Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 10 janvier 2018.

Gordon Herbert MELLOR / 929433 & 172802
103 Douglas Avenue, Wembley, Middlesex, Angleterre
Né le 1er novembre 1919 / † le 9 janvier 2018
Fl Sgt, RAF Bomber Command - 103 Squadron, navigateur
Atterri le 5 octobre à environ 21h45 heure anglaise non loin de Rosmeer, à ± 10 km au nord-est de Tongeren / Tongres (Limbourg belge).
English Electric Halifax Mk. II, W1216, PM-Q "Queenie", abattu durant la nuit du 5 au 6 octobre 1942, par un chasseur allemand (Hptm Hans Autentieth du II/NJG 1) lors d'un raid sur Aachen.
Ecrasé le 5 octobre à Rosmeer, à ± 10 km au nord-est de Tongeren / Tongres (Limbourg belge).
Durée : 2 semaines
Passage des Pyrénées : le 20 octobre 1942

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3311/951 (complet).

Le Halifax décolle d’Elsham Wolds vers 19h00 avec 8 hommes à bord (ce type de bombardier n’en emporte généralement que sept, mais le Sgt Mark Mead, copilote, avait été proposé pour cette mission de manière à parfaire ses connaissances en pilotage). Arrivé au-dessus du continent, l’appareil est immédiatement visé par la Flak, mais parvient à atteindre l’objectif. La formation est trop dispersée et le pilote P/O Kenneth Fraser Edwards doit effectuer deux survols de la zone avant le largage des bombes sur la cible. Sur le vol de retour, l’avion est attaqué par un chasseur allemand Me110. Ses premiers tirs blessent le mitrailleur arrière Sgt Norman Tolson McMaster, une seconde attaque met le feu aux moteurs gauche et une troisième détruit un moteur droit qui prend feu. A une altitude d’à peine 450 m, Edwards donne l’ordre d’évacuer et Gordon Mellor saute en premier, suivi du bombardier F/Sgt Robert G. Hawthorn, puis du mécanicien George Green, du copilote Mark Mead qui attache le parachute de son pilote Edwards avant de sauter. A l’arrière MacMaster ne parvient pas à sortir de sa tourelle, bloquée, et l’opérateur radio Sgt Douglas Cecil Giddens (RNZAF), blessé lui aussi, doit abandonner ses efforts pour l’aider avant de quitter lui-même l’appareil en perdition, sautant après le mitrailleur dorsal Robert Richards. Alors que le Halifax est à moins de 300 m du sol et qu’il pourrait encore l’évacuer, le pilote Edwards reste à bord, ne voulant pas abandonner son mitrailleur arrière. Il est alors trop tard pour tenter un atterrissage forcé et les deux hommes périront dans le crash de l’appareil. Gordon Mellor peut voir que le parachute du Sgt George Green ne s’ouvre pas et qu’il trouve la mort en s’écrasant sur le toit d’une maison. Tous trois reposent au Heverlee War Cemetery près de Louvain / Leuven, Belgique.

Gordon Mellor, dont c’était la 17ème mission, sera le seul à pouvoir s’évader. Les quatre autres survivants seront arrêtés et faits prisonniers. Le Sgt Mead, PoW n° 27209 au Stalag 344; le F/Sgt Hawthorn, PoW n° 27226 et le Sgt Giddens, PoW n° 27275, iront aux Stalags 8B et 344 ; le Sgt Richards, lui, étant interné comme PoW n° 6461 au Stalag Luft 6 puis au Stalag Luft 4.

Lors de sa chute, Gordon Mellor peut voir son appareil en flammes dans un champ à environ 2 km de l’endroit où il va atterrir. Il tombe dans un arbre et en sort indemne, malgré quelques égratignures au visage. Il abandonne son parachute dans l’arbre, cache sa Mae West et, entendant quelqu'un bouger non loin dans un champ de betteraves, il pense qu'il s'agit de Hawthorn. Ils ne se rencontreront pas et ignoreront longtemps le sort de leurs camarades. Mellor, quant à lui, commence à marcher vers le nord et croise quelques fermiers avant de se diriger à travers champs, cette fois vers le sud. Après trois heures de marche, il arrive à une route, qu’il longe jusqu’à l’aube, après quoi il se repose toute la journée du 6 octobre dans un taillis. Il se nourrit de tomates et pommes de terre crues qu’il a trouvées dans un champ. Le soir, vers 19h00, il se remet en route et après 2 kilomètres, traverse un village avant d’arriver à une clôture en barbelés dont les pointes perforent la bouteille d’eau de son kit d’évasion. Il escalade une colline avant de se cacher dans une sorte de grotte dans un jardin.

Le 7 octobre, à la nuit tombée, Mellor traverse deux voies de chemin de fer au sud de Hasselt et prend la direction du sud-sud-est vers Liège, marchant le long d’une route et évitant la ville de Tongres / Tongeren. Arrivé à environ 8 km de Liège, il bifurque à droite vers Lantin où il se cache toute la journée du 8 à l’étage supérieur d’une maison partiellement détruite par un bombardement. Le soir, il se remet en route sous une pluie battante et atteint Alleur où, s’adressant à une maison, deux hommes et une femme l’accueillent et lui donnent à manger et boire.

Mellor repart et arrive à Alleur sous la pluie. Trempé, il se rend dans une maison où deux hommes et une femme (la famille de Joseph VAN MEEUWEN au 85 Rue de Lantin à Alleur) le reçoivent. Ils sèchent ses vêtements et lui donnent à manger. Dès lors, tout fut très vite organisé pour son rapatriement.

Victor ADONS, le vicaire de Alleur est appelé et, craignant que le très jeune fils Van Meeuwen puisse parler par inadvertance de l’aviateur, le vicaire prend Mellor chez lui. Le lendemain, Mellor subit un interrogatoire serré afin de vérifier qu’il est bien un aviateur anglais. Tout se passe bien et ADONS lui remet un manteau cousu par Mme VAN MEEUWEN que l’aviateur passe par-dessus son uniforme. Une dame anglophone s'arrange alors avec deux ex-prisonniers de guerre belges qui le conduisent à Liège en tram.

Un homme l'attend, qui le conduit dans Liège chez deux dames d’âge moyen, Mesdemoiselles Jeannine (Jenny) et Mathilde RITSCHDORFF, du Groupe JAM, au 30 rue de Waroux, où Mellor rencontre Michael Joyce. Ils y prennent des photos (voir la 3ème depuis la gauche en tête de page) et on leur fournit des fausses cartes d'identité (Mellor devient Maurice...). Il y reste jusqu'au 12 et y est visité par une américaine, veuve d'un docteur belge (Mme Helen DOCTEUR-LINDERMAN, du 30 Rue Charles Magnette à Liège), qui lui apporte un costume.

Le 12, Joyce et lui sont conduits en tram à Ans par une femme élégante que Mellor et Joyce appellent "the Dove"- la Colombe. La dame américaine les y attend et les conduit en train à Bruxelles avec Thérèse GRANDJEAN. Ils vont chez des gens en banlieue (les DEGROEVE, au 773 chaussée de Gand à Berchem-Sainte-Agathe) jusque 21 heures. La liste des Helpers belges reprend Arthur DEGROEVE au 770 de cette artère. Arthur DEGROEVE était membre des réseaux Marc, JAM et Comète et est renseigné comme ayant été arrêté le 9 octobre 1942. Il semble donc que ce soit son épouse qui a hébergé les 2 aviateurs… Etant parvenu à s’échapper, Arthur DEGROEVE fut à nouveau arrêté, le 18 juillet 1944. Il a survécu au conflit et a été décoré en 1947 de la US Medal of Freedom.

Un homme (le Dr Antoine GOETHALS du 34 Rue de la Vallée à Ixelles) vient les chercher à Berchem-Sainte-Agathe en taxi et les mène ensuite en tram dans un flat où ils dorment, chez les GUERY au 685 Chaussée d'Alsemberg à Uccle. [L’Almanach du Commerce et de l’Industrie de Bruxelles - éditions 1939 et 1946, reprend A. GUERY à cette adresse.]

Le 13, un autre homme vient contrôler leur identité en les questionnant (probablement Albert Greindl). Il les quitte dans un parc et vient les y reprendre pour les conduire chez une dame âgée portant un monocle. C'est une grande maison avec femme de chambre luxembourgeoise et un valet. L'après-midi, ils reçoivent une autre carte d'identité et un Ausweiss, de nouveaux costumes avec nécessaire de rasage et une mallette. Mellor y donne tout l’argent de son kit d’évasion sauf 300 FF et 100 FB.

Le 14 octobre (le 16 selon le rapport de Mellor) avant 7 heures du matin, un homme les prend en charge à la Gare du Midi à Bruxelles pour les accompagner en train vers Lille. Le contrôle douanier est superficiel. Ils prennent un repas à Lille avant de poursuivre leur voyage en train vers Paris.

A la Gare du Nord, une femme (Andrée DE JONGH ?) les prend jusqu'à la station de métro Sèvres-Babylone. "Mr Paul" (Frédéric DE JONGH) les y attend et guide Mellor chez Robert et Germaine AYLE au 37, rue de Babylone, dans le VIIe, tandis que Joyce est placé par Elvire MORELLE chez René et Raymonde COACHE au 71 Rue de Nanterre à Asnières-sur-Seine. Ils y restent jusqu'au 17, et vont faire d'autres photos (voir celle de droite) pour des papiers français dans un grand magasin. Ceux de Mellor sont établis au nom de Jean Petit (choisi sans doute par un petit comique, Mellor mesurant 1m87…)

Le 17 octobre, ils prennent le train de nuit de 21h30 en première classe à la gare d'Austerlitz à destination de Bayonne. Mellor et Joyce sont accompagnés de deux guides (Elvire MORELLE et Jean-François NOTHOMB, qui vient d'arriver et fait son premier convoyage) et d'Aleksei Stadnik et de Lorne Kropf.

"Bee"Johnson et Elvire DE GREEF les rejoignent à Bayonne pour leur donner des tickets jusque Saint-Jean-de-Luz.

Ils dorment la nuit du 18 au 19 chez les LAPEYRE (voir fiche de Germain Lapeyre).

Gordon Mellor signe cependant en date du 17 octobre 42 à Saint-Jean-de-Luz le livre d'Ambrosio SAN VICENTE au 7 Rue Salagoïty, duquel ils reçoivent des vêtements et des chaussures de montagne. Ils apprennent qu'en cas de capture par les douaniers français, ils peuvent communiquer avec une femme habitant en face des cellules pour être aidés à sortir de geôle.


Mot de remerciement de Gordon Mellor dans le carnet d'Ambrosio San Vicente.

Le 19 au soir, Mellor, Kropf, Stadnik et Joyce partent pour la frontière avec Florentino GOIKOETXEA et "Bee" JOHNSON, Jean-François NOTHOMB et Andrée DE JONGH fermant la marche. Le groupe s’arrête à la ferme de Françoise USANDIZAGA à Bidegainberri près d’Urrugne (entre Saint-Jean-de-Luz et Hendaye) avant de partir en direction de l’Espagne. C'est le 27e passage de Comète par Saint-Jean-de-Luz et la rivière Bidassoa formant une frontière naturelle entre les deux pays.

Le 20, ils arrivent à une auberge hors de San Sebastian (à Oyarzun) et sont conduits de là en voiture chez un garagiste (Bernardo ARACAMA au n°7, 5e étage à gauche, Calle Aguirre, Miramon, à San Sebastian).

Le 21, les 4 évadés se rendent à Madrid dans la voiture consulaire de Bilbao. Ils partent en train et bus jusqu’à La Linea, d’où ils passent à Gibraltar le 25.

Partis de Gibraltar le 31 octobre par air en bimoteur C47 américain (DC3), Mellor et les autres débarquent à Portreath le 1er novembre et repartent dans le même avion pour Aldermaston dans le Berkshire. Après un court trajet en jeep jusqu’à la gare de Reading, un train les amène à Londres.

Gordon Mellor est interrogé par le MI-9 le 2 novembre 1942. Il reste dans la RAF mais ne participera plus à des missions de combat, quittant le service en 1946 avec le grade de Flight Lieutenant.

Une courte vidéo dans laquelle Gordon parle des derniers moments du vol de son Halifax : http://www.legasee.org.uk/oursecretwar/the-archive/gordon-mellor-/

Gordon Mellor avait écrit un manuscrit, non publié, "The Loss of Halifax Aircraft PM-Q". Son récit décrivant son expérience durant la guerre et plus particulièrement sur son évasion a finalement été achevé et publié en août 2016 sous le titre "ETA: A Bomber Command Navigator Shot Down and on the Run" (Fighting High Publishing - http://www.fightinghigh.com/)




© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters