Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 27 avril 2016.

Norman Tracey "Tracer" FAIRFAX / 129938
Middleton, 76 Plaistow Lane, Bromley, Kent, Angleterre

Fl Off, RAF Fighter Command 107 Sqn, radio/mitrailleur
atterrissage de fortune avec l'appareil
Douglas Boston IIIA, N° série BZ237, OM-Sabattu le 27 août 1943 par la Flak et un chasseur lors d'une mission sur une centrale électrique à Gosnay, faubourg de Béthune
atterrissage de fortune à 19:15 hr, entre Greuppe et Beaumetz-lés-Aires, à ± 20 Km au Sud de Saint-Omer
Durée: 7 semaines
Passage des Pyrénées : le 14 octobre 1943

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3316 1536 complet.

Ils décollent de Hartford Bridge pour aller bombarder la centrale de Gosnay au Sud-Ouest de Béthune. Au retour, un moteur est endommagé par la Flak et ils ne peuvent rester en formation. Un chasseur Focke-Wulf les achève et ils atterrissent en catastrophe à 17 heures 27 (heure anglaise). Tout l'équipage est sauf. Le navigateur Roddie MacLeod sort le premier, suivi par le pilote James Allison, puis Norman Fairfax et enfin le cinéaste Graham Kelly. Une bombe incendiaire est jetée dans un réservoir et les quatre hommes courent se cacher dans un fossé. Ils s'éloignent de 1 mile en évitant quatre paysans qui regardent, médusés, la carcasse brûler.

Ils restent en vue de l'appareil jusqu'à la nuit pour ne pas se déplacer de jour et décident de se séparer en deux groupes. On tire à la courte-paille le compagnon de Kelly. Le pilote, James Allison et Graham White "Skeets" Kelly, le photographe s'en vont ainsi de leur côté. Kelly, ainsi qu'une dizaine d'autres aviateurs, sera arrêté sur trahison à Paris le 17 décembre 1943 (à l'église de Pantin) et interné au Stalag Luft 3. MacLeod et Fairfax partent alors au Sud-Est.


Roderick MacLeod, James Allison et Norman Fairfax
le 16 août 1943, au retour de leur dernière mission avant d'être abattus le 27 août.

Fairfax et MacLeod marchent pendant trois heures puis dorment deux heures dans une meule de foin. Ils repartent et arrivent à Sachin, à l'Est de Heuchin. Ils se dirigent à six heures et demi vers une ferme le long de la route, où un vieil homme et sa fille de seize ans leur servent du vin et de la bière, pendant qu'on leur montre où se trouvent les Allemands sur une carte du Pas-de-Calais. Ils continuent et rencontrent des fermières qui traîent leurs vaches à la ferme voisine. Elles leur donnent du pain mais ont trop peur de les aider davantage. Une forte pluie les fait se reposer dans un bois. Une autre fermière les prend au village de Fiefs, le long de la Nationale vers Saint-Pol, et les cache dans un fossé, mais ils préfèrent ne pas attendre qu'elle revienne.

Un homme passe et les voit et leur demande une preuve d'identité, puis les emmène chez lui. Il leur donne des habits civils et de la nourriture et les loge chez lui pour le restant de la nuit du 28 au 29 août. Fairfax et MacLeod sont hébergés par ce jardinier de Fiefs, M. LEVITE [qui figure bien à la liste des helpers français de l'IS-9, mais sans confirmation]. Suivant son conseil, Fairfax et MacLeod partent pour Fillièvres, plus au Sud-Ouest, où LEVITE sait que se trouvent un parachutiste et un poste de radio. Nous sommes dimanche et ils marchent sur des chemins latéraux, dans leurs habits de travail leur permettant de voyager de jour.

Ils traversent la Ternoise à Anvin. Ils y dorment encore un peu dans une meule de foin et arrivent le 30 à Croisette. Ils sont nourris copieusement et dorment le jour dans une grange chez des cheminots. Ils arrivent à Fillièvres le 31 août au matin.


La ferme où habitait René Gérault durant la guerre, au 6 rue du Hametz, Fillièvres.
Photo : Colin MacLeod, mars 2016

A Fillièvres, le fermier René GERAULT à la rue du Hametz, résistant, les héberge huit jours mais ne sait rien. Finalement, par le curé (abbé Léon GUERLET), René GERAULT entre en contact avec le professeur de mathématiques du lycée de Frévent, René GUITTARD (habitant au 158 rue d'Hesdin à Frévent et qui sera déporté plus tard). GERAULT, Émile et un troisième résistant de Fillièvres arrivent à vélo dans le bois où MacLeod et Fairfax se cachent de la journée avec deux citadins de Frévent : René GUITTARD et Gérard MALO, un jeune homme de dix-huit ans habitant au 30 rue Aristide Briant à Frévent (Pas-de-Calais). GUITTARD prend bonne note de leurs identifications, objectif, avion qu'il dit aller télégraphier à Londres pour vérifier si leurs dires sont vrais. Si tout est correct, ils seront évacués par avion dans deux ou trois jours. Tout en restant cette semaine avec GERAULT, ils sont nourris par son employeur, M. Émile, un autre résistant. Nos deux évadés reçoivent encore la visite du curé de Frévent et un coiffeur vient leur couper les cheveux. Yvette, la sœur de René GERAULT vient prendre des photos, qu'ils verront un an plus tard, une fois stationnés non loin de Fillièvres.


A Fillièvres en septembre 1943, René Gérault, Paulette ou Yvette Gérault et Roderick MacLeod.

Leur départ vers Frévent est retardé à la suite de l'explosion accidentelle d'un B-17 au-dessus de Fillièvres (Il s’agit du B-17 Serial 42-30010 du 92nd BG/407th BS, crashé près d’Auxi-le-Château le 6 septembre 1943). Tout le monde aperçoit quatre parachutes avant que l'avion n'explose. Fairfax et MacLeod apprennent plus tard par le récit d'un des quatre survivants que les bombes étaient équipées d'un nouveau modèle de fusées. Une bombe incendiaire ayant fusé, le pilote a donné l'ordre de sauter. Seuls quatre personnes en auront le temps, six autres mourant dans l'explosion de ce B-17. Deux des rescapés sont arrêtés immédiatement, et deux autres parviendront à s'évader (les mitrailleurs S/Sgt William W. Rice et James G. Wilson qui seront évacués via la Bretagne – rapports d’évasion, respectivement E&E 297 et E&E 289, Rice étant logé à Frévent chez Mme veuve Marie MOTHAUX, 5 Rue Saint Hilaire).

Le jour suivant, des B-26 Marauders viennent bombarder la gare de triage de Saint-Pol-sur-Ternoise, causant la mort de nombreux soldats allemands et de 8 civils (La liste de ces victimes civiles est lisible à http://memoiresdepierre.pagesperso-orange.fr/alphabetnew/s/saintpolsurternoise.html#liste). Le remue-ménage pour évacuer tous les blessés empêche le déplacement de Fairfax et MacLeod. La gare de Saint-Pol-sur-Ternoise est presque complètement détruite.

Le 8 septembre, Fairfax et MacLeod sont conduits à Frévent dans une camionnette de boucher chez René GUITTARD, le professeur de mathématiques du lycée local. Fairfax y reste quatre jours puis est logé chez ses parents Eugène et Sidonie GUITTARD, qui tiennent un café au 33 rue de Doullens. De son côté, MacLeod n'y dort qu'une nuit et reste les dix autres jours à Frévent chez M. ANCET, un ferronnier et peintre, résistant lui aussi [ils lui sont présentés comme Monsieur and Madame Ancet et MacLeod les connaîtra toujours sous ce nom jusqu'à ce qu'il revienne les voir un an plus tard, et qu'ils lui disent alors que leur vrai nom est GUYOT, et non ANCET]. GUITTARD leur confectionne de vraies-fausses cartes d'identité. Huit Américains se trouvaient à ce moment à Frévent. Comme les parents de Gérard MALO, très actif dans le rabattage des aviateurs autour de Frévent, hébergent en ce moment un Américain, rescapé du raid des Marauders sur Saint-Pol-sur-Ternoise, MacLeod peut passer une après-midi en sa compagnie.

Ce qu'ils ignorent encore, c'est que Allison, leur pilote, était à Frévent la veille de leur arrivée, et qu'il avait été dirigé vers un village voisin, "plus sûr".

Le 15 septembre, GUITTARD se rend à Arras pendant qu'on leur présente une femme qui vient chercher Fairfax et MacLeod pour Paris le 16 septembre. Mme GUITTARD refuse, ne la connaissant pas et n'ayant reçu aucune instruction de son mari.

Le 18 septembre, René GUITTARD et son cousin Pierre les escortent en train à Arras via Saint-Pol et les laissent à la Rue Nungesser et Coli chez une femme nommée PAYEN et sa fille Léone. Après le repas de midi, une dame âgée d'environ 65 ans, "Mme Blanche" qui dit avoir travaillé avec l'infirmière Edith CAVELL, devait les guider à Bapaume dans la voiture du maire, Abel GUIDET. Finalement, ils prennent un train pour Achiet-le-Grand avec "Mme Blanche et Leone PAYEN, puis une correspondance pour Bapaume. Là, deux aviateurs et leurs deux guides vont chez une Belge, Madeleine DECLERCQ, au 7 Rue Félix Fauré. Son époux, britannique, avait été arrêté en 1940 et elle avait habité près de Brighton entre les deux guerres. [Dans diverses listes de Comète, nous recensons une Madeleine DE CLERCK épouse Émile GOEDGEZELSCHAP et mère d'un Pierre, (Belge) au 7 Rue Félix Fauré à Bapaume. Henriette BALESI déclare en 1945 que la sœur de cette Madeleine DECLERCQ avait épousé un Anglais, en captivité à Vittel, et qu'ils se servaient de sa maison].

Fairfax et MacLeod restent 18 jours chez Mme DECLERCQ. Ils sont les 9e et 10e aviateurs qu'elle héberge. Ils vont manger deux fois chez le maire, Abel GUIDET au 44 Rue de Péronne. Ils sont photographiés chez le photographe local, Jean-Baptiste SOUILLARD, au 27 Rue d'Arras à Bapaume. Il photographie pour les aviateurs et évadés depuis 1940 et refusera d'être un agent reconnu à la fin de l'occupation. Fairfax et MacLeod reçoivent ensuite d'autres cartes d'identité.

Le 5 octobre, Abel GUIDET les conduit en voiture à Achiet-le-Grand (± 8 km au NO de Bapaume) et "Mme Blanche" les guide ensuite à Paris en train, devant les remettre au "chef de l'organisation" (Jacques LE GRELLE) dans une église. Cette "Mme Blanche" est en fait Henriette BALESI dite "Trottinette", née à Bonifacio (Corse) le 30 juin 1879. Son rendez-vous habituel est l'église Saint-Laurent. Amanda STASSART est également citée comme guide vers Paris, mais n'intervient pas dans la présente affaire. [Abel GUIDET a été arrêté à Arras le 27 novembre 1943 par la police allemande alors qu'il sortait de la préfecture. Accusé, entre autres, d’avoir participé à la réception de parachutages d’armes dans la région de Bapaume, il est incarcéré d’abord à Douai, puis à Arras. Déporté le 4 avril vers l’Allemagne, il décède le 27 novembre 1944 au camp de Groß Rosen.]

En fait, l'homme qui devait les prendre à l'église est déjà sur le quai de la gare à leur arrivée. Fairfax et MacLeod le suivent illico et entrent dans une église en allant directement jusqu'à l'autel et à la sacristie ("une sorte de vestiaire"). Là une jolie blonde prie et "le chef" l'imite. Cette blonde attractive (Germaine BAJPAI née FLACHET) leur remet deux tickets de métro et ils la suivent... en essayant de ne pas la perdre, Fairfax à dix pas derrière elle et MacLeod encore dix pas plus en arrière. Presque par miracle, ils peuvent monter dans la même voiture de métro qu'elle et descendent à la station "Porte de Champerret".

Ils sont donc remis à Germaine FLACHET, qu'ils suivent jusque chez des gens qui hébergent pour la première fois. Il s'agit de Odile HOCHEPIED [qui sera arrêtée le 1er avril 44 et rapatriée le 21 mai 45], habitant au 5e étage du 11 Rue Descombes Paris XVIIe, (métro Porte de Champerret). Ils restent chez elle jusqu'au 11 octobre, jour où ils prennent le train pour Bordeaux avec la secrétaire de LE GRELLE (une très petite femme, qui doit être Marcelle DOUARD). Amanda STASSART est également citée comme guide vers Bordeaux. MacLeod a retenu que cette nouvelle guide est Belge, et Norman Fairfax la rencontrera encore souvent après la guerre dans le milieu de l'aviation civile, Amanda (nom de guerre “Mouchka“) étant hôtesse de vol à la SABENA.

Le 12 octobre, de nouveaux guides les prennent en charge à Bordeaux ["M et Mme François" : Jean-François NOTHOMB et sans doute Elvire DE GREEF], et ils voyagent en train vers Dax avec Peter Smith et un Staff Sergeant américain, qui est le Technical Sgt John Buice.

Les quatre aviateurs sont guidés de Dax à Bayonne en vélo. Or, Fairfax n'avait jamais roulé à vélo de sa vie. En cours de route, deux jeunes femmes les attendent avec un picnic et l'une d'elles avait gagné le tournoi féminin de golf en 1939 [Il s'agit sans le moindre doute de Denise HOUGET, la seconde étant Jeanine DE GREEF]. Jeanine DE GREEF s'occupe de Fairfax. Ils rejoignent tous les huit Bayonne à vélo et passent la nuit à l'auberge Larre de Jeanne VILLENAVE, Mme MENDIARA. Là, ils voient Pierre ELHORGA qui leur fait signer son carnet.

Fairfax, MacLeod, Smith et Buice sont guidés vers la frontière espagnole en vélo le lendemain soir. C'est la 62e traversée de Comète. Leur groupe, de quatre personnes au total, passe par Larressore (où ils abandonnent leurs vélos et rencontrent les passeurs d'Espelette) avec les seuls guides basques qui, une fois en Espagne à Jauriko borda, leur montrent la direction à suivre.

Les quatre hommes repartent à pied le 14 octobre à 10 heures du matin. Ils suivent la N-121-B vers le sud et ne sont nullement inquiétés par les soldats espagnols rencontrés. Ils sont arrêtés par la Guardia Civil à Elizondo, en Navarre, ce 14 octobre. Après une nuit en cellule, ils partent à Pampelune sous escorte, accomplissant le trajet de 50 Km en étant assis sur le toit d'un bus. A Pampelune, ils reçoivent tous des cartes d'identité provisoires et sont transportés en véhicule de police à Lecumberri.

Du 16 au 24, ils sont internés dans l'hôtel Ayestarán à Lecumberri. C'est un hôtel réquisitionné et transformé en camp de réfugiés pour des Néerlandais, des Belges et des Français. Nos quatre aviateurs y partagent une chambre pour quatre et peuvent communiquer leur présence au Consul d'Urruguay. John Buice y reçoit 300 Pesetas du consul américain, Ils y perçoivent tous une solde hebdomadaire de 25 Pesetas et 20 Pesetas de la Croix-Rouge la première semaine. Fairfax, qui parle couramment l'espagnol, négocie avec un garde local un coup de téléphone depuis une cabine publique à l'Attaché Militaire de l'ambassade britannique de Madrid.


Fairfax, Allison et MacLeod à nouveau réunis en France, en fin 1944.

Un homme les prend enfin à Pampelune, où ils passent une nuit, et les remet à un officier aviateur, qui les conduit via Sarragosse par train, puis en voiture à Alhama de Aragón. Ils y sont internés un jour et demi dans un hôtel surnommé "Aircrew Hotel" et sont alors transférés à Madrid le 26 octobre avant de partir ensuite pour l'Angleterre, après une nuit à l'ambassade. Ils y apprennent que James Allison est également en Espagne, son évasion réussie. Ils roulent et passent une autre nuit à l'Hotel Inglaterra de Séville après 540 Km en camion. Le même camion les amène à Gibraltar le 29 octobre, en un autre trajet exténuant de 340 Km.

Norman Fairfax est interviewé le 08 novembre 43 par le MI-9 à Londres.

Merci à Colin MacLeod, le fils de Roderick pour les photos et le récit de son père, écrit vers 1955 (http://colinmac.ca/The-Trail-of-the-Comet.php).


Mot de remerciement de Fairfax dans le carnet de Pierre Elhorga.
(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters