Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 17 octobre 2018.

John Henry CURRY / 1335808
45 Swallowfield Road, Charlton, Londres SE1, Angleterre.
Né en 1915 / † en mission le 25 juillet 1943.
Sgt, RAF Fighter Command 165 Squadron, pilote.
Lieu d'atterrissage ?
Castle Bromwich Spitfire Mk Vc, BM518, SK-?, abattu le 9 février 1943 lors d'une mission "Rhubarb" sur l’aérodrome de Dieppe/Saint-Aubin.
Ecrasé près de Grandcourt, à une vingtaine de km à l’est de Dieppe.
Durée : 8 semaines.
Passage des Pyrénées : le 1er mai 1943.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3313/1210 (incomplet).

Le Spitfire décolle de Tangmere et nous ignorons la cause de sa perte. Un Spitfire "non identifié" est renseigné comme abattu vers 18h35 par deux pilotes du Stab/JG26, le Major Gerd Schöpfel et le Fw Bruno Hagenauer.

... M. LE BAS, un technicien de Radio-Paris, le loge du 10 au 11 février (un Roger LE BAS est repris dans la liste des helpers français au 4 Rue Gustave Courbet, XVIe) et le conduit chez Marcel FROT et son épouse, rue de la Porte d'Issy à Issy-les-Moulineaux. Il loge dans leur appartement du 11 au 19 février. Un homme qui se dit premier aviateur français à avoir volé au-dessus de la tour Eiffel en 1910 [il semble que le premier pilote à avoir contourné/survolé la Tour Eiffel est le Comte Charles de Lambert le 18 septembre 1909] vient le voir et l'emmène. Mr Laurent Dingli nous précise le 28 juillet 2014 qu’il s’agit en fait du célèbre aviateur Maurice TABUTEAU (1884-1976). Son nom figure à la liste des Helpers français publiée après la guerre en vue de l’octroi de récompenses pour services rendus, sans autres détails que l'adresse de l'entreprise dont il était le directeur commercial : la Société anonyme pour l'équipement électrique des véhicules (S.E.V.), fondée par Louis Renault en février 1912, société dont était par ailleurs administrateurs différents constructeurs tels que Berliet, Hotchkiss, Panhard et Peugeot, sise 26 Rue Guynemer à Issy-les-Moulineaux, près de Paris. TABUTEAU résidait Boulevard Pereire et avait remporté, entre autres, la coupe Michelin en 1910, la coupe Deutsche de la Meurthe, l'année suivante, etc.

Ils rencontrent une femme qui les conduit près de Notre-Dame, chez Joseph et Jeanne WAELES au 11 Rue du Sommerard à Paris Ve (des anciens logeurs de la ligne Pat O'Leary). Le 20 février, la guide l'emmène prendre des photos. Curry reste chez les WAELES 3 ou 4 semaines (du 1er février au 1er mars 1943).

Tous les lundi, un parent dont la discrétion était douteuse vient loger et il passe ces nuits dans un séminaire, au 21 rue d'Assas (RP jésuite Michel RIQUET) : deux neveux de Joseph WAELES (Pierre et Claude HARTWEG du 22 Rue Voltaire à Belfort) l'y hébergent dans leurs chambres.

Le premier lundi, la femme le prend dans un appartement à l'Avenue d'Orléans, occupé par "M. Levec" (Il s’agit d’Armand LEVEQUE et de son épouse Marcelle et leur fille Andrée, du 19 Rue d’Orléans, Paris IVe.), chef de l'organisation. Il y rencontre un sergent écossais. Il y reçoit une carte d'identité et la femme le conduit au séminaire. La même femme lui change sa carte le second samedi et prend le restant de ses photos, lui disant que "Jean" le prendrait lundi ou mardi pour l'Espagne. Il ne vient pas. Jean Marcellin de La OLLA, de la filière Pat O'Leary, est en effet arrêté le 5 mars (interné à Fresnes, puis envoyé aux camps de Buchenwald et Flossenburg - prisonnier n° 43192 - libéré en mai 1945).

Curry insiste pour aller voir le samedi avec Mme WAELES à l'Avenue d'Orléans, et trouve la porte au premier étage scellée. Il reste au séminaire ce soir-là et Pierre HARTWEG lui dit qu'il a entendu parler d'un prêtre (Michel RIQUET) qui connaissait une filière.

Le mercredi, "Mr ROBERT" (Robert AYLÉ), Mme JANOT et Mme RAOUL-DUVAL viennent le voir. John Curry loge trois jours chez Mme Christiane RAOUL-DUVAL, en face du QG de la Luftwaffe au Louvre (43 Rue du Faubourg Saint Honoré).

Il reste ensuite deux jours chez Mme "St Beurffe" (Simone VAVASEUR épouse du notaire Pierre SAINTE-BEUVE au 45 Rue Ampère, Paris XVIIe) où Catherine JANOT le conduit et où "Mr Robert" lui procure une carte d'identité.

Catherine JANOT le prend chez elle au 11 Avenue d'Eylau (près de la place du Trocadéro, dans le XVIIe). Il y reste cinq jours. Un aviateur prénommé Frank (Frank Evans, qui a été arrêté plus tard) et qui avait été abattu en Hollande s'y trouvait. Il quitta Paris deux semaines avant lui.

Selon Catherine JANOT, Curry a aussi été logé par Iga (ou Olga) POPOVITCH.

Curry déclare que cette Mme JANOT serait maintenant dans la clandestinité. Trois semaines avant le départ de Curry, un aviateur américain de la RAF (Gilbert Wright) qui avait été hébergé chez elle avait été arrêté, déguisé en prêtre, à la gare Montparnasse. La rumeur est que les Allemands cherchaient un de leurs déserteurs dans le même déguisement. On sait à présent que Catherine JANOT (née de BRUNEL de SERBONNES) était en fait déjà filée par la SiPo-SD du 36 Quai des Orfèvres ou par le bureau de Hermann Genzel de la Rue des Saussaies, et qu'un voisin aurait averti la Gestapo que beaucoup de jeunes gens visitaient l'appartement de Mme JANOT. Celle-ci confirme être allée chez les BESSE de LAROMIGUIERE pour les prévenir de ne plus venir chez elle.

"Mr Robert" (AYLÉ) va chercher Curry chez Catherine JANOT à l’Avenue d’Eylau et le conduit chez Jean BESSE de LAROMIGUIERE (alias LAFONT) et son épouse Claude, née MONESTIER, et leurs petites filles Anne et Chantal, au 87 Avenue Paul Doumer à Paris XVIe. Il y reste un mois (du 5 au 20 mars selon Mme), recevant des visites de Mlle "Dufonney" [il s’agit de Mlle Denise DUFOURNIER (nom de guerre "Bella"), 1 Rue Pajou, Paris XVIe, déportée et revenue des camps] et de "Élisabeth" (Élisabeth BARBIER, 72 Rue Vaneau, Paris VIIe), de la filière Vaneau / Oaktree. Elles amenèrent Armand LEVEQUE qui déclara à Curry que sa fille avait vu les Allemands emporter sa femme de leur maison de l'Avenue d'Orléans. Ils ne savaient pas ce qui était arrivé à l’Écossais. Cet Écossais arrêté en même temps qu’elle doit être le Sergent Daniel Christie Young, RAF 35 Squadron, du Halifax W7885 abattu dans la nuit du 13-14 février 1943 lors d’une mission sur Lorient (rapport post-libération SPG LIB 1290). Armand LEVEQUE et sa fille Andrée, également arrêtés par la suite, seront déportés. Andrée en reviendra mais son père Armand (prisonnier n° 43188) est renseigné comme décédé au camp de Halberstadt, âgé de 56 ans.

En octobre 2018, Madame Chantal de Bussac (fille de Jean et Claude Besse de Laromiguiere), que nous remercions ici, nous a apporté des précisions sur ses parents, détails que nous avons complété par les informations trouvées notamment dans les archives françaises ( https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr ). Jean BESSE de LAROMIGUIERE avait été recruté en novembre 1942 par Robert AYLÉ pour Comète France. Par l’intermédiaire de Denise DUFOURNIER, cousine éloignée de son épouse Claude, Jean fait la connaissance d’Élisabeth BARBIER. Le couple, chargé d’hébergement et travaillant ainsi également pour les organisations Vaneau et Bourgogne, a accueilli une dizaine d’aviateurs évadés à partir de mars 1943. Nous ne connaissons malheureusement pas les noms des autres évadés en dehors de James Curry. Jean BESSE de LAROMIGUIERE a été arrêté par la Gestapo le 19 juin 1943 pour "feindbegünstigung" (aide à l’ennemi). Il est interné à la Prison de Fresnes près de Paris d’où lui et 63 autres détenus partent dans le convoi du 25 avril 1944 pour le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, en Alsace annexée, où ils arrivent le lendemain. Il y restera (matricule NN - Nacht und Nebel - 12196) avant d’être transféré le 1er juin au Kommando d’Erzingen (dépendant du camp principal de Natzweiler), au sud-ouest de Stuttgart en Allemagne. De là, il partira avec les autres détenus le 5 septembre par train pour le camp de concentration de Dachau. Jean et ses malheureux camarades y passent un terrible hiver, souffrant de faim, de froid et de toutes sortes de privations. Jean attrape une pneumonie puis est atteint par le typhus. Dachau est libéré le 29 avril 1945 par des troupes américaines et les prisonniers atteints de typhus sont mis en quarantaine. Simone Monestier, la belle-mère de Jean, infirmière de la Croix Rouge pendant la guerre, décide de partir à la recherche de son gendre dès que la liste des rescapés de Dachau fut publiée dans la presse. Après un périple incroyable, elle arrive à Dachau le 8 mai 45 et réussit à en faire sortir Jean BESSE de LAROMIGUIERE ainsi que quelques autres déportés qui avaient également eu le typhus, dont le docteur Jean de LAREBEYRETTE (arrêté le 17 juin 1943 - matricule 12197). Celui-ci avait été responsable du réseau Vélite-Thermopyles (renseignement), en relation constante avec Catherine JANOT. Après un voyage mouvementé, tout ce groupe est arrivé à Paris le 12 mai 1945.

Juste avant Pâques, donc peu avant le 25 avril, Robert AYLÉ mène John Curry chez Mme Noémi HANY-LEFEBVRE, épouse DEON, au 28 rue Scheffer, dans le même quartier de Paris XVIe. Elle est en instance de divorce, et loge Curry du 21 au 27 avril.

Le mardi avant Pâques (27 avril 1943), un Belge (Jean-François NOTHOMB) vient vérifier ses papiers. Ce soir, il l'emmène dans une maison d'où l'on voit la Seine, et où Iva Fegette et William Withman étaient déjà, chez Madeleine AYRAND épouse FOCKENBERGHE, devenue chef d'un centre d'hébergement de Comète en mars 43 au 28 Quai de Passy à Paris XVIe. Après le souper, NOTHOMB les prend en gare de Montparnasse où ils embarquent dans l'express de Nantes pour prendre celui de Bordeaux. Il n'y eut pas de contrôle dans ce train. Le 28 à midi, ils vont dans un café en face de la gare où une femme amène Thomas Wilby. Vers 15 heures et demi, les quatre aviateurs et NOTHOMB vont à Dax. Ils y dorment dans un hôtel à côté de la gare (l'Hôtel du Terminus).

Le 29, ils se rendent à Bayonne en passant un contrôle. Ils y retrouvent la femme qui avait amené Wilby à Bordeaux, ainsi que sa fille (Elvire et Jeanine DE GREEF). Les gens de l'hôtel où ils vont savent qu'ils sont Britanniques. Après 18 heures, ils partent pour Saint-Jean-de-Luz. Ils passent le contrôle allemand. Au soir, NOTHOMB les conduit chez les deux femmes (pas à Ciboure). Le 30 à 22 heures, ils quittent deux-par-deux la maison pour le pont à Saint-Jean-de-Luz, où Jean-François NOTHOMB et un autre homme les attendent.

C'est le 42e passage de Comète par la route traditionnelle de Saint-Jean. Des hommes, postés le long du chemin leur indiquent la direction. Ils arrivent à une ferme. Le passage des Pyrénées prend dix heures avec Jean-François NOTHOMB, Florentino GOIKOETXEA et "Pat" (Francisco GARAYAR dit "Patxi").

Le 1er mai, ils s'arrêtent à une ferme, et NOTHOMB va chercher un taxi. Ils le prennent dans un village et vont loger deux jours à San Sebastian chez "le chauffeur", soit Bernardo ARACAMA au n°7, 5e étage à gauche, Calle Aguirre, quartier de Miramon, soit Federico ARMENDARIZ au 2e étage du 3 Calle de la Marina, près de la Concha, plage de San Sebastian. Un Américain les prend en voiture jusque Miranda. Là ils montent dans une camionette de l'ambassade de Madrid. Après trois jours, Curry est envoyé à Gibraltar et y arrive le 9.

Curry est interrogé en Angleterre le 22 mai 1943.

A la fin d'avril, il avait rencontré à Paris les Sgt Allen et Bradley du 35ème Squadron, que l'organisation recherchait. [Il s'agit de William George Allen - 903697, copilote et de David Ronald Bradley - 1377851, opérateur radio/mécanicien, tous deux à bord du Halifax W7873 abattu par la Flak au retour d'une mission sur Pilsen dans la nuit du 16 au 17 avril 1943. Ils parvinrent à Gibraltar via une autre ligne et par Andorre et rentrèrent à Hendon en Angleterre le 22 juin 1943. SPG 1251 et 1252. William Allen est mort le 31 mars 1944. Il avait 32 ans.] C'est également à Paris que Curry rencontra un soldat évadé de Pologne et qui était dans la même filière.

De retour dans son unité le 1er juillet 1943, John Curry fut tué lors de la mission Ramrod 134 sur les ports belges d’Ostende et Zeebrugge le 25 juillet 1943 à bord du Spitfire Vb AR609 "YT-C" du 165 Squadron, écrasé près de Westerschelde, à 10 km au Sud-Ouest de Vlissingen, Zeeland, Pays-Bas. Son corps ne fut jamais retrouvé et son nom figure sur le panel 136 au Runnymede Memorial (voir CWG).


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters