Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 11 septembre 2018.

Iva Lee FEGETTE / 38036701.
2714 Avenue E, Fort Worth (et Route #1, Box 86, McGregor) Texas, USA.
Né à Station Creek, Texas, le 30 juillet 1918 / † Dallas, Texas, le 24 octobre 2007
T/Sgt, 303 Bomber Group 360 Bomber Squadron, opérateur radio
Lieu d'atterrissage : Près de Melun (Seine-et-Marne).
Boeing B-17 G Flying Fortress, 41-24585, PU-B "Wulfe Hound" abattu par un chasseur allemand le 12 décembre 1942 lors d'une mission sur Rouen-Sotteville.
Atterrissage forcé et écrasé dans un champ près de Villeneuve-les-Bordes, au sud de NANGIS (Sud-Est de Paris) - vestiges retrouvés.
Durée : quatre mois ½
Passage des Pyrénées : le 1 mai 1943.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 6012. Rapport d'évasion E&E 032 disponible en ligne. (La famille de Iva Fegette a également fourni quelques renseignements)

L'avion décolle de Molesworth vers 7h30 et avant d'atteindre l'objectif, la formation est attaquée par une vingtaine de chasseurs allemands. Tous les moteurs sont touchés et l'appareil perd rapidement de la vitesse. Le pilote, parvenu à poser l'avion dans un champ boueux en ayant rassemblé l'équipage dans le compartiment radio, s'extirpe de l'appareil par un hublot avant, tandis que le reste de l'équipage sort par le compartiment radio. Une famille française s'approche et leur disent (le mitrailleur Therrien parle le français) qu'un aérodrome allemand se trouve à environ 5 km de là. Les hommes se séparent en groupes de deux et se dirigent dans la direction opposée. Fegette et William Whitman partent ensemble, se cachent dans un bois pour le restant de la journée et, le soir venu, se dissimulent dans une grange où ils restent jusqu'au lendemain, 14 décembre, ne rencontrant que des ouvriers forestiers peu amicaux.

Aidés par d'autres filières, deux autres membres de l'équipage rejoindront aussi l'Espagne : les mitrailleurs Norman P. Therrien et Frederick A. Hartung. Trois autres seront fait prisonniers : le pilote Paul F. Flickinger Jr, le bombardier Beverly R. Polk Jr et le mitrailleur arrière Kenneth J. Kurtenbach. Le copilote Jack Williams et le navigateur Gilbert Schowalter sont également aidés par Comète vers l'Espagne.


W.A. Whitman est dans la première rangée, accroupi le premier à gauche (main sur le genou et indiqué par une flèche),
Iva Lee Fegette est au centre dans la première rangée.

A la nuit tombée, Fegette et Whitman se mettent en route et vont à la maison d'un couple polonais dont l'homme les aide à cacher leur équipement et leur donne quelques vêtements chez un autre Polonais en leur indiquant sur la carte qu'ils sont près de Melun. Les deux hommes retournent dans la forêt puis dans une grange où ils restent jusqu'au lendemain, le 15. Affamés et sous la pluie, ils se nourrissent de betteraves qu'ils trouvent entassées au bord du bois avant de repartir à travers champs jusqu'à un canal. Ils le traversent et peuvent dormir dans une grange.

Le 16, Fegette aperçoit un vieillard (Maurice PLOURAY, qu’il orthographie PLORIAS ailleurs) qui s'approche d'eux en maugréant parce qu'ils traversent son champ et lorsqu'il est tout près, Fegette tente d'expliquer par signes leur situation. L'homme les cache dans un bois et s'en va vers sa maison chercher de la nourriture. Le soir, il vient les amener chez lui jusqu'au 18 décembre. Sa petite-fille qui parle très bien anglais. Depuis ce moment, ils sont pris en charge par la Résistance.

Le nom d'Yvonne GAULT (du 91 Rue de Miromesnil, Paris 8e) est mentionné dans "Their Deeds of Valor" par Don Lassetter, au Chapitre V.

Le 18 décembre, Fegette et Whitman sont conduits dans une voiture Renault roulant avec de la mauvaise essence dans une maison vide dans la banlieue parisienne. Ils y restent six jours sans chauffage, puis sont conduits à 60 (?) miles de Paris près de Rozay-en-Brie en Seine & Marne.

Ils sont abrités et chouchoutés par Paul et Marie ("Mimi") PICHARD (neveu du propriétaire ou régisseur du château Maurice PLOYET) au château du Breuil à Voinsles, quelques kilomètres à l'Est de Rozay-en-Brie (Seine & Marne) où ils restent environ deux mois (54 jours selon leur rapport E&E, du 22 décembre 42 au 15 février 43). C'est là que des photos sont prises pour leurs faux documents, Fegette étant identitifé comme marin sur les siens. Un interprète vient les voir de temps à autre avec un ami pilote français, M. DUPRE.


Le château de Breuil

Un commissaire de police de Paris vient les voir deux fois avec sa femme et sa fille Jeannine de 19 ans (Fegette dit que c'est ce Maurice PLOYET, repris à la liste des Helpers français, à Mouy / Bray-sur-Seine, à une trentaine de km au Sud du château) et s'inquiète de leur situation. Il les fait changer de réseau et leur fournit des faux papiers au début de février. Maurice PLOYET et Émile Percheron de Bray-sur-Seine trouvent un certain MASSPACHER 'Robert' au 39 Passage du Grand Cerf à Paris pour évacuer Fegette et Whitman. René DUPRE, 61 Rue Turbigo à Paris IIIe, est également cité. Au château de Breuil, des Allemands logeaient dans l'autre aile du château. Lors de son débriefing à l'ambassade américaine de Madrid, l'équivalent du MI-9 (MI-X) lui posa tellement de questions précises sur les gens qui l'avaient aidé en France que Fegette a cru jusqu’à sa mort qu'un espion nazi s'y était infiltré, ce qui était bel et bien le cas (voir plus bas).

Fegette et Whitman sont alors entre les mains du réseau Brandy de "Flore-Marie Bertin" (PATENOTTE Monique Flore Marie dite 'Monique Bertin' épouse Camille SPIQUEL) et sont remis au centre de rabattage Comète de Charles MARCOT du 118 Allée Jules Auffret (ensuite Allée des Aldes) à Les Pavillons-sous-Bois. La liste des Helpers français reprend Camille et Monique SPIQUEL au 44 Rue Perronet à Neuilly-sur-Seine, précisant que Camille SPIQUEL a été déporté (il avait été arrêté en juin 1943).

Le lundi 15 février, selon Fegette, on les conduit à Paris en voiture chez une Mme "Seyrsvel" (Catherine JANOT, née de BRUNEL de SERBONNES) qui veut franchir les lignes pour rejoindre l'Angleterre (Elle veut fuir avec son mari et partira en Afrique du Nord avec lui). Ils sont effectivement renseignés comme convoyés par Catherine JANOT et Bernard COURTENAY-MAYERS.

Deux docteurs viennent les prendre un dimanche (Il doit s'agir des frères PENEZ, médecins de Montfermeil en Seine & Oise) et les conduisent en train à "Raincy Pavillion" (Le Raincy - Les Pavillons-sous-Bois). Ils y dorment une nuit chez "Lucien" FOUARD (Léon FOUARD, au 111 Avenue des Sciences à Montfermeil), qui leur dit de faire le bonjour à John McKee, qui avait logé chez lui du 21 décembre au 06 janvier.

Fegette indique dans un récit que lui et Whitman sont alors menés pour 4 jours dans un appartement au 2ème étage d'un immeuble en face de l'Hopital Américain à Paris (au Boulevard Victor Hugo) et dont le propriétaire ("Ptominié Desmajure" Pierre THOMINE-DESMAZURES) était père de huit enfants en âge d'école. Il ne s'agit pas de Philippe Demasure, qui avait introduit par trahison Jacques Désoubrie (sous le pseudo de Jacques Leman) dans l'organisation Brandy de Mme Monique SPIQUEL née PATENOTTE, puis dans Comète dès avril 43, Désoubrie devenant "Jean Masson" sur ses faux papiers.

Jacques FAURE du 1 Rue Oswaldo Cruz, XVIe, vient les y voir le lundi et veut les ramener dans l'autre réseau. Ce M. FAURE est plus tard à Madrid au moment du débriefing de Fegette. Il les conduit chez une Mme "Cara...". Il s'agit de Anastasie KARAYANIDES au 33 Avenue Victor Emmanuel à Paris, une ancienne logeuse du réseau Pat O'Leary, mais qui sera infiltrée par le VMann Glèbe de Marcheret, ce qui causera son décès en déportation à Ravensbrück. Il est dit dans leur rapport qu'ils n'y restent que deux jours, jusqu'à l'arrivée d'un Russe, "Abraham Konieniko", qui arrive le mercredi, ce qui perturbe l'organisation. Mme KARAYANIDES donnait aussi des leçons de langues étrangères (elle en parle cinq) à des jeunes filles allemandes.

Dans son récit ultérieur (inachevé) Fegette écrit qu'après avoir quitté le château, Whitman et lui ont été menés au 2ème étage d'un appartement où vivait une vieille dame grecque (Anastasie CARAYANIDES) et où on leur annonça que leur voyage de Paris vers Bordeaux se réaliserait endéans la quinzaine. Il poursuit en disant qu'un soir, la nourriture venant à manquer, il avait demandé à la dame grecque de l'accompagner à l'Hopital Américain où il se disait certain de trouver de quoi manger. Il mentionne une alerte aérienne cette nuit-là et dit avoir appris par la suite que l'objectif de la RAF, survolant Paris, était l'usine Skoda de Pilsen en Tchécoslovaquie.

Ils sont ensuite interrogés par Robert AYLÉ, qui les interroge sur ce qu'est "a can" et un "dry run" et leur dit que leurs papiers sont démodés. Ils vont faire des photos dans un magasin, se faisant passer pour des sourds-muets. Fegette quitte alors William Whitman et le Russe part chez une "Natasha" (Natacha PROTASSIEFF épouse du Danois Niels BOEG, née à Moscou le 08 mai 1901, mariée sans enfants au 83 Rue de Saussure à Paris XVIIe). Fegette suit quant à lui une Elisabeth (BARBIER) chez elle, (au 72 Rue Vaneau Paris VIIe).

De chez Elisabeth BARBIER, M. "Paul" (Frédéric DE JONGH) conduit Fegette loger plus de 3 semaines chez le Dr André BOHN et son épouse Marguerite NAGEOTTE au 116 boulevard Raspail (VIe) du 20 mars au 19 avril 43. Bernard COURTENAY-MEYER semble avoir été présent à son arrivée (pour recruter les BOHN, dont Fegette est le premier aviateur). BOHN ne signale que Fegette (Whitman est logé chez Elisabeth BARBIER le lendemain, 21 mars).

Frédéric DE JONGH convoie alors Fegette pour aller loger un mois (séparé de Whitman) au 03 Avenue de l'Observatoire (en face du QG de la Luftwaffe) dans le VIe arrondissement chez Mme Brigitte MICHEL veuve AUQUIER, son fils étudiant et sa fille Andrée. On lui annonce qu'ils partiront dans dix jours et on vient enfin chercher Fegette pour aller à la gare.

Tout ce retard et ces revirements de situation s'expliquent par l'arrestation d'Andrée DE JONGH à Urrugne le 15 janvier. Jean-François NOTHOMB ("Franco") et le père d'Andrée ont d'autres priorités que de continuer à faire évader des aviateurs, et rassemblent de l'argent pour acheter la libération d'Andrée DE JONGH (ce qui provoque également des infiltrations de la ligne par tous les côtés). Finalement, Jean-François NOTHOMB trouve un autre itinéraire de train pour aller à Bordeaux par Nantes depuis la gare Saint-Lazare et Comète redémarre péniblement.

Fegette explique dans son rapport E&E qu'en arrivant à la gare d'Austerlitz, Catherine JANOT prévient Frédéric DE JONGH et Elisabeth BARBIER (Fegette ne cite pas Robert AYLE comme étant présent) qu'un aviateur déguisé en prêtre vient d'être arrêté sur le quai (Gilbert Wright). Ce serait sur ces entrefaites que NOTHOMB arrive avec un autre aviateur que Fegette appelle "Allan Robertson" (Il s'agit en fait du S/Sgt Allen Robinson, mitrailleur dorsal du 42-5175, abattu le 16 février 1943). NOTHOMB dit qu'il va voir si le trajet est surveillé, et les trois aviateurs vont passer la nuit chez Elisabeth BARBIER à la Rue Vaneau. Le lendemain, ils retournent où ils étaient logés. Robinson "Robertson" disparaît ici du récit. Il sera passé à la ligne Oaktree-Bourgogne par les soins d'Elisabeth BARBIER.

Fegette dit alors que "Allan" reste chez Elisabeth BARBIER, que lui-même retourne chez les BOHN, et que Whitman va chez Mme AUQUIER. Il y apprend que NOTHOMB a besoin de papiers pour leur autorisation de résidence en territoire côtier. Mme AUQUIER apprend aussi que le réseau a été quelque peu infiltré et que quelqu'un y est en contact avec les Allemands (Nous avons vu que les Allemands surveillent les lignes d'évasion via Désoubrie, de Marcheret et Pradat, et encore d'autres agents infiltrés. De plus, Frédéric De Jongh est occupé à "négocier" la libération de sa fille. Tout cela occasionne beaucoup de fuites). Les logeurs désemparés ne savent pas quoi faire avec leurs aviateurs. Ces derniers décident que cette dame devrait les conduire à l'hôpital de la Croix-Rouge américaine à Neuilly. Ils remontent les Champs Elysées jusqu'à la Place de l'Etoile et se perdent sans trouver l'hôpital américain. Sur le chemin, quelqu'un lance une grenade dans un restaurant plein d'Allemands et ils décident de rentrer.

Le lendemain, un autre réseau téléphone et leur dit de patienter. Il se passe encore une semaine avant qu'une Irlandaise nommée McCarthy (Elsa Janine alias 'Jeanne' MacCARTHY, née en Irlande et résidant au 54 Rue Sainte-Anne à Paris XIe) ne vienne les visiter avec Elisabeth BARBIER. Whitman déménage alors chez Madeleine AYRAND épouse FOCKENBERGHE (il la nomme "Falkenberg"), recrutée par le Père Michel RIQUET et devenue chef d'un centre d'hébergement de Comète en mars 43 au 28 Quai de Passy à Paris XVIe. Après une semaine, Fegette l'y rejoint. Ils y reçoivent de nouveaux papiers de NOTHOMB et DE JONGH ("Mr Belge").

Le mardi 27 avril 1943, Jean-François NOTHOMB amène John Curry à cette maison d'où l'on voit la Seine (Quai de Passy devenu Voie Georges Pompidou), et où Whitman et Fegette étaient déjà. Après le souper, "Franco" guide les trois aviateurs en gare d'Austerlitz où ils embarquent dans l'express de Bordeaux. Il n'y eut pas de contrôle dans ce train.

Le 28 à midi, ils vont dans un café en face de la gare de Bordeaux où une femme (Elvire DE GREEF) amène le pilote britannique Thomas Wilby. Vers 15 heures et demi, les quatre aviateurs et NOTHOMB prennent un train pour Dax en 3e classe après qu'un arrangement pour louer des vélos n'échoue à Bordeaux. Ils y dorment dans un hôtel (l'Hôtel du Terminus).

Le 29 au matin, ils se rendent en train à Bayonne où ils passent un contrôle de sortie. Ils y retrouvent la femme qui avait amené Wilby à Bordeaux, ainsi que sa fille (Elvire et Jeanine DE GREEF). Ils vont dans un café et montent passer la journée du 29 au-dessus du bar dans des chambres, où ils mangent. Il s'agit du bar de Pierre ARRIEUMERLOU époux de Catherine LESCOULIER au 12 Quai Augustin Chabo. Les gens de l'hôtel savent qu'ils sont britanniques (ou en tous cas anglo-saxons).

Après 18 heures, ils partent en train pour Saint-Jean-de-Luz. Ils passent le contrôle allemand et NOTHOMB part chercher des guides. Au soir, NOTHOMB les conduit chez deux femmes à Saint-Jean. Le 30 à 22 heures, ils quittent deux-par-deux la maison pour le pont vers Ciboure depuis Saint-Jean-de-Luz, où NOTHOMB et un autre homme les attendent. Ils donnent le reste de leur argent français à Jean-François NOTHOMB. Des hommes, postés le long du chemin leur indiquent la direction. Ils arrivent à une ferme en bordure des Pyrénées, celle de Joseph LARRETCHE, Yatxu-Baïta, à Urrugne où ils reçoivent des espadrilles et des pantalons.

Le passage des Pyrénées prend dix heures, avec Florentino GOIKOETXEA, Patxi OCAMICA et "Franco". C'est la 42e traversée de Comète, par la route de Saint-Jean-de-Luz. Il pleut et ils voient les lumières d'Espagne avant de descendre et de traverser la Bidassoa.

Le 1er mai, ils s'arrêtent à une ferme toute la journée, et Franco va chercher un taxi. Ils le prennent à 20 heures dans un village et vont loger trois jours à San Sebastian chez le chauffeur, soit Bernardo ARACAMA au n°7, 5e étage à gauche, Calle Aguirre, quartier de Miramon, soit Federico ARMENDARIZ au 2e étage du 3 Calle de la Marina, près de la Concha, plage de San Sebastian. Cet Espagnol les prend en voiture jusque Miranda. Là, ils montent dans une camionnette de l'ambassade de Madrid. Fegette et Whitman y restent du 06 au 20 mai. Ils arrivent à Gibraltar le 21 mai et y sont interrogés par Donald Darling le 23. Ils arrivent en Angleterre le 25 mai en B17 à Portreath et repartent à Benson.

Une page web montre une partie de l'équipage du 303 Bomber Group avec quelques détails. Grâce à son fils, Gerald Lee Fegette, nous pouvons identifier son père comme l'homme du milieu, à l'avant.

Après son évasion lors de cette troisième mission avec le Lt Flickenger (mission #6, 12 décembre 1942), Lee Fegette retourne à la base de Molesworth et effectue encore 26 missions du 7 octobre 1944 au 14 avril 1945, date à laquelle il achève son "tour".

En décembre 44, il écrira des remerciements aux Bohn à Paris.

Lee Fegette repose au Ovilla Cemetery à Ovilla, Ellis County, Texas, USA.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters