Personne capturée durant son évasion

Dernière mise à jour le 19 juillet 2023.

Russell Duane HILDING / O-757199.
East Lansing, Ingham County, Michigan, USA
Né le 4 juin 1921 à East Lansing, Michigan / † le 7 novembre 2021 à Delta Township, Lansing, Michigan, USA
2nd Lt, USAAF 447 Bomber Group 709 Bomber Squadron, pilote
Boeing B-17G-70-BO Flying Fortress, 43-37788, IE-? abattu par la Flak et des chasseurs le 13 juillet 1944 lors d'une mission sur Munich.
Écrasé à Vendrest, Seine-et-Marne, France.
Durée : 1 mois.
Arrêté : en août 1944 à Paris, en voiture.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 6938.

Le B-17 décolle vers 05h00 heure anglaise de Rattlesden. Le Sgt Fred Gleason fait partie de l'équipage du Lt Hilding. Avec un moteur de son avion touché par la Flak et des blessés à bord, le pilote 2nd Lt Russell D. Hilding parvient à contrôler l'appareil. Celui-ci perdant de l'altitude, Hilding tente de rejoindre un autre Groupe de la formation et c'est alors qu'il est attaqué par 5 chasseurs allemands Me109. Alors que le pilote met le cap sur l'Angleterre sous forte couverture nuageuse, le navigateur Claude Kelly ne peut localiser la position, tandis que deux autres moteurs rendent l'âme. Sortant des nuages au-dessus d'une zone campagnarde, Hilding donne l'ordre d'évacuer l'avion, lui et son copilote le 2nd Lt George C. Mong sautant en dernier.

Hilding atterrit dans un champ et voit une Citroën sur une route et deux hommes qui le débarrassent de son parachute, l’un des deux partant à la recherche de ses co-équipiers, l’autre l'embarquant à bord de la voiture. Arrivé à une ferme où on le nourrit et le loge dans une chambre à l’étage, il voit y arriver deux jours plus tard Mong et son bombardier le 2nd Lt Raymond E. Wojnicz. Il apprend que la résistance a trouvé tous les autres membres de son équipage. Hilding et Wojnicz sont ensuite cachés chez un boulanger où ils restent quelques jours avant d'être guidés en train à Paris, première étape d'un voyage vers l'Espagne. Georges PRÉVÔT du 20 Boulevard Sebastopol à Paris IVème, est repris comme ayant aidé Hilding et Wojnicz à Paris.

Georges PRÉVÔT, sa fiancée Raymonde GARIN, Jean ROCHER et son épouse Geneviève, sœur de Georges, ces deux derniers aussi membres du Réseau Bayard (affilié au Groupe Libération-Nord), vraisemblablement dénoncés par le traître Guy de Marcheret alias "Captain Jack", sont arrêtés le 11 août 1944 et tous trois déportés par le convoi quittant Paris le 15 août 1944 à destination de l’Allemagne. Seules Geneviève ROCHER et Raymonde GARIN reviendront des camps. Georges Michel PRÉVÔT est déporté dès le 20 août au camp de concentration de Buchenwald, puis transféré à destination du Kommando (camp de travail) d’Ellrich-Nordhausen sous le matricule 77991. Il tenta de s’échapper du camp de Dora, mais fut rattrapé par des sentinelles allemandes et tué par les chiens lancés à sa poursuite le 6 décembre 1944. Né à Longwy le 8 avril 1918, il avait 26 ans. Quant à Jean ROCHER, 39 ans, il mourra à Dora le 27 octobre 1944.

 
Une plaque a été apposée après la guerre sur la façade du 20 Boulevard de Sébastopol,
à la mémoire de Jean ROCHER et Georges PREVOT.

Circulant en auto dans Paris, Hilding et Wojnicz, tombés dans le même piège, sont arrêtés par le chauffeur qui leur dit dans un anglais parfait "Sorry, boys, for you the war is over."

Remis à la Gestapo, les deux hommes sont incarcérés à la Prison de Fresnes près de Paris. Les troupes Alliées approchant de Paris, dont la population et la Résistance commencent à s’insurger, préparant leur libération, les Allemands décident d’évacuer les aviateurs internés à la Prison de Fresnes. Comme 167 autres aviateurs Alliés et plus de 2000 civils, dont un tiers de femmes, internés à Fresnes, Russell Hilding et Raymond Wojnicz se retrouvent à bord de l’un des derniers convois partis vers l’Allemagne. Ce convoi, le n° I.264, à destination du camp de Buchenwald, part de la gare de Pantin dans la soirée du 15 août 1944.

Parmi les 169, il y a 2 Néo-Zélandais, 9 Australiens, 1 Jamaïcain, 1 Néerlandais, 24 Canadiens, 49 Britanniques et 83 Américains (dont 1 servant dans la Royal Canadian Air Force = F/O Stevenson, voir ci-dessous).

Le convoi avance lentement, les voies ayant été endommagées par les bombardements. Le 16, le pont de chemin de fer surplombant la Marne étant détruit, le convoi reste bloqué pendant 3 heures dans le tunnel d’approche. Finalement, les prisonniers sont obligés de quitter le train et de marcher jusqu’au pont de Saâcy-sur-Marne pour monter à bord d’un autre train de l’autre côté de la Marne.

Tôt dans la matinée du 17 août, près de Mézy-Moulins, alors que le train ralentit, un aviateur Américain servant dans la RCAF (F/O Joel Matthew Stevenson, pilote du Lancaster KB727 abattu le 4 juillet 1944 - SPG 3325/2812) et quelques civils Français parviennent à s’évader d’un wagon à bestiaux. Tous sont rapidement repris, sauf Stevenson qui réussira son évasion mais un Français sera abattu par les Allemands. Après Epernay et Châlons-sur-Marne, le convoi arrive à Nancy le 18 vers midi. Passant par Lunéville, Sarrebourg, Sarrebrücken et Strasbourg (où il traverse le Rhin), le convoi arrive en Allemagne où l’attitude des gardes Allemands semble s’assouplir un peu. Les prisonniers arrivent à Frankfurt-am-Main dans la matinée du 19. Puis, après être passé par Hanau, Fulda, Gotha (où ils reçoivent enfin une nourriture un peu plus consistante, même s’il ne s’agit que de biscuits, d’un peu de pain et de viande) et Erfurt, le convoi arrive à la gare de Weimar. Tous les prisonniers sont dans un état lamentable, manquant d’eau, de nourriture et obligés depuis des jours de subir des conditions sanitaires inhumaines, de manquer d’espace et d’air frais.

Les wagons contenant les femmes sont détachés et elles seront envoyées au camp de Ravensbrück. Les autres wagons sont arrimés à un train local qui quitte Weimar pour amener les prisonniers à une petite gare dans une clairière de la forêt de Buchenwald. Descendus des wagons à coups de bottes par des gardes de la SS, les aviateurs sont battus continuellement alors qu’ils titubent vers le camp de concentration de Buchenwald. Ils se posent des questions en apercevant de la fumée noire s’échappant en permanence d’une cheminée basse, leurs narines emplies d’une odeur nauséabonde… Après une longue séance de comptage, ils sont parqués à ciel ouvert (le "Kleine Lager") pendant deux semaines dans des conditions abominables. Le 24 août, des bombardiers américains ont pour objectif des usines d’armement à Weimar tout proche. Des bombes tombent sur une partie du camp près des usines, n’occasionnant que des dégâts matériels. Les aviateurs prisonniers sont obligés, avec difficulté et sans matériel adéquat, d’éteindre les incendies et déblayer les ruines et le Squadron Leader Phillip Lamason (voir sa page sur le présent site), le plus haut gradé parmi eux, proteste auprès du commandement du camp et s’entend dire par les SS que les aviateurs sont tous des terrorfliegers et susceptibles d’être exécutés sans autre forme de procès.

Tous tentent de survivre aux privations, au manque total d’hygiène, aux coups, à la faim et la soif. Ayant eu vent de projets consistant à faire travailler les aviateurs dans un camp de travail proche (Dora), Phillip Lamason est déterminé à faire savoir au commandement de la Luftwaffe que leur détention là par les SS est contraire aux conventions. En effet, les aviateurs auraient dû être internés dans un Stalag et non un camp de travail et d’extermination. En début octobre, un as de la chasse allemande, l’Oberst Johannes Hannes Trautloft de la Luftwaffe, qui avait entendu parler d’aviateurs Alliés internés dans le camp, veut vérifier les rumeurs et prétexte une tournée d’inspection pour examiner les dégâts à Dora et Buchenwald suite aux bombardements. Les SS ne montrent à Trautloft et ses adjudants que les aspects présentables du camp, les bureaux de l’administration et les baraquements des gardes. Ils déclarent que les détenus sont tous des prisonniers politiques assurant la main d’œuvre d’une usine de munitions à l’intérieur du camp et pour d’autres usines proches.

Trautloft et son groupe s’apprêtent à partir lorsqu’il est interpellé en allemand de derrière les barbelés par un détenu. L’homme déclare qu’il est un officier Américain. Les SS tentent de dissuader Trautloft de lui parler, mais Trautloft leur rappelle son grade et les fait se tenir à distance. Bientôt, il est approché près des fils barbelés par d’autres aviateurs parlant l’allemand, dont le F/Lt Splinter Adolphe Spierenburg, un officier néerlandais de la RAF servant habituellement d’interprète à Lamason. Trautloft s’entend confirmer qu’il y a effectivement plus de 160 aviateurs dans le camp et on le supplie de les en faire sortir. Trautloft prend quelques notes et promet de faire ce qu’il peut auprès de ses supérieurs pour que les prisonniers militaires soient transférés vers un camp géré par la Luftwaffe.

Ayant appris par la suite que, devant le refus des aviateurs et particulièrement de Lamason de collaborer, la Gestapo avait ordonné leur exécution pour le 24 ou le 26 octobre, Lamason redouble d’efforts. Finalement, sur ordre du Maréchal Goering, la Luftwaffe obtient de la Gestapo que les hommes soient transférés dans un camp adapté à leur statut. Russell Hilding, Raymond Wojnicz et 154 de leurs compagnons furent évacués de Buchenwald par train le 19 octobre 1943 et arrivèrent au Stalag Luft 3 à Sagan/Zagan, Pologne, le 21. Les 10 derniers, restés au camp pour diverses raisons, dont la maladie, quitteront Buchenwald 5 semaines après les autres et arriveront en train à Sagan le 29 novembre. Deux aviateurs sont décédés pendant leur détention au camp : le F/O Philip Derek HEMMENS, RAF 49 Squadron, bombardier à bord du Lancaster ND533 abattu le 10 juin 1944, âgé de 20 ans, décédé le 10 octobre (selon sa carte de prisonnier) de septicémie, pneumonie et rhumatisme articulaire et incinéré le lendemain. L’autre est le 1st Lt Levitt Clinton BECK Jr, USAAF, 24 ans, pilote du P-47 42-8473 abattu en combat aérien le 29 juin 1944. Sa carte de prisonnier indique qu’il est mort le 31 octobre 1944 et incinéré le 1er novembre. Cause du décès : pleurésie purulente (mal soignée…). Parmi les civils, on estime que la grande majorité d’entre eux ont été exterminés soit à Buchenwald ou dans les camps de travail de Dora et d’Ellrich, très peu d’entre eux survivant à leur détention.


Carte de prisonnier de Russell Hilding attestant de son départ de Buchenwald le 19 octobre 1944.


Photo d’un groupe de prisonniers au camp de Buchenwald


Carte de prisonnier

Devant l'approche des troupes russes durant l'hiver 1945, les Allemands font évacuer le Stalag Luft 3 en fin janvier et les prisonniers sont transférés dans des camps en région de Munich. Hilding et Wojnicz sont libérés le 29 avril 1945 par des troupes américaines au Stalag 7A à Moosburg.

Le Lt Mong parviendra à s'évader (E&E 1501), tout comme le T/Sgt Fred Gleason, l'opérateur radio T/Sgt Horace R. Di Martino (E&E 1291), le mitrailleur ventral S/Sgt Harry E. White (E&E 1278), le mitrailleur gauche S/Sgt Emory J. Markham (E&E 1502), et le mitrailleur arrière S/Sgt Joe W. Stewart (E&E 1277). Ils resteront tous cachés en France jusqu’à la Libération. Le mitrailleur droit S/Sgt Erwin R. Williams est également renseigné comme évadé, mais aucun rapport n’a pu être localisé à son sujet.


Russell Hilding en août 2013 lors d’une réunion de vétérans à Grand Rapids, Michigan.

La photo en uniforme de 1943 (en second médaillon) provient de l’album de Janet Knepper. Celle de 1944 en 3ème médaillon, de la famille Hilding, de même que celle du groupe de prisonniers à Buchenwald.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters