Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 22 mai 2022.

William Ridgley (Ridgely) ORNDORFF ("Bill") / R.96343
En 1940 : Beekman Tower, 3 Mitchell Place, New York City (Américain à la RCAF).
Né le 4 août 1921, Etat de New York / † le 1er août 2002 à North Palm Beach, Floride, USA
Sgt (RCAF), RAF Bomber Command 419 RCAF Squadron, mitrailleur arrière. Atterri entre Mohiville et Scy, à ± 8 km au nord-est de Ciney, Province de Namur, Belgique.
Vickers Wellington Mk 1C, X3712, VR-D, abattu la nuit du 29 au 30 juillet 1942 lors d'une mission sur Saarbrücken, au-dessus de Gilly (Charleroi) par un chasseur du 6./NJG1 (Hptm Ludwig Bietmann).
Écrasé à 01h32 à Porcheresse (province de Namur).
Durée : 3 1/2 semaines.
Passage des Pyrénées : le 24 août 1942.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3310/857.

Le Wellington décolle de Mildenhall vers 23h30. En route vers l’objectif en Allemagne, il est repéré au nord-ouest de Gilly et est attaqué par le Me110 de Bietmann, qui a décollé de la base de Sint-Truiden / Saint-Trond. Une aile et un moteur prennent feu, le système électrique est détruit et l’appareil, incontrôlable descend en vrille. William Orndorff tire quelques salves en direction du chasseur allemand mais ne l’atteint pas. Il s’extirpe avec difficulté de sa tourelle et saute à seulement 500 m du sol. Il sera le seul survivant des 5 membres de l’équipage.

Le pilote, comme lui Américain et engagé volontaire dans la Royal Canadian Air Force avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, le Warrant Officer WO1 Noel McHenry Moore, le navigateur Sgt Brian Edward Coffey, l’opérateur radio F/Sgt Donald Archie Macaulay et le mitrailleur avant Sgt Kenneth Johannes Aronson trouveront la mort dans le crash à Porcheresse. Ils reposent tous quatre au cimetière communal de Gosselies, près de Charleroi, Belgique.

Arrivé au sol, Bill Orndorff cherche vainement ses coéquipiers avant de dissimuler son parachute dans une meule de foin et ouvre son kit d’évasion. Au début, il n’a aucune idée d’où il se trouve mais aperçoit bientôt un panneau indiquant la route vers Pessoux. Il arrive près d’une ferme à Sinsin et vers 06h00 du matin, voit une jeune fille, environ 16 ans, ramenant des vaches vers la ferme. Il lui demande un peu de lait et lui déclare qu’il est Britannique. Elle lui dit qu’il n’a rien à craindre des Belges et va chercher son père qui, lui, se montre moins enthousiaste.

Le fermier lui donne cependant à manger et, à la demande d’Orndorff, lui donne le nom d’un prêtre à Sinsin, lui indiquant le chemin pour y arriver. Ce fermier ne lui inspirant pas confiance, l’aviateur décide de ne pas se rendre à Sinsin mais de se diriger plutôt vers Marche-en-Famenne. En cours de route, il croise un jeune homme à vélo, portant un pantalon et des chaussures de l’Armée. Malgré le français assez approximatif d’Orndorff, le jeune homme comprend cependant de quoi il retourne et le guide vers un bois, lui disant de l’y attendre pendant qu’il allait chercher des vêtements et de la nourriture.

Le jeune homme revient en auto, accompagné de 2 amis. Ils l’amènent à une petite ferme où il reste neuf jours. On lui procure des vêtements civils et le 8 août, l’oncle du jeune homme vient le chercher pour le conduire à Marloie, un peu au sud-ouest de Marche-en-Famenne. De là, ils voyagent ensemble en train vers Bruxelles. Le rapport d’évasion d’Orndorff se termine là, disant qu’à partir de ce moment, il est pris en charge par une organisation d’exfiltration vers l’Espagne.

A son arrivée à Bruxelles, deux hommes le conduisent en voiture à une caserne de pompiers, où il rencontre M. DEKUYPER qui l'emmène chez lui et lui passe d'autres vêtements. Par des voies détournées, il est conduit à un café où il rencontre "Didi et son père" (Eugène DUMONT et sa fille Andrée, alias "Nadine") qui lui remettent des faux papiers. "Nadine" lui laisse 250 FB provenant de la pochette d’argent de son kit d’évasion et garde les autres billets de FB, qui ne pourront lui servir en France et risqueraient de mettre la ligne en danger en cas de découverte. Orndorff est alors mené dans une maison (chez Arthur DE GROEVE au 773 Chaussée de Gand) où il rencontre Ronald Pearce. Le soir du 8 août, Andrée DUMONT les conduit vers la Place Saint-Josse d’où ils prennent un tram pour Louvain/Leuven. De là, ils prennent le train pour Paris via Bruxelles, évitant ainsi les contrôles plus stricts à l’entrée de la Gare du Midi.

A leur arrivée à Paris, ils se rendent à l'Hôtel du Luxembourg, au 42 Rue de Vaugirard dans le 6ème arrondissement, qui n'est plus utilisé par Comète, mais Andrée DUMONT n’en avait malheureusement pas été informée. "Nadine" part donc chez quelqu'un d’autre (Jeanne LAJUS, du 92 Rue Ernest Psichari, Paris 7e, qui avait donné à Andrée DUMONT le surnom de "Nadine"), tandis qu’ils vont l'attendre dans les jardins du Luxembourg. Nadine apprend que "Kiki", appelé par téléphone, allait les rejoindre immédiatement. Orndorff et Pearce font ainsi la connaissance de Frédéric DE JONGH, dont "Kiki" est un des alias. Comme les deux aviateurs sont devenus méfiants, il doit leur montrer des photos de John Angus MacLean  pour qu'ils le croient. "Nadine" revient avec de la nourriture et ils passent la journée à l'hôtel. "Kiki" repart à 18 heures, et Nadine, Orndorff et Pearce le suivent après 20 minutes jusqu'à la station de métro Odéon. Ils remarquent un homme qui les suit et marchent pour le semer. Ils reviennent à l'Hôtel du Luxembourg, mais ne le sèment finalement que dans le Jardin du Luxembourg tout proche où, grâce à la vivacité d’esprit de Nadine, ils peuvent se réfugier dans une remise à outils de jardinage jusqu’à ce que l’alerte soit passée.

Andrée DUMONT les conduit alors Rue de Grenelle, où ils passent la nuit chez le concierge d'une maison de maître (Il devrait s'agir d'Albert DULIN, un transporteur veuf qui habite au 59 Rue de Grenelle, Paris VIIe). DULIN déclare effectivement un Américain et un Australien avec Andrée DUMONT pour une nuit.

Le matin, Frédéric DE JONGH vient les amener à Asnières et Andrée DUMONT rentre à Bruxelles (où elle se fera arrêter de même que son père à leur domicile à Uccle le 11 août). A Asnières, Pearce et Orndorff rencontrent John Angus MacLean et Geoffrey Silva, ainsi que la fille de "Kiki", Andrée DE JONGH. Les deux hommes sont logés pendant trois jours par Reine THOMAS au 25 Rue Bapts à Asnières-sur-Seine, au nord de Paris.

Pearce et Orndorff sont ensuite guidés le 15 août chez Charles Michel LECOURT, au 98bis Rue du Cherche-Midi à Paris VIe, chez qui ils restent trois jours.

Le 19 août, ils vont loger chez Aimable FOUQUEREL au 10 Rue Oudinot. John Bennett et J. Bruce Black y sont déjà. Tous y passent la nuit. Le lendemain, "Kiki" vient alors les chercher pour les conduire chez lui à Saint-Maur-les-Fossés, en Val de Marne, près de Vincennes. Il leur apprend que Andrée DUMONT ("Nadine") et ses parents ont été arrêtés à Bruxelles et qu'il pense que des armes et des faux papiers ont été découverts chez eux.

Le 22 août, Black, Pearce, Bennett et Orndorff partent pour Saint-Jean-de-Luz, accompagnés d' Albert de Ligne.

A Bayonne, ils sont attendus par Andrée DE JONGH et une autre fille (vraisemblablement Jeanine DE GREEF ) qui leur donnent des tickets en seconde classe jusque Saint-Jean-de-Luz, mais les font rester dans leur compartiment de première classe. Ils durent payer le supplément lors d'un contrôle. Un Anglais ("Bee" Johnson) les attend à la gare et les salue comme de vieux amis. Ils passent la nuit chez un Basque (Ambrosio SAN VICENTE) au 7 Rue Salagoïty à Saint-Jean-de-Luz.


Mot de remerciement de Bill Orndorff dans le carnet de Ambrosio San Vicente.

Le lendemain après-midi, ils rencontrent un guide dans une ferme et parviennent en Espagne le 24 août dans le 20e passage de Comète par la Bidassoa, accompagnés de Andrée DE JONGH et "Bee" JOHNSON.

DE JONGH, Pearce et de Ligne vont à San Sebastian pendant que Black, Orndorff et Bennett restent à l'hôtel. DE JONGH vient les prendre en voiture et ils dorment tous chez Federico ARMENDARIZ, au 2e étage du 3 Calle de la Marina à San Sebastian, près de la Concha, plage de San Sebastian.

Le 25, une voiture de l'ambassade britannique vient les prendre pour Miranda où ils rejoignent un autre groupe et roulent jusque Madrid. Ils y restent jusqu'au 3 septembre. Ils prennent le train pour San Roque, puis le bus jusque Gibraltar. William Orndorff et Ronald Pearce quittent Gibraltar par avion le 13 septembre 1942 et arrivent le lendemain à Whitchurch en Angleterre.

Dans une lettre au magazine "Cornell Alumni News" (Université de Cornell à Ithaca, New York) reprise dans le numéro de septembre 1991, Orndorff déclare qu’il a rencontré le Squadron Leader Whitney Willard Straight dans une "safe house" lors de son évasion en France, et que tout en discutant, ils s’étaient rendus compte qu’ils avaient fréquenté tous deux la Cornell University à Ithaca. Orndorff indique que lors de son interrogatoire à Gibraltar, il aurait appris que Straight était arrivé peu avant lui et qu’il serait appelé pour témoigner de sa bonne foi. Selon Orndorff, Straight apparaît, confirme ses dires, Orndorff terminant son récit en disant qu’alors qu’il se trouvait dans un baraquement attendant son évacuation vers l’Angleterre, Straight l’aurait réveillé en tapant sur son épaule pour lui annoncer qu’il avait réservé une place pour lui dans l’avion qui était prêt à les ramener en Angleterre… Ceci nous paraît fort peu probable, les deux hommes n’ayant pas suivi le même itinéraire et les dates ne correspondant pas. Whitney Straight, Américain lui aussi et engagé comme pilote dans la RAF, avait fait un atterrissage forcé près de Saint-Valéry le 31 juillet 1941 à bord de son Hurricane Z2906. Straight, d’abord emprisonné puis évadé, a été évacué par le HMS Tarana depuis Saint-Pierre-sur-Mer (en Aude, dans le sud-est de la France) le 14 juillet 1942 à destination de Gibraltar, qu’il a quitté par avion le 25 juillet 1942, soit quelques jours avant que le Wellington d’Orndorff n'ait été abattu… Rapport d’évasion de Straight : SPG 3309/787. https://discovery.nationalarchives.gov.uk/details/r/C14083056.

En 1939, William Orndorff s’était engagé comme ambulancier volontaire dans l’American Volunteer Ambulance Corps et après du service en France pour transporter les morts et les blessés français au début des hostilités, il était rentré aux Etats-Unis en septembre 1940. Il se porta à nouveau volontaire et s’engagea au Canada dans la RCAF en juin 1941 avant d’être envoyé en Europe. Il ne manquait donc pas de courage et lors de son débriefing à Londres pour l’établissement de son rapport d’évasion, William Orndorff, apparemment fort perturbé, déclara s’en vouloir de ne pas avoir aperçu à temps le chasseur allemand et se sentir responsable de la mort de ses quatre camarades. Rentré à Ithaca, New York le 4 novembre 1942, il bénéficia d’une permission de 30 jours. Le 2 septembre 1943, habitant alors au 802 East Seneca Street à Ithaca, New York, il signe sa carte d’enrôlement dans le Comté d’Ithaca. Selon la lettre citée plus haut, il aurait passé le reste de son service au Canada comme instructeur dans la RCAF.

La photo en médaillon provient de la page http://www.aircrewremembered.com/ParadieArchiveDatabase/?s=46000&q=440%20sqd%20rcaf&qand=&exc1=&exc2=&search_type=&search_only=


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters