Aviateurs de l'opération Marathon

Dernière mise à jour le 13 août 2022.

William George DENNSTEDT/ R.86155
Canada
Né en 1918 à Carberry, Manitoba, Canada / † le 3 février 2003 à Moonsonin, Saskatchewan, Canada
Warrant Officer RCAF - RAF Bomber Command 433 Squadron,
Lieu d'atterrissage : à l'ouest de Düren, en Allemagne.
Handley Page Halifax Mk.B.III, N° de série LV840 (BM-E), touché par la Flak puis abattu par un chasseur Dornier dans la nuit du 22 au 23 avril 1944 lors d'une mission sur Düsseldorf.
Écrasé au lieu-dit "Rotterdell" près du village de Walheim, 10 km au sud-ouest d'Aachen/Aix-La-Chapelle, en Allemagne.
Durée : 4 mois et demi.
Camps Marathon : Villance

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3323/2404.

L'appareil décolle de Skipton-on-Swale à 22h22. D'abord touché par la Flak à hauteur de la frontière allemande en route vers la Ruhr, la formation est immédiatement attaquée à l'approche d'Aachen par des chasseurs de nuit allemands. Criblé d'obus sur le flanc gauche rendant le moteur hors d'usage, le Halifax est en flammes, il perd rapidement de l'altitude et devient incontrôlable. Le pilote, W/Off2 John Arthur Bourgeault, donne l'ordre d'évacuer et attend que tout l'équipage ait sauté avant de lui-même quitter l'appareil. Malheureusement la porte de la soute d'évacuation reste coincée et il perdra la vie dans le crash. Il repose en Allemagne au Rheinberg War Cemetery, près de Kamp Linfort.

Cinq hommes seront faits prisonniers : l'opérateur radio W/Off2 T. A. Miller - RCAF, le bombardier Fl/Off James W. Guignion - RCAF, le mécanicien Sgt Eric R. Bowerman - RAF, les mitrailleurs Sgt J.J.W.L. Plante - RCAF et Sgt J.E.C.R. Laframboise - RCAF.

Seul William Dennstedt parviendra à s'évader. Resté suspendu dans un sapin par son parachute, il ne sera pas repéré par les soldats allemands à la recherche de l'équipage. Descendu de son perchoir, il se rend compte qu'il a perdu ses bottes, vraisemblablement éjectées lors de l'ouverture de son parachute. Son visage, une jambe et son dos sont fortement égratignés et il saigne du nez et d'une blessure au visage.

S'aidant de sa boussole, il commence à marcher en direction de l'Ouest. Après 5 kilomètres, il s'abrite dans une ravine où il passe la nuit. Le lendemain à l'aube, il ouvre son kit d'évasion et découvre tout ce qu'il s'y trouve, y compris une carte qui lui permet de se situer, au Sud d'Aachen. A la nuit tombée, le 24 avril, il se remet en route, suivant une voie de chemin de fer, puis se réfugie dans des buissons où il passe la nuit.

Après quelques jours de marche pénible, il atteint la zone frontalière, passe en Belgique et trouve finalement de l'aide chez une famille de fermiers qui soigne ses blessures, lui donne à manger et à boire et l'installe dans le grenier d'une grange pour la nuit, annonçant le passage le lendemain de quelqu'un parlant anglais. On lui procure des vêtements civils et des bottines et le lendemain, au crépuscule, un homme arrive qui ne parle pas mieux anglais que Dennstedt ne parle le français. Il semble à l'aviateur que l'homme tente de dissuader les fermiers de le garder plus longtemps chez eux, vu le danger. Plus tard dans la soirée, un jeune homme arrive avec deux vélos et, après avoir remercié ses hôtes, Dennstedt le suit, pédalant en direction de Verviers.

Là, il dort dans une grange en bordure de la ville et y reste deux jours, pouvant y manger à sa faim. Arrive là un homme parlant l'anglais qui l'informe qu'il partirait bientôt pour Liège où il serait pris en charge par des personnes en contact avec la Résistance.

Arrivé à Liège, il est hébergé et reçoit la visite d'un officier de la Résistance qui l'interroge pour vérifier son authenticité. Satisfait des réponses de Dennstedt, l'homme emporte les photos d'identité du kit d'évasion de l'aviateur pour la confection de faux papiers.

Dennstedt reçoit par après sa carte d'identité et sa carte de travail, l'identifiant comme Louis Georges, sourd-muet, ouvrier d'une distillerie. On lui indique alors la route à suivre vers un village en France où il doit rencontrer un membre de la ligne d'évasion et dont on lui donne le nom de code.

Dennstedt arrive à Rochefort, traverse la ville et est repéré par un homme à vélo qui, s'adressant à lui dans un anglais parfait, lui dit de le suivre. En fait, après l'avoir dépassé, cet homme s'était arrêté pour soit-disant réajuster la chaîne de son pédalier. Au moment où Dennstedt le dépassait, il l'entendit siffler tout doucement "It's a long way to Tipperary". L'homme est Edgard NASSOGNE, un électricien résidant alors à Buissonville et qui avait habité avant la guerre dans les Midlands. Edgard NASSOGNE fut arrêté plus tard par la FeldPolizei, et exécuté début septembre 1944 dans le jardin du Chateau Bourguignon à Marche. NASSOGNE conduit Dennstedt chez lui à Buissonville, en faisant un détour par le Corbois, pour éviter le centre de la ville. Dennstedt reste loger chez lui quelques jours avant d'être mené vers une cachette dans les bois près d'Aye.

Peu après être avoir été transféré au maquis de Buissonville (dans les bois dits "de Famenne"), des opérations de nettoyage "anti-terroristes" avaient été commencées par des Unités de l'Armée Vlassov (les POA) dans la région de Rochefort. Dennstedt fut alors remis à Charles LISMONDE, qui le cacha dans un abri construit dans un petit bois derrière chez lui, à Aye. Ensuite, il rejoignit le Maquis de Fenffe, où il participa à un coup de main contre un convoi allemand, évacuant la Werbestelle et la Gestapo de Dinant.

Il y a deux autres aviateurs évadés dans ce bois, un Américain et un autre Canadien, mais ces deux hommes quittent bientôt le bois, apparemment pas satisfaits des conditions de vie dans ce campement ni de la nourriture qui leur y est apportée. Ils seront arrêtés par la suite. Dennstedt, lui, reste encore quelque temps dans sa cachette, y recevant la visite de LISMONDE, qui apporte des nouvelles de la guerre et lui apprend en début juin que les Alliés ont débarqué en Normandie. LISMONDE repasse un peu plus tard, signalant que l'avance Alliée est moins rapide que prévu.

Dennstedt commence alors à souffrir de l'abdomen, est incapable de digérer quoi que ce soit et deux jeunes garçons lui apportent de quoi faire passer son mal, ainsi qu'un message de LISMONDE lui recommandant de quitter son abri, les Allemands fouillant dans le secteur. Les deux garçons le mènent dans un autre bois dans la forêt ardennaise et Dunnstedt y reste seul pendant quelques semaines, se nourrissant du peu qu'il trouve dans des jardins et des champs.

Il rencontre alors quatre belges (de l'Armée Secrète ?) qui lui demandent de se joindre à eux dans leurs opérations de maquisards. Dennstedt accepte et son rôle se limite à faire la cuisine, monter la garde et aider au transport d'équipement. D'autres résistants arrivent au camp et une nuit l'emplacement est attaqué par une patrouille allemande. Caché dans une meule de foin pour la nuit, Dennstedt s'en tire, retourne au camp le lendemain et ne reverra plus les maquisards belges.

Un peu plus tard, il rencontre un soldat russe avec lequel il se cache dans la forêt, les deux hommes partageant le peu de nourriture qu'ils parviennent à voler. Le Russe le quitte lorsque des coups de feu se font entendre à proximité. Dennstedt, à nouveau seul, s'enfonce encore davantage dans la forêt où il vit dans l'attente de l'arrivée des troupes de libération.

Il se retrouve alors dans un groupe de seize aviateurs Alliés, rassemblés par la Résistance. Le nom de Dennstedt figure dans un rapport établi en 1948 par Jules DELCUVE et concernant le camp de Villance. Son nom y côtoie ceux de Ralph Burckes, Bernard Harkin, William Ezra, A.G. Goddard et Edward Latham.

Le rapport indique que ces six aviateurs, dont Dennstedt, recueillis début août par l'Armée Secrète, se trouvaient cachés près de Laloux dans les bois de la baronne van der STRAETEN-WAILLET. Le rapport SPG de Dennstedt précise qu'il se trouvait dans ce camp en compagnie du W/Off Alwyn Terrence Till, RAAF, bombardier à bord du Lancaster ND694 du RAF 635 Squadron abattu dans la nuit du 12 au 13 août 1944 et seul survivant du crash.

Le 21 août le chef du maquis, "Monsieur TOM", organise une embuscade et demande aux aviateurs de participer à l'action, ce que tous acceptent. Deux charrettes sont placées en travers d'une route, mais ce sont deux camions bourrés de militaires allemands qui arrivent. Les véhicules s'arrêtent devant la barricade, les soldats se mettent à tirer et les maquisards et les aviateurs s'enfuient en désordre dans les bois. Malheureusement, le W/O Alwyn Terence TILL - A.410756 (Né le 9 mai 1921 à Ringwood, Victoria, Australie, meurt ce 21 août 1944 lors de cet engagement armé. Il repose au cimetière militaire de Hotton. Il se trouvait à bord du Lancaster ND694 du RAF 635 Squadron, abattu le 12 août 1944 et écrasé à Werbomont. Ses six camarades de bord sont morts et reposent également à Hotton.

Le 2 septembre (selon le rapport de Jules Delcuve) les évadés sont pris en charge par Guy NICAISE qui les remet le même jour au guide VAN MOERKERKE qui les mène au camp de Villance. Le 7 septembre (selon DELCUVE, le 2 selon le récit de Dennstedt) une alerte oblige les 21 aviateurs cachés là, dont Dennstedt, à s'égailler dans les bois proches. Cette arrivée intempestive de soldats allemands sur les lieux est vraisemblablement due à une dénonciation. Quatre aviateurs seront arrêtés au matin du 8 septembre par les Allemands : Kenneth Dobson, Austin Dunning, James Toole et Ralph Burckes.

William Dennstedt et les autres seront libérés le 8 septembre 1944 par des troupes américaines. Dennstedt raconte qu'il a pu, seul, monter à bord d'un camion devant amener des prisonniers allemands à Paris. Arrivé dans la capitale française, il rejoint le lieu de rassemblement indiqué pour tous les évadés Alliés. A l'aéroport, il rencontre des officiers de la RAF qui acceptent de l'emmener par avion à Londres où il arrive le 9 septembre. William Dennstedt est interrogé le lendemain par l'IS9.

Une photo de l'équipage du pilote Bourgeault se trouve à http://www.wartimememories.co.uk.

Le récit de Dennstedt dont il est fait mention ci-dessus (une version abrégée de son "A Journey Into the Unknown") se trouve sur le site de notre ami Keith Janes à cette page

William Dennstedt, décédé en 2003, repose au South Side Cemetery à Moosomin, Sasketchewan, Canada. Son épouse Mildred, décédée en 2016, y repose également.


Marilyn Wiwcharuk (1945-2016), fille de William et Mildred Dennstedt avec un exemplaire du livre
de son père (photo de Keith Anderson à
http://www.kamloopsnews.ca/arts-entertainment/local-a-e/songs-of-war-and-remembrance-1.1243755 )

Merci à Hubert Barnich, de Marche-en-Famenne, pour les détails sur le trajet entre Rochefort et Aye.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters