Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 13 janvier 2020.

John Hubert James DIX / 1320215 et 155581
174 Sketty Road, Enfield, Middlesex, Angleterre
Né "le 28 avril 1923" selon son SPG, mais en fait le 31 juillet 1923 à Enfield, Angleterre / † décédé le 18 décembre 2003 à Toronto, Canada
Sgt, RAF Bomber Command 158 Squadron, bombardier
Atterri dans la zone du "Hierberbesch", entre Lilien et Herborn, près de Berburg / Berbourg, à une dizaine de km au sud-est de Marscherwald, Grand-Duché de Luxembourg
English Electric Co. Halifax Mk. II n° JD298 (NP-N), "Nuts", abattu juste avant minuit le 27 août 1943 au-dessus du Grand-Duché de Luxembourg par un chasseur de nuit (Oblt Helmut Bergmann 8./NJG 4), lors d'une mission sur Nüremberg.
Écrasé vers minuit entre Altrier (Altréier) et Graulinster, à 12 km au SO d'Echternach, Grand-Duché de Luxembourg.
Durée : 9 semaines
Passage des Pyrénées : le 5 novembre 1943

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3317/1600 dont copie reçue de son cousin Bryan.

Entré à la RAF le 11 juin 1941, John Dix est passé par l'OTU 24 de Honeybourne.


John Dix (DIXIE, le 3ème depuis la droite), avec GEORGE (George Hirst), TICH (John Thomas)
et RIP (George Rippingale) et les membres de l’équipage au sol de leur Halifax
Photo de la page http://www.torontoaircrew.com/Navigators/Dix_3/dix_3.html

L'avion décolle de Lissett à 21h00 et est attaqué par le chasseur allemand au-dessus du G. D. de Luxembourg avant d’atteindre son objectif. Les deux moteurs gauche prennent feu et l’ordre d’abandonner l’appareil est donné. Trois hommes seront tués : le pilote P/O John Yorke Clarke, RAAF (dont le frère, Robert Mayo Clarke, sera lui aussi tué, le 7 janvier 1945 en mission sur Munich), le mécanicien Sgt George Rippingale et le mitrailleur arrière Sgt John Thomas. Ils reposent tous trois au Rheinberg War Cemetery à Kamp Lintfort, Allemagne.

Quatre hommes parviendront à s'évader, le quatrième, le navigateur Sgt Harold M. Robinson se faisant arrêter à Namur le 23 septembre 1943. Outre John Dix, l’opérateur radio le Sgt Eric W. Brearley et le mitrailleur dorsal le Sgt George H. Hirst ne seront pas capturés. Aidés par plusieurs résistants luxembourgeois, ils seront cachés à divers endroits du pays jusqu’au 18 décembre 1943, date où ils sont guidés en train depuis Luxembourg jusqu’à Differdange. Ils passent la frontière Luxembourg-France et via Longwy, Etain, Nancy, Paris et Clermont-Ferrand, arrivent à Les Ancizes-Comps, au nord-est de Clermont-Ferrand. De là, on les mène à un camp de maquisards des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) près de Ayat-sur-Soule, où ils restent jusqu’à la Libération.

A l'ordre de sauter, Dix est le second à quitter l'appareil. Il atterrit dans un champ entre Trier (Trèves) et Herborn, dans la zone du Marscherwald. Il arrache ses insignes, met ses pantalons par-dessus ses bottes et marche vers l'Ouest. Après 2 heures de marche, il monte dans un arbre en lisière de Herborn et y dort jusqu’à 07h00 le lendemain. Le 28, il évite l'agglomération par la forêt et rencontre un fermier, qui l'emmène chez lui et lui donne à manger. Il s’agit de Pierre STEICHEN, de Herborn, chez qui il dort quelques heures dans une grange, avant d’y recevoir la visite d’un garde forestier qui parle un peu d'anglais, Nicolas HERBER, de Strassen. HERBER lui recommande de quitter les lieux dès après la tombée de la nuit, car les Allemands sont à sa recherche. Il reçoit de la nourriture pour trois jours et le conseil de marcher plein Ouest. A 21 heures, un jeune homme vient le voir, il est mis en contact avec une organisation et son évasion est dès lors arrangée.

Dix est ainsi pris en charge par un groupe de Résistance dirigé par Pierre MAROLDT. Ce groupe sera dénoncé par un jeune garçon. Sur base d’un examen des dossiers personnels des Helpers luxembourgeois aux National Archives américaines, nous avons pu établir le parcours de Dix au Grand-Duché de Luxembourg (Notons que, comme souvent dans des rapports, les dates et durées de séjour divergent selon les sources…) :

Le 28 août, le garde forestier Nicolas HERBER confie Dix au fils de Joseph SCHAMINÉ qui le conduit à l’hôtel tenu par son père à Osweiler, à 6 km au nord-est de Herborn. La durée de son séjour là varie selon les sources : "8 jours" selon le rapport de Schaminé ; "5 jours" d’après Dix ; 3 jours si l’on en croit la déclaration d’Hélène NICOLAY, du 25 Rue du Canal à Ettelbruck, qui déclare que le 31 août dans la soirée, elle a été chercher Dix, entretemps pourvu de vêtements civils, chez Joseph SCHAMINÉ… Une adresse à Luxembourg, le 27 Rue Elisabeth, est reprise dans la liste des Helpers luxembourgeois au nom de Joseph SCHAMINÉ. Durant son séjour à l’hôtel, Dix reçoit la visite de Claire PETERS de la Rue de la Gare à Schifflange.

Par ailleurs, dans son rapport, Albert HOFFMAN-SCHAMTE de la Rue Michel Rodange, à Luxembourg, renseigne qu’il s’était vu confier Dix par Nicolas HERBER et qu’il l’a remis ensuite à Mlles NICOLAY et PETERS…

Hélène NICOLAY va chercher Dix à Osweiler, puis, avec Joseph SCHAMINÉ et Claire PETERS, tous trois guident Dix (en camion, semble-t-il) chez M. et Mme Pierre MAROLDT à la Rue Dernier Sol à Luxembourg, chez qui Dix rapporte être resté 8 jours…

Le 9 septembre, Hubert GLESENER (serrurier au 3 Rue St Sébastien à Rumelange), Jules KUHN (du 19 Rue Grande Duchesse Charlotte à Luxembourg) et Jules COLABIANCHI (du 10 Rue Albert Ier à Luxembourg) viennent chercher Dix chez les MAROLDT pour le conduire chez Robert et Catherine (dite Cécile) GRZONKA-WIRTZ au 19 Rue Michel Lentz à Luxembourg. Dix reste chez les GRZONKA du 9 au "22" septembre 1943. Le 13 septembre, il est rejoint par son navigateur Harold Robinson. Durant la période, se trouve également chez les MAROLDT, le 2nd Lt Everett Boyd Ragan, USAAF, observateur à bord du B-17 42-30140 (381st Bomb Group/532nd Bomb Squadron) abattu près de Esch le 17 août 1943. Le nom de Ninny CLEES de Luxembourg est repris pour fourniture de vêtements à des aviateurs (dont Dix), pas d’hébergement. Lilly KLEES-WEBER, du 116 Avenue Victor Hugo, Luxembourg, est mentionnée comme ayant servi d’interprète chez les GRZONKA et avoir rendu visite chaque jour aux trois aviateurs. On la signale comme "arrêtée en même temps que Robinson et Ragan" (voir plus bas).

Le "22" septembre 1943, Robert et Cécile GRZONKA conduisent Dix, Robinson et Ragan chez Mme Marie ("Maggy") FRAUENBERG-PAULS au 16 Rue Bernard Haal à Luxembourg. On mentionne un séjour de 10 jours-là, Dix ne parlant que de 5 seulement chez cette dame… Selon le rapport d’Eugeen PEIFFER, meunier à Oberpallen avec son épouse Berthe, Pierre MAROLDT et Hubert GLESENER leur amènent Dix, Robinson et Ragan, qu’ils logent "durant 5 jours".

Eugen PEIFFER et Joseph DAMEN (également d’Oberpallen) font alors passer les trois aviateurs en Belgique et les mènent au Moulin de la Platinerie à Bonnert, chez Julien GREIN. Ils y logent une nuit avant de partir pour Arlon d’où ils prennent un train pour Bruxelles, guidés par Claire PETERS et Hubert GLESENER.

Notons que suite à leurs activités de résistance dans la L. P. L. (Lëtzebuerger Patriote Liga), plusieurs des Helpers cités ont été arrêtés : Pierre MAROLDT, arrêté le 22 octobre 1943 ; Hubert GLESENER, arrêté le 29 décembre 1943 ; Robert GRZONKA et Jules KUHN, arrêtés en octobre 1943. Tous quatre ont été fusillés avec 19 autres le 25 février 1944 au camp de concentration de Hinzert. Joseph COLABIANCHI, Hélène NICOLAY, Cécile GZRONKA, Marie FLAUENBERG-PAULS, l’épouse de Jules KUHN (Celine FABER), Eugen PEIFFER, également arrêtés, rentreront des camps après leur libération.

Selon Dominique PAULI, ce voyage en train vers Bruxelles se passe le 22 septembre 1943 (en contradiction avec les éléments "Luxembourg" ci-dessus…). A Namur, Harold Robinson et Everett Ragan sont arrêtés . A leur arrivée à Bruxelles, Claire PETERS conduit Dix dans une sorte de cabinet de dentiste près d'un QG allemand. Des gens du groupe de Victor RANDOUR le placent pour six semaines chez Auguste OCKET et sa femme au 154 Rue Potagère à Saint Josse-ten-Noode (décédés en 1946 dans un accident). Le même jour, convoyé par Mme Marie-Louise GRINGOIR du 20 Rue des Archers à Koekelberg, il va boire un thé chez Ferdinand FISCHBACH, où il fait la connaissance de James Rainsford et où les deux hommes reçoivent des instructions pour la suite de leur évasion. Ferdinand FISCHBACH, citoyen luxembourgeois de Hassel par Aspelt, est renseigné comme ayant une adresse à Bruxelles, au 2 Rue Dumonceau (selon sa fiche Helper luxembourgeoise) et également, selon RANDOUR, au 103 Boulevard de Waterloo. En fait, la société Evence Coppée & Cie, constructeurs de fours à coke et lavoirs à charbons, avait à cette époque, des bureaux dans le bâtiment qui existe toujours et couvre les deux adresses. Ceci nous laisse penser que FISCHBACH utilisait cet endroit comme couverture.

Isabelle ANSPACH (ou sa fille Dominique PAULI) les conduit à la Gare du Midi avec M. et Mme FISCHBACH. Une personne les guide à la frontière française depuis Bruxelles. Ils la traversent en suivant un chien dressé à cet usage. Dix et Rainsford sont vraisemblablement passés par Henriette HANOTTE et sont ensuite escortés à Paris via Lille par Amanda STASSART.

Dix et Rainsford sont logés à Paris pour environ deux semaines, par les soins de Germaine FLACHET, chez André et Lucienne SANTUS, bouchers au 11bis Rue Pierre Demours, Paris XVIIe.

André et Lucienne SANTUS furent arrêtés le 4 avril 1944 et tous deux déportés en Allemagne en fin mai. Lucienne reviendra des camps en fin juin 1945, mais André Ferdinand SANTUS décèdera le 8 janvier 1945 au camp de concentration de Fallersleben/Neuengamme, âgé de 48 ans. Après la guerre, son corps a été rapatrié en France où il repose à la Nécropole Nationale de la Déportation à Natzweiler-Struthof, à environ 60 km au Sud-Ouest de Strasbourg. En janvier 2020, leur petit-neveu, Xavier Osmont, nous a fait parvenir une photo et une lettre que nous reproduisons ci-dessous.


De gauche à droite, Lucienne SANTUS, John Dix et son épouse, en France lors du mariage des parents de Xavier.


Lettre de John Dix à la famille de Lucienne SANTUS, suite au décès de cette dernière. Il y exprime sa tristesse et considère Lucienne comme une sainte, ayant énormément souffert dans sa vie. Il dit regretter n’avoir jamais appris le Français, qui aurait pu lui permettre de communiquer plus facilement avec elle. Il rapporte que la photo de Lucienne qui orne son salon lui rappelle tous les jours sa gentillesse à son égard en 1943.

Dix et Rainsford sont ensuite guidés par Denise HOUGET jusqu'à Sutar où ils dorment une nuit au café Larre chez Jeanne VILLENAVE (Mme MENDIARA).


Mot de remerciement de Dix dans le carnet de Pierre Elhorga.

De là ils sont guidés par des gens de Pierre ETCHEGOYEN jusqu'à la frontière espagnole et la franchissent par Larressore avec un guide seul, pour le 67e passage de Comète. Dix déclare arriver en Espagne le 3 novembre avec le 2nd Lt Jackson Clary, le S/Sgt Paul Shipe et le Sgt James Berry. La police espagnole prend note de leurs noms et identifications et ils passent une nuit dans un petit village, probablement Urdax.

Le 5, la police les escorte à Irun où ils déclarent tous être des officiers puis sont amenés dans un hôtel, où ils rencontrent onze aviateurs, neuf Américains et deux de la RAF. Dix y reste une semaine et est conduit ensuite à Saragossa. Il passe plusieurs jours à Alhama de Aragon et à Madrid, arrivant à Gibraltar le 28 novembre. Il déclare avoir été très bien traité par les Espagnols durant son séjour chez eux.

John Dix quitte Gibraltar par avion le 6 décembre 1943 et arrive à Porthead le même jour. Promu Pilot Officer durant son évasion, il est interrogé par le MI-9 le 7 décembre 1943. Après son retour en Angleterre, John Dix est assigné au RAF No. 267 Squadron en Italie, servant plus tard en Birmanie et Malaisie. Transféré au No. 353, il est chargé de l’accompagnement lors du transport de personnalités et devient le navigateur personnel du Field Marshal Sir Claude Auchinleck, Commander-in-Chief en Inde. John Dix est démobilisé le 15 septembre 1947 à Warton en Angleterre. En mars 1948, il signe une attestation comme ex-Flight Lieutenant 155581 et devient navigateur personnel du dernier Nawab (Gouverneur) de Bhopal (actuellement Madhya Pradesh) en Inde, Sir Hamidullah Khan, qu’il accompagnera pendant 3 ans dans ses vols en Inde, en Europe et en Arabie.

Ayant opté pour la nationalité canadienne, John Dix s’est marié et installé à Toronto. Fondateur et Secrétaire de la Canadian Branch de la RAFES (Royal Air Force Escaping Society), il avait rejoint la compagnie d’aviation B.O.A.C. (La British Overseas Airways Corporation, devenue British Airways en 1973) et y occupe des fonctions à Kano (Nigeria), à Karachi (Pakistan), à Gander (Terre-Neuve) et à Toronto jusqu’à sa retraite en 1974, après 25 ans de service dans la compagnie. Il a consigné ses souvenirs du crash et de son évasion dans un ouvrage autobiographique (non publié) intitulé “Come Walk With Me - An Odyssey of World War Two”. Merci à son cousin germain Bryan Dix pour les détails biographiques qu’il nous a transmis en mars 2017.

Une plaque a été apposée à l’endroit du crash à la mémoire de l’équipage :


Photo provenant du site http://www.mywort.lu/bech/30388610.html?lang=fr

(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters