Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 29 octobre 2014.

Robert C. "Bob" AUGUSTUS / 15096570
11024 Cedar Road, Cleveland, Ohio, USA
Né le 17 mars 1923 à Cleveland, Ohio / † le 14 mai 2002 à Fort Myers, Floride, USA
S/Sgt, USAAF 445 Bomb Group/ 703 Bomb Squadron, mitrailleur ventral
Lieu d'atterrissage : "près de Liège" vers 13h30.
Boeing B-24H-1-CO Liberator - 41-29118 - IS-I / "Nine Yanks and a Jerk", abattu vers 13h30 lors d'une mission vers Zwickau et Oschersleben le mercredi 12 avril 1944, revendiqué par le Ltn. Waldemar Radener, Commandant du 7./JG 26.
Ecrasé à l'arrière de la chaussée de Wavre et du quartier du Culot à Thorembais-Saint-Trond
Durée : 5 mois
A Theux à la libération

Informations complémentaires :

Le Missing Air Crew Report relatif à la perte de cet appareil : MACR 3829. Rapport d'évasion de Robert Augustus E&E 2068.

L'appareil décolle de Tibenham vers 10h00, mais la trop forte couverture nuageuse et les très denses traînées de condensation de la formation entraînent un abandon de la mission. Les appareils de la 2nd Bomb Division, dont fait partie le 445th Bomb Group, font demi-tour au-dessus de la frontière allemande et vers 13h30 subissent l'attaque de nombreux chasseurs Me 109s. Le 41-29118 est touché à plusieurs reprises. Trois moteurs sont hors d'usage, des incendies se déclarent, les systèmes électrique et hydraulique sont morts.

Deux hommes seront tués : le mitrailleur arrière S/Sgt Martin E. Clabaugh et l'opérateur radio T/Sgt Frederick J. Cotron, qui, empêtré dans son parachute, perdra la vie en touchant le sol. Il sera inhumé à Perwez, où ses co-équipiers Schleichkorn et Pritchett iront se recueillir sur sa tombe. Après la guerre, le corps de Cotron sera rapatrié aux Etats-Unis. Martin Clabaugh, lui, repose au Cimetière Américain d'Henri-Chapelle en Belgique.

Trois autres hommes seront arrêtés : le copilote 2nd Lt James E. Barnett, le mitrailleur gauche S/Sgt Charles C. Harpin et le mitrailleur dorsal S/Sgt Raymond J. Ouellette.

Outre Robert Augustus, quatre autres réussiront à s'évader : le pilote Samuel Schleichkorn, le navigateur 2nd Lt Lloyd Hermanski, le bombardier 2nd Lt Robert Pritchett, et le mitrailleur latéral droit T/Sgt Charles Bowman.

Trop occupé dans sa tourelle à tirer sur les chasseurs allemands, Bob Augustus ignore à quel point l'appareil a été atteint et ce n'est qu'au moment où l'intercom ne fonctionne plus et que le courant est coupé qu'il décide de rejoindre l'habitacle. Un mur de flammes l'accueille lorsqu'il ouvre la porte de sa tourelle et il pense que le reste de l'équipage doit avoir quitté l'avion en flammes. Le compartiment radio est en flammes également, mais il parvient à récupérer en bon état son parachute qu'il y avait laissé. Voyant des chasseurs attaquer un B-24 tout proche, il tire quelques rafales avec la mitrailleuse sabord et, se retournant pour aller vers la soute d'évacuation, il voit le mitrailleur arrière, le S/Sgt Martin E. Clabaugh, complètement en feu. Il se prépare à l'aider mais se rend compte qu'il est trop tard pour lui et que l'avion s'est mis en piqué.

Bob Augustus saute d'une altitude de 5500m, atterrit dans un pré au milieu de vaches et se blesse à la cheville droite en tombant; dans sa hâte à quitter l'avion, il avait oublié de remettre ses chaussures. Il se met à courir vers un bois voisin, y enterre son parachute, trouve une cachette et ce n'est qu'alors qu'il se rend compte qu'il est brûlé aux mains et au visage. Il entend du bruit et voit un aviateur de son Groupe en train de courir à toute vitesse. Il l'appelle et apprend que son nom est Peter M. Clark, de l'équipage du Lt Pavelka (l'avion n° 42-7601 de Chester Hincewicz).

Les deux hommes examinent la situation et décident d'attendre le coucher du soleil avant de se diriger vers la France. Durant leur attente, un groupe de jeunes gens passe à proximité, en chantant et jetant des choses de leurs paniers. Après leur départ, Bob et Peter quittent leur cachette pour voir ce qu'ils avaient jeté. En fait, c'étaient des tartines, et ils comprennent l'astuce qu'ont trouvé les locaux pour qu'ils puissent se restaurer. Peu après, alors qu'ils s'approchent de la lisière du bois, ils aperçoivent un fermier au travail dans son champ. Ils se hasardent à l'aborder et lui demander à quel endroit ils se trouvent. Le fermier commence à s'exciter, crie quelque chose que les aviateurs comprennent comme étant "les Allemands !!!..." avant de s'en aller précipitamment. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard que Bob et Peter apprendront qu'il y avait effectivement beaucoup de soldats allemands à leur recherche dans les parages.

La soirée venue, ils quittent le bois et marchent vers le Sud-Ouest, atteignant rapidement une route pavée qu'ils suivent jusqu'à l'aube avant d'aller se reposer dans une meule de foin. Quelques heures après, ils frappent à une ferme proche où le fermier les invite à l'intérieur pour les nourrir et sa femme trouve des vêtements civils pour tous les deux et des chaussures pour Bob. Les fermiers font comprendre aux deux hommes qu'ils se trouvent au Sud de Liège mais qu'ils ne peuvent s'attarder chez eux. Après qu'ils aient reçu une carte de la région, une pommade et un morceau de tissu pour entourer la cheville gonflée de Bob, les deux hommes se mettent en route vers la France.

Dans l'après-midi du lendemain, après avoir traversé une petite ville, un jeune garçon à vélo les dépasse en sifflant la Marseillaise et laisse tomber un sac de nourriture près d'eux. Ils emportant le sac et ne commencent à manger son contenu qu'à l'approche du crépuscule, lorsqu'ils atteignent un petit cours d'eau. Ils se remettent en route le lendemain et arrivent près de la frontière deux jours après.

Au détour d'une rue dans un village frontalier, ils tombent nez à nez avec une patrouille allemande et s'écartent rapidement pour éviter un affrontement. Ils ne sont pas inquiétés et se réfugient dans un bois à la sortie du village. Sentant la faim les tenailler, ils frappent à la porte d'une maison à l'orée d'un bois. Une femme d'âge moyen, bien habillée, leur ouvre et Bob fait comprendre qu'ils ont faim. La femme leur dit en anglais d'attendre et qu'elle va leur chercher de la nourriture. Bob aperçoit des fils de téléphone à l'intérieur et commence à se méfier car il sait que seuls les pro-Nazis sont autorisés à disposer de ce moyen de communication. Les deux évadés décident alors de quitter rapidement les lieux et courent à travers bois en direction de l'Ouest, vers la France et Givet.

Vers début mai, débouchant sur un champ surplombant une rivière, ils aperçoivent une fille menant un troupeau de vaches. Elle lève les yeux dans leur direction et leur fait signe de se dissimuler au milieu du troupeau qu'elle guide vers une localité bordée par une rivière. Les deux hommes arrivent ainsi à Ham-sur-Meuse, à 5km au Sud de Givet, et demandent de l'aide aux époux RENVERSES. Mme RENVERSES les fait rentrer sous la menace de son fusil puis, vers 17h00, téléphone à son ami Henri OZANNE, du 5 Rue de Mehul à Givet, qui parle un peu anglais. OZANNE arrive et après quelques questions pointues est rassuré quant à la véracité des dires des aviateurs. Après un copieux repas, les deux évadés logent dans la maison et, le lendemain matin, deux hommes du Maquis de Revin arrivent qui leur disent qu'il est trop dangereux qu'ils restent là et qu'ils seront déplacés le soir venu.

Dans la soirée, deux autres hommes du Maquis de Revin, près de Vireux-Molhain, viennent les prendre pour les conduire dans un grenier où on les place sous garde armée. On leur explique que l'on doit encore bien vérifier leurs identités. Le lendemain, on les prend en photo dans la cour et ce n'est qu'après quelques jours que deux autres hommes viennent confirmer que leur identité a été confirmée et déclarent que les deux aviateurs font dorénavant partie de leur Maquis. Menés dans une forêt, près de Vireux-Molhain, Augustus et Clark participent à la construction d'un abri sommaire pouvant servir de cachette à cinq hommes. Ils y sont rejoints le 7 juin par trois autres aviateurs amenés par Marcel MARCEAU : le copilote Lt Carl Glassman), "Red, un mitrailleur de la RCAF" (c'est le F/S Raymond Potentier, RCAF, mitrailleur arrière du Halifax HX292 du 433 Squadron - abattu lors de la mission sur Berlin dans la nuit du 24 au 25 mars 1944 - rapport d'évasion SPG 3348/2026) et le Sgt RAF D.S. Beckwith (du Lancaster ME684 abattu le 24 mars 1944, qui rejoindra la Suisse - SPG 3322/2279).

Augustus, qui mentionne la présence également dans le camp du 1st Lt Victor J. Layton, officier de liaison et agent de l'OSS, reçoit le nom de code "Le petit homme à la pipe" ainsi que deux cartes, l'une d'identité, l'autre, de travail. Bob y est repris comme Louis J. Busse, né en Flandres et employé à Liège par la Cie de Construction Atlas.

Augustus et Clark se trouvent toujours dans le camp lors du Débarquement en Normandie du 6 juin 44. Peu après, Peter Clark est transféré dans un autre camp où il rencontre quatre membres de l'équipage du B-17 42-31816 : Milton Goldfeder, Joseph Lincoln , Albert N. Pagnotta (caché comme eux un temps en Forêt de St Michel en France avant de repasser en Belgique pour être hébergé à Couvin où il est libéré le 3 septembre par des troupes américaines - E&E 1920) et Joe Rhodes (resté en France et libéré à Mirecourt par des troupes US - E&E 1701).

A partir de là, donc, les chemins d'Augustus et de Clark se séparent et ils ne se reverront plus. Clark tentera de passer en Suisse, prendra un train à Sedan et se retrouvera à Mirecourt au Sud de Nancy où il restera caché jusqu'à la libération du secteur par des troupes américaines (Rapport d'évasion E&E 1674). Bob, quant à lui, est ensuite mené vers le camp principal du Maquis, qui est bientôt attaqué par une unité de Panzers allemands. Vu le grand nombre de tués du côté des maquisards, le Commandant du Maquis, un capitaine dans la Légion Etrangère, conseille à Augustus et aux autres de quitter le camp.

Le 17 juin, Augustus, Potentier et le 2nd Lt Myrle Stinnett s'en éloignent, avec toujours l'intention de tenter de gagner l'Espagne. Ni le rapport d'Augustus ni son récit "Attacked by Bandits!" dans le livre de l'AFEES (Turner Publishing 1991, USA), ne donnent les détails que l'on trouve dans le rapport d'évasion de Potentier. Celui-ci précise qu'après avoir quitté le camp, lui et les deux autres se dirigent vers Fumay. N'y trouvant aucun refuge, ils continuent jusqu'à "Les Voieries" (?), rencontrent un gendarme qui les mène dans un bois près de Hargnies et qui leur dit qu'il connaît un important camp de maquisards bien armés dans un bois au Sud de Willerzie, du côté belge (le Bois de Rienne). Tandis que le gendarme les y guide pendant la nuit, leur groupe est rejoint en secret par de nombreux Français, en uniformes de 1940, armés de revolvers. Il pleut à verse et en arrivant dans le camp les aviateurs ne trouvent aucun endroit pour dormir.

Au lever du jour, ils constatent que ces hommes sont faiblement armés, peu entraînés et dans un état fébrile suite à leurs combats acharnés avec les Allemands. Les trois hommes décident de les quitter et de tenter de rejoindre Sart-lez-Spa où M. BOLLEN les avait déjà aidé (nous ignorons si, outre Potentier, Augustus aussi avait été aidé auparavant par Bollen, qu'il cite comme un de se helpers, mais sans donner de date. Il est vraisembleble qu'il l'ait été, vu son atterrissage "au Sud de Liège").

Les trois hommes marchent pendant cinq jours jusqu'à Pessoux, à l'Est de Ciney et vers le 23 juin, toujours selon Potentier, ils arrivent à Bourdon, près de Marche-en-Famenne "où vivait le premier helper d'Augustus". Ils le retrouvent et restent chez lui pendant cinq jours avant que leur logeur les guide vers Marenne où ils restent du 23 au 28 juin au quartier-général de l'Armée Blanche.

Les résistants leur demandent de rester avec eux et, devant le refus des aviateurs, les maquisards leur fournissent alors de la nourriture et des faux papiers pour la suite de leur marche vers Sart-lez-Spa. Ils les conduisent en ambulance chez le bourgmestre de Grandmenil, qui les mène chez celui de Chevron. Le lendemain, ils arrivent finalement chez le bourgmestre BOLLEN à Sart. Augustus et Stinnett restent un peu chez BOLLEN, tandis que Potentier est caché ailleurs dans le village. Stinnett est alors lui aussi transféré à un autre endroit et Augustus reste seul là peu de temps avant d'être emmené dans la maison d'un vieux couple et de leur chien à Sart-lez-Spa. Il ne reste pas longtemps chez eux mais il y reçoit de nouveaux vêtements et chaussures. Potentier, quant à lui, revient le 2 juillet chez Bollen chez qui il restera caché jusqu'au 11 septembre à l'arrivée à Sart des troupes américaines.

Le récit de Bob Augustus indique qu'il quitte Sart pour aller à Theux où il sera hébergé par une dame, propriétaire d'une boutique de vêtements, et son fils de 9 ans, le père ayant été arrêté et envoyé en camp en Allemagne. Bob loge à l'étage et chaque nuit peut entendre le bruit de charrettes transportant vers des entrepôts à la limite du village tout ce que les Allemands volent aux villageois.

Au matin du 3 septembre 1944, Augustus se réveille au son de tirs et d'impacts de bombes. Ce sont quelques P-47 Thunderbolt américains qui mitraillent les entrepôts allemands ainsi que les routes menant au village. Il entend également au lointain le grondement de chars et de multiples explosions tonnant dans et autour de la localité. Les choses se calment dans le courant de l'après-midi et Bob Augustus voit finalement sur l'autre rive de la Meuse des tanks américains descendre la colline vers le pont bombardé les séparant du centre du village.

Le 4 septembre, Augustus fait des adieux émouvants à ses derniers helpers et est ultérieurement ramené en Angleterre où il est interviewé le 12 septembre 1944 par l'I.S.9. Dans l'Appendix "C" de son rapport d'évasion, il mentionne quelques noms de ses helpers, sans préciser les dates ni la nature de l'aide apportée :


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters