Personne passée à une autre ligne d'évasion

Dernière mise à jour le 22 mai 2022.

Bram VAN DER STOK ("Bob") / 106346
Wassenaar, près de La Haye (Den Haag), Pays-Bas (son rapport d’évasion indique : Dutch Headquarters, Arlington House, Arlington Street, London…)
Né Abraham Lamertus van der Stok le 30 octobre 1915 à Pladjoe, Sumatra, Indes Orientales / † 8 février 1993 à Virginia Beach, Virginie, USA
Fl Lt, RAF Fighter Command 41 Squadron, pilote
Atterri dans un champ au Nord de Saint-Omer, Pas-de-Calais, France
Vickers Armstrong Supermarine Spitfire Mk V B, n° série BL595, EB-?, abattu le 12 avril 1942 au-dessus de Saint-Omer lors d'une mission Circus (escorte de bombardiers Boston) et de mitraillage sur la gare de marchandises d'Hazebrouck
Écrasé dans le Nord de la France (Pas-de-Calais)
Durée : 3 mois (d’évasion après s’être échappé du Stalag Luft 3 à Sagan)
A rejoint l'Angleterre le 12 juillet 1944

Informations complémentaires :

Rapport d’évasion WO 208/3320/95 - SPG 2032 + Appendix C

Après des études aux Pays-Bas, en Suisse, puis à nouveau aux Pays-Bas, Bram van der Stok entama des études de médecine à Leiden. Sportif et passionné d’aviation, il commença en 1936 un entraînement de pilotage militaire à Soesterberg, qu’il parvint à combiner avec ses études de médecine. Promu pilote, officier de réserve (photo en médaillon à gauche), il servait dans l’Armée de l’Air Néerlandaise.

En mai 1940, lors des raids allemands sur les Pays-Bas et alors qu’il est stationné à l’aérodrome de De Kooy, il vole à bord d’un Fokker D 21 et prend part aux combats aériens. Il abat au moins un Messerschmitt 109 et revendique une autre victoire. Après la capitulation des Pays-Bas le 15 mai, il poursuit ses études de médecine, mais projette rapidement de quitter son pays occupé pour rejoindre la Grande-Bretagne. Après 3 tentatives ratées, il parvient à monter à bord d’un cargo français à Rotterdam et se cache sous le plancher de la salle des chaudières. En mer, le navire est arraisonné par un croiseur britannique et van der Stok et 4 autres passagers clandestins néerlandais sont emmenés en Écosse où ils sont remis à l’Intelligence Service. Après un contact avec le gouvernement néerlandais en exil, ils sont reçus par la Reine Wilhelmina. Il reçoit une formation complémentaire de pilote sur Spitfire et effectue de nombreux vols de reconnaissance au-dessus de la Manche et le Nord de la France. Il passe au 91 Squadron puis rejoint le 41 Squadron où il engrange six autres victoires aériennes.

Bram van der Stok décolle de Tangmere vers 12h00 le 12 avril 1942 dans son Spitfire et, après avoir été séparé du reste de son escadrille, il est attaqué par une formation de chasseurs allemands à hauteur de Saint-Omer (Pas-de-Calais), France. Il perd le contrôle de son avion, qu’il évacue à une altitude d’environ 5000 m. Après son atterrissage dans un champ, il contacte immédiatement quelques Français. Ceux-ci ayant refusé de l’aider, il est fait prisonnier peu de minutes plus tard par des soldats allemands.

Dans son rapport d’évasion, il indique avoir été mené à l’aérodrome de Saint-Omer pour interrogatoire… et une rencontre avec le pilote allemand censé l’avoir abattu. Il passe la nuit suivante dans une maison de Saint-Omer réservée à la détention d’aviateurs capturés. Après une fouille et un interrogatoire, il est envoyé ce même 13 avril vers le centre d’interrogation de la Luftwaffe au Dulag Luft, à Oberursel près de Frankfurt en Allemagne, où il arrive le lendemain. Il y subit plusieurs interrogatoires, refusant de répondre aux questions d’ordre militaire, ce qui ne lui occasionne ni torture ni traitement particulier. Le 27 avril, il est envoyé par train au Stalag Luft 3 à Sagan en Pologne en compagnie d’environ 70 militaires Alliés. Arrivé au camp, il y est placé dans le East compound (Quartier Est).

van der Stok tente par 3 fois de s’évader du Stalag Luft 3 : une première fois vers la mi-juin 1942, où lui et un F/L Palmer réintègrent leur baraquement sans problème après avoir été détectés par le feu d’un projecteur ; la seconde fois, le 12 mars 1943, lui et 3 autres détenus sont repris alors qu’ils avaient tenté de s’échapper lors d’un transfert pour dépouillage dans une autre partie du camp, ce qui leur vaut 14 jours en cellule d’isolement. La troisième fois, le 11 juin 1943, van der Stok et 6 officiers supérieurs (2 aviateurs américains et 6 du Commonwealth) sont déguisés en soldats allemands, mais la tentative échoue, les officiers écopant immédiatement de 7 jours en cellule d’isolement, van der Stok, lui, après une enquête de 48 jours, de 10 jours d’isolement "dur"…

Il est le N° 18 des 20 premiers sortis sur 76 de la "Grande Evasion" de ce camp le 24 mars 1944 et est l'un des trois évadés qui ne sont pas repris par les allemands, les 2 autres étant les Norvégiens Sgt Per Bergsland (N° 44) et P/O Jens Einar Müller (N° 43) qui, eux, prennent un train pour Stettin et gagnent Göteborg en Suède à bord du "Saxen" rentrant en Grande-Bretagne en avril 1944. Le rôle de van der Stok dans le film est joué par James Coburn (l’Australien Sedgwick). Vêtu d'un manteau de la RAF, coiffé d'un béret, van der Stok atteint la gare de Sagan d'où il prend un train pour Breslau, puis pour Dresde et Bentheim où il arrive le 26 mars. Il parvient à convaincre tous ceux qui le questionnent en chemin qu'il est un citoyen hollandais s'en retournant au pays. Il arrive aux Pays-Bas et passe par Oldenzaal avant d'atteindre Utrecht où il résiste à la tentation d’y aller visiter ses parents et va loger chez un ami qui habitait 2 rues plus loin. Il rencontre un membre de la Résistance hollandaise qui le garde chez lui pendant trois jours et lui donne de faux papiers et des cartes de ravitaillement. Le 29 mars, il prend un train pour Amersfoort où il contacte un homme qui le conduit chez lui. Il reste là jusqu’au 14 avril et part en train le même jour vers Maastricht. Après y avoir logé 2 jours à une adresse qui lui avait été donnée, il se rend à vélo à Echt le 16 avril et est hébergé là pendant 4 jours. Le 19 avril, il roule à vélo jusqu’à Geulle-aan-de-Maas et traverse la Meuse (de Maas) pour rejoindre Uikhoven du côté belge, escorté par un Belge qui le fait ainsi passer la frontière. Ce Belge lui remet une fausse carte d’identité belge ainsi qu’un vélo, qu’il prend pour se rendre à Hasselt où il loge une nuit.

Dans son rapport d’évasion et son Appendix C, van der Stok ne cite aucun nom de ses Helpers néerlandais, belges et français, mais les archives indiquent que les deux passeurs de Meuse sont Jules HOUBEN et Arnold BOLLEN de Uikhoven. Les deux hommes le conduisent "le 16 avril 44" (ce doit être le 20 selon le rapport de van der Stok) chez Florent BIERNAUX, actif dans Comète (habitant au 16 Thonissenlaan à Hasselt, avec son épouse Olympe et son fils Raymond), avec les documents que lui ont remis les agents hollandais. On lui donne une nouvelle identité au moyen de faux papiers, belges cette fois. Le 21 avril, après une nuit seulement chez les BIERNAUX, Florent BIERNAUX le conduit à la gare de Kermt, celle de Hasselt étant hors d'usage après les bombardements de la RAF. Il n'y a que 5 personnes dans le train, inclus les deux contrôleurs. Ces détails ne sont pas repris aux rapports de van der Stok, qui indique seulement qu’arrivé à Bruxelles, il est mené vers une maison où il reste jusqu’au 24 mai, jour où il part en train pour Paris…

BIERNAUX et van der Stok arrivent donc à Bruxelles et vont chez Jean HAENECOUR (qui avait de la famille à Maastricht), au 53 Rue de la Loi, qui, ne sachant qu'en faire, décide de le garder. Toutes les voies sont coupées, mais BIERNAUX contacte Henri EULAERTS, dessinateur aux Services des Bâtiments à Bruxelles et habitant au 5 Rue Jean-Baptiste Labarre à Uccle. Nous comprenons que c’est après ce passage que l’aviateur part pour Paris… et sera pris en charge par la ligne Dutch-Paris, ses renseignements étant déjà partis par radio. Dans l’Appendix C de son rapport, il précise, sans la nommer, qu’une jeune hollandaise travaillant pour un groupe de Résistance néerlandais à Bruxelles, lui remit une adresse à Toulouse, celle d’un EDMOND, au 9 Rue du Puits Verts.

Arrivé à Paris le 25 mai, il atteint finalement Toulouse en train le 26 (Salomon CHAIT est renseigné comme l’ayant guidé lors de ce trajet - La liste des Helpers français ne reprend qu’Edmond CHAIT, 13 Rue du Helder, Paris IXème - serait-ce l’EDMOND cité plus haut ou un parent ?). Van der Stok se rend immédiatement à l’adresse indiquée où il reçoit logement et nourriture jusqu’au 9 juin. C’est là également qu’il reçoit une carte d’identité française. Il rapporte avoir dû vendre sa montre pour pouvoir payer les 10.000 francs requis pour le passage des Pyrénées. Le 9 juin, "a guide" (un ou une ? …) l’accompagne en train vers Boulogne-sur Gesse, avec deux hollandais. Là, ils logent tous les quatre une nuit à l’Hôtel Moderne avant d’être conduits en voiture jusqu’à une ferme en dehors de la ville. Le lendemain 11 juin, ils sont conduits vers une autre ferme, près de Vignaut (elle devait se trouver à Arbon, en fonction des renseignements du Lt McPherson, voir ci-dessous).

Là, il est groupé avec deux lieutenants américains, deux aviateurs de la RAF, un officier français, un Russe et "une jeune fille française". Pour ce qui est des américains et des aviateurs, il s’agit respectivement du 1st Lt Joel W. McPherson, USAAF, pilote du P-47 42-75532 du HQ du 352nd Fighter Group (E&E 849) et du 2nd Lt Gilbert M. Stonebarger, USAAF, copilote du B-24 42-95019 du 453rd Bomb Group/732nd Bomb Squadron (E&E 846) ; le Sgt Gerard J. Shaugnessy, mitrailleur à bord du Halifax LW643 du 432 Squadron RCAF (SPG 3320/2017) et du F/O Hugh D. Thomas, navigateur du Stirling EH842 du 218 Squadron RAF (SPG 3320/2018). La jeune fille qui les accompagnait avait en fait servi de guide à Stonebarger, Thomas et Shaugnessy lors du voyage de ces derniers vers le Sud de la France. Il s’avère que cette jeune fille était Odette ERNEST, originaire de l’Île Maurice mais vivant à Paris (37 Rue de la Tour dans le XVIème) et qui était membre de la Section Française du Special Operations Executive (SOE). Les rapports de McPherson et Stonebarger la mentionnent ("Moysette", leur version de son surnom "Mauricette"), ainsi que son amie Eugénie ROBY ("Bobbie"), infirmière, reprise à la Liste des Helpers Français : "Château de Baronne, Hensler, Suresnes".

van der Stok indique dans son rapport que le 14 juin, "leur guide", qui devait les mener en Espagne et qu’il identifie comme "Charbonier" (également comme "Charbonnet" dans l’E&E de McPherson) a été abattu par les Allemands. Il s’agissait en réalité de Jean Louis BAZERQUE, 37 ans, dit Charbonnier, membre du Groupe Françoise (Françoise DISSARD, Toulouse), tué à Larroque près de Saint-Gaudens, alors qu’il revenait à la ferme après avoir été chercher de la nourriture. A ses côtés tombèrent également sous les balles allemandes, ses compagnons de Résistance, Joseph BARRÈRE ("Frisco" dans les rapports américains) de Loure-Barousse et Pierre SABADIE de Moncaup.

McPherson précise que le groupe se trouvait à Arbon (à l’Est de Vignaut) le 12 juin, attendant le retour de "Charbonnier" après 9 jours d’absence. Van der Stok indique dans son rapport que le 16 juin, les maquisards leur amènent un autre guide, avec lequel lui, McPherson, Stonebarger, Shaugnessy, Thomas et 2 Néerlandais se mettent en route vers la frontière espagnole. Les Néerlandais sont identifiés par van der Stok comme étant les agents infiltrés par le QG de l’Armée Néerlandaise, un Schrijnemacher, alias Rudi Scheltema et Ludovicus Bleys, alias Lodewyck Van de Velde. L’itinéraire suivi par le groupe dans la région à l’Est de Saint-Pé-d'Ardet, les mène à travers la Forêt de Cagire, pour arriver à Melles, près de Fos. Ils passent la frontière et arrivent le 18 au village espagnol de Cabejan. Ils sont interceptés par la police espagnole et tous, à l’exception des 2 Néerlandais, se présentent comme étant Britanniques.

Poursuivons le rapport de van der Stok : tout le groupe est mené à Bossost où il passe la nuit dans une meule de foin. Le 19 juin, on les conduit à Vielha, où ils logent 2 nuits dans un hôtel. C’est ensuite un voyage vers "Rost" (ce doit être Sort) où les évadés passent la nuit dans un hôtel avant d’être amenés le 22 juin à Lérida (Leida) où un contact est pris le lendemain avec le Consul Britannique. Les 2 Néerlandais sont menés en prison, tandis que les autres sont logés dans un hôtel de Lérida jusqu’au 29 juin. Ce jour-là, van der Stok et les autres aviateurs sont escortés par des membres de l’Armée de l’Air espagnole jusqu’à Alhama de Aragón. Ils y restent jusqu’au 5 juillet et sont alors conduits dans une voiture de l’Ambassade britannique jusqu’à Madrid où ils logent dans un hôtel pendant 2 jours. Le 7 juillet, escortés par un aumônier britannique, le groupe se rend en train à Gibraltar où il arrive le lendemain. Van der Stok, Shaugnessy et Thomas sont rapatriés en avion DC-3 Dakota le 10 juillet vers Whitchurch en Grande-Bretagne qu'ils atteignent le 11 juillet 1944.

En fin de rapport, van der Stok renseigne les faux documents utilisés durant son évasion depuis Sagan : un "Urlaubschein" jaune (permission de sortie), copié d’un exemplaire envoyé au camp par le M.I.9 ; un "Personsbeweis" (carte d’identité) fourni par un garde allemand soudoyé au camp ; un "Polizeiliche Erlaubnis" (permis de police) confectionné au camp ; un certificat selon lequel il s’était présenté à une convocation de la S.S. ; un document de changement de travail ; des pièces d’identité néerlandaises, belges et françaises.

Durant les derniers mois de la guerre, van der Stok effectua des missions comme Squadron Leader du 322 Dutch Squadron, poste qu’il occupa du 2 mars au 7 octobre 1945. Après la libération des Pays-Bas, il rentra au pays et épousa le 16 novembre 1945 à Londres Lucia Maria Beata, née Walter, sa fiancée de 1941. Ayant abandonné sa pratique de médecine aux Pays-Bas, Bram et Lucie émigrèrent aux États-Unis en 1951 avec leurs 3 jeunes enfants, Ingrid, Robert et Monique. Installé comme médecin d’abord à New York, ensuite à Ruisodo, New Mexico, il obtint la nationalité américaine en 1957, son nom devenant Vanderstok. Ayant déménagé à Hawaii en 1969 après son divorce, il y pratiqua encore la médecine. Il épousa Edith Peters (Norvège 1920-Honolulu 1988) et publia en 1983 le livre "Oorlogsvlieger van Oranje", traduit en anglais en 1987 "War Pilot of Orange".


Certains lecteurs rapportent que des détails qui y sont repris sont erronés, notamment la date de son retour en Angleterre, qu’il situe au 23 mai 1944, ajoutant qu’il aurait assisté aux préparatifs du Débarquement en Normandie et se serait trouvé sur un aérodrome anglais le jour du D-Day… Ses rapports d’interrogation confirment la date de son arrivée en Angleterre le 11 juillet, ses interviews par le M.I.9 à Londres datant des 11 et 12 juillet 1944.

Jim Keeffe III le fils de James H. Keeffe Jr (pilote du 42-100375 abattu le 8 mars 1944 et prisonnier au Stalag Luft 3), a retrouvé dans les archives de feu son père quelques articles de journaux, dont celui-ci, du "Journal-American" datant de mai 1987.



Dans cette interview après une réunion d’anciens prisonniers aux États-Unis, VAN DER STOK déclare ne plus trop vouloir parler de sa détention et de son évasion, racontée "2 millions de fois" et relatée dans son livre. Il ajoute qu’il préfère la compagnie d’autres prisonniers. "Quand nous nous retrouvons, nous n’avons pas besoin de raconter l’histoire (de "La Grande Evasion")… "

Les deux frères de Bram, Felix Paul, né en 1913 et Johan Paul (Hans), né en 1919, furent actifs dans la Résistance. Tous deux furent arrêtés avec d’autres par la SD (Sicherheitsdienst) allemande au domicile de Felix, 632 Prinsengracht, Amsterdam le 2 février 1944. Condamnés à mort, ils furent tous deux déportés en Allemagne. Aucun des deux ne survécut, Felix mort le 12 janvier 1945 à Neuengamme, Johan le 11 avril 1945 à Mauthausen.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters