des vêtements, et leur dit qu'ils seront conduits à une femme le lendemain. Le 11 août, Crowe et Hager partent pour Bordeaux avec une femme. Elle cherche "Franco" (Jean-François NOTHOMB) à l'arrivée, et ils repartent pour Dax avec lui depuis une autre gare.

Hager se souvient que lors de l'un des voyages, dans un silence pesant, Crowe et lui se trouvaient assis en face de deux soldats allemands mangeant des pommes, leurs genoux frôlant les leurs. La tension était grande et ne fut levée que lorsque le convoi fut la cible de tirs (d'avions ? de partisans ?) et que des éclats de verre furent projetés un peu partout.

A Dax, le 12, ils prennent trois vélos et y rencontrent "deux Français" (Athur Daubleu qui en fait est Belge et Pierre Leclerq) et un Belge, Charles-Emile d'Oultremont. Ils vont dormir à l'étage du café "Chez Pierre" au 12 Quai Augustin Chabo à Bayonne (chez Pierre ARRIEUMERLOU et son épouse Catherine, née LESCOULIER). Le 13 août, ils repartent à vélo vers Saint-Jean-de-Luz et atteignent l'orée d'un bois au pied des Pyrénées.


Mot de remerciement laissé à Anglet le vendredi 13 août 1943.

C'est le 51e passage de Comète avec comme guide Jean-François NOTHOMB par l'itinéraire de Saint-Jean-de-Luz, du groupe de William Crowe, Joseph Hager, Arthur Daubleu et Pierre Leclerq. Le 14 août, ils arrivent à une ferme et partent vers 15 heures prendre un tram vers San Sebastian. Ils y restent deux jours, Michael CRESWELL venant les prendre en voiture le 16.

Crowe et Hager sont conduits en auto vers Madrid où ils restent cinq jours à l'ambassade britannique, interrogés par le major Clark le 17, avant de gagner Gibraltar en train le 21, où ils sont interrogés par le major Lewis le 22. Ils sont transportés par air, d'abord vers l'Afrique à Marrakech le 24 août puis vers Londres le 27. Après une tournée dans 14 bases de l'USAAF en Angleterre pour raconter leur évasion, Crowe et Hager sont rapatriés aux Etats-Unis le 15 octobre 1943.

William Crowe servira dans l’US Air Force en Corée et au Viet-Nam. Décédé en 1996, il repose au Saint Marys Catholic Cemetery and Mausoleum à Sacramento, Californie.

Merci à Kristine Zavoli, l'une des filles de William Crowe pour la photo de son père en uniforme et des détails de son évasion.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters