Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 10 mars 2023.

James Reid DYKES / 34445240
Clayton, Alabama, USA
Né le 29 décembre 1920, à Clayton, Barbour County, Alabama / † le 5 mars 1949 De Kalb County, Georgia, USA.
T/Sgt, USAAF 392 Bomber Group 579 Bomber Squadron, radio
Lieu d'atterrissage : non loin de Waterloo.
Boeing B-24 Liberator, 42-7484, GC-L / "Sally Ann", abattu par des chasseurs FW 190 le samedi 29 janvier 1944 vers 12h30-13h00 lors d'une mission sur Francfort.
atterrissage forcé (crash où il explose) tout près de Waterloo, derrière la ferme de Mont-Saint-Jean.
Durée : 7 1/2 semaines
Capturé : le 27 juin 1944 près à Herfelingen, à 8 km au NE d'Enghien et libéré du "Train Fantôme".

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 2548. Rapport d'évasion E&E 1592 disponible en ligne.

Le B-24 décolle de Wendling à 08h00 et, alors qu'il survole la côte, deux de ses turbo-compresseurs tombent en panne et, s'éloignant de la formation, il est attaqué par des chasseurs. L'aile gauche est détruite de même que la conduite de carburant au moteur n°4. Du fuel se déverse par la soute à bombes alors que celles-ci sont larguées, l'appareil faisant demi-tour vers l'Angleterre à une altitude de 1.850 m seulement.

Il est impossible pour le mécanicien William Mattson de stopper la fuite et comme le B-24 est menacé d'une nouvelle attaque de chasseurs, le pilote, 1Lt John Stukus, plonge sous la couverture nuageuse à environ 800 m. Les chasseurs passent par-dessous les nuages et, lorsque cette protection disparaît, ils attaquent à nouveau le bombardier. Une explosion dans la soute à bombes en propulse les portes jusque dans le compartiment radio, le système hydraulique lâche et le pilote donne l'ordre d'évacuer l'appareil.


Debout : Dykes, McGinley, McCrary, Rosati, Paolantonio, Mattson
Devant : Gentry (bombardier), Stukus (pilote), Moffat (co-pilote), Lindlow (navigateur).

Le 1Lt John Stukus (pilote) et le 2Lt John E. Moffat (copilote) sont immédiatement fait prisonniers par les Allemands stationnés au Lion de Waterloo. Le navigateur 2nd Lt Ronald R. Lindlow et le bombardier 2nd Lt Lester E. Gentry sont tués par des coups directs dans le cockpit. Lindlow repose au Golden Gate National Cemetery à San Bruno en Californie, mais le corps de Gentry n'a jamais été retrouvé et son nom figure aux tablettes du Mur des Disparus au cimetière américain de Cambridge en Angleterre. Le reste de l'équipage est un temps officiellement déclaré manquant en action. En fait, parmi les autres survivants qui réussissent à éviter la capture, quatre seront "libérés" en septembre 44 : Anthony Paolantonio, William McGinley, Joe McCrary et Louis Rosati. William Mattson rejoint via l'Espagne via les Pyrénées. Marshall Crouch et James Dykes (la présente fiche) furent fait prisonniers ultérieurement, ce dernier échappant à l'emprisonnement dans un camp en Allemagne comme nous le verrons plus bas.

Pour l'équipage de ce bombardier, un M. PESTIAU de Braine L'Alleud, domicilié 22 Rue des Muguets à Ottignies s'est occupé de Rosati, Paolantonio, Dykes et McGinley. Un certain SANDERS s'est occupé de Paolantonio. Une Mme "VAN EECKHOUT" et Mme Vve Robert WILLAME née Hélène BARRÉ de Auderghem ont été mêlées à cette affaire. La liste des Helpers belges reprend Mme Albertine VAN EECKHAUT (et son mari Oscar) au 8 Avenue Belle Vue à Waterloo, classifiée "Gr. 5".

Dykes déclare avoir reçu immédiatement des vêtements civils d'un "Marcel" qui l'a emmené à sa ferme où l'aviateur se change en vêtements civils. Il est alors emmené dans un café et puis dans une grange pour la nuit. Il passe la nuit suivante dans la maison attenant à la grange, et y apprend que quatre membres de son équipage ont été pris en charge par une organisation, vraisemblablement la même que la sienne, selon lui, car il en a revu quatre par la suite.

Les informations ci-dessous proviennent de diverses sources et peuvent paraître confuses au lecteur. Certains rapports sont très succincts et des détails concernant les 5 évadés ne correspondent pas toujours entre eux. Voici ce que nous avons retrouvé sur base de témoignages oraux, complétés par des renseignements repris dans le rapport LIB de Marshall Crouch (reproduit sur sa page) :

Le 1er février, Jacques TRACHET de Gros Tienne à Ohain et le bourgmestre de la localité (Raymond van HOEGAERDEN) conduisent Crouch en voiture jusque chez Henri VANDEVELDE à Chapelle-Saint-Lambert, près de Lasnes, où il reste loger pendant 11 jours. Crouch indique que Rosati, Dykes, McGinley et Paolantonio s’y sont également trouvés. Crouch rapporte avoir été guidé de Chapelle-Saint-Lambert jusqu’à Nivelles par un "Henri" (qui s’avère être Henri VOITURON, époux d’Alphonsine, domicilié à Arquennes) et avoir logé une nuit chez un concessionnaire Ford (Camille PARDONCHE).


Des membres de cet équipage cachés à Nivelles avec de gauche à droite : Dykes, Paolantonio, Rosati, McGinley, Edouard Pardonche et Crouch.
La photo a été prise dans la cour du garage Pardonche, à l'arrière du n°1 de la Rue du Mont-Saint-Roch.

Crouch, Dykes, Rosati, McGinley et Paolantonio, après avoir été cachés à Nivelles chez Édouard alias "Coco" PARDONCHE (fils de Camille PARDONCHE, tous deux résistants bien connus de l'endroit), ont été acheminés par Édouard ainsi que par son beau-frère Paul JOSSIEAUX et par Henri VOITURON pour être conduits à Feluy (Seneffe) au 15 Rue Victor Rousseau, chez Henri OTS et son épouse Victorine, où ils sont restés cachés du 12 au 26 février 1944. James Dykes aurait été hébergé par le groupe de Georges AUQUIER, industriel membre de l'A.S. - Zone IV – 22/Z4 et aidant à l'évasion d'aviateurs via le Front de l'Indépendance.


Notes de Camille PARDONCHE concernant les 5 évadés du "Sally Ann" 42-7484
(document que nous a aimablement transmis Roland DEWEZ en juin 2019)

Dans son E&E, Dykes confirme les données de Crouch, car il déclare ensuite qu'il est amené après deux jours à une route pour y attendre une voiture. Il rencontre un instituteur (Jacques TRACHET) et un bourgmestre (Raymond van HOEGAERDEN) et va à Chapelle-Saint-Lambert, près de Lasnes, chez le couple âgé de Henri VANDEVELDE. Il y retrouve Crouch, Rosati, McGinley et Paolantonio. Ils y restent deux semaines et quelqu'un de Bruxelles vient leur apporter un Form E à remplir par des informations sur leur équipage.

Dykes rapporte ensuite être allé à Nivelles avec un homme travaillant dans cette ville chez un concessionnaire Ford (le garagiste Camille PARDONCHE), y être resté la journée et être parti ensuite à Arquennes où il reste deux semaines chez un couple âgé (les VANDEVELDE). Il y reçoit une carte d'identité d'un "Robert" (petit, 35 ans, lunettes et cheveux noirs) qui parle assez bien anglais, et lui dit travailler pour un réseau de renseignements britannique.

Dykes va ensuite à Ecaussines avec Jules "RUSSO" (belle prestance, 30 ans et grand - Rosati, lui, reprend Jules "ROSSEUW") et reste encore deux semaines caché dans un moulin. Il s’agit en fait de Jules ROUSSEAU du 35 Rue Belle Tête à Ecaussines.

A l'arrivée de quelques Allemands, il se sauve par derrière avec Jules ROUSSEAU.

Son E&E dit qu'il a été accompagné dans cette fuite par au moins deux Américains, mais que Dykes reste plutôt vague dans leur description (voir détails dans le récit de Rosati, Crouch confirmant, lui, que lui, Dykes et "Howard" (Howard Sakarias). parviennent à s’enfuir par la porte de derrière, accompagnés de ROUSSEAU). ROUSSEAU se fait battre par les Allemands, qui ne découvrent aucune indication et pensent qu'il abritait seulement des réfractaires.

Selon le rapport de Crouch, les trois hommes restent 3 jours chez une dame dont Crouch n’a pas retenu le nom. Crouch signale qu’ils (nous comprenons lui, Dykes et Sakarias) sont ensuite guidés par un homme qui se faisait appeler "Number Three" (?) jusqu’à la ferme d’Arthur MARY (au 58 Rue des Bas Rouges à Ecaussines-Lalaing.). Ils restent loger là pendant 1 semaine.

Crouch poursuit : un directeur d’école, en charge également du Secours d’Hiver, mène Crouch, Dykes et Sakarias à Ecaussines même, chez une dame (nom ?) chez qui ils dorment et sont nourris, passant leurs journées chez le directeur d’école. Ils sont conduits par la suite par ce dernier pour retourner à la ferme d’Arthur MARY où ils logent pendant une semaine. Par après, un ancien gendarme luxembourgeois nommé Georges les met en rapport avec une organisation à Braine-le-Comte. Dans un courrier dans les archives de Comète, Melchior RESTEAU, 129 Rue de la Station, Braine-le-Comte, indique qu’il a aidé Crouch, Rosati, Paolantonio, McGinley, Dykes, ainsi que Howard Sakarias et Glenn Brenneke (ces 2 derniers du B-17 42-30412 abattu le 4 mars 1944)…

Reprenons le rapport de Dykes qui indique qu’il passe quelques heures chez un homme âgé, sa femme et sa fille avant d'aller passer la nuit dans une grange de l'autre côté de la route. Il ne précise pas s’il est seul ou accompagné d’autres évadés.

Dykes rejoint ensuite une autre grange hors du village et y rencontre Glenn Brenneke, du même équipage que Sakarias.

Le jour suivant, un gendarme prend Dykes et McGinley en ville et les loge une nuit chez lui. Ils vont ensuite pour trois nuits chez deux femmes et un homme travaillant dans "some kind of business"… Dykes et McGinley vont alors un peu en dehors de la ville chez un couple d'environ 70 ans dont le fils est un ancien prisonnier de guerre. Ils y restent trois semaines. Le gendarme revient alors et les place ailleurs, McGinley à un endroit et Dykes et d'autres dans une ferme.

De là, selon le rapport de Dykes, il semble que Paolantonio et Dykes puissent être retournés pour trois ou quatre jours chez le gendarme avant de revenir à la ferme. Dykes et McGinley partent peu après à Bruxelles avec deux hommes et une femme. L'un des hommes, lui paraît âgé de 50 ans, a des cheveux gris, et porte des lunettes, tandis que l'autre doit avoir 24-25 ans et que la femme est jeune et jolie. Crouch, Brenneke, Dykes et McGinley vont en voiture à Braine-le-Comte pour y prendre un train vers Bruxelles, où trois hommes les attendent. McGinley et Brenneke partent avec l'un d'eux, Dykes et Crouch allant chez un autre. [Dykes est cité par Rolande CRUSIAU épouse Albert STAS de la section de Émile ADAM du groupe G et elle l'aurait emporté de chez Adolphe CHABOTEAUX du 95 Rue de Ronquières à Braine-le-Comte avec René HANQUET ainsi que vraisemblablement Marshall Crouch, Glenn Brenneke et William McGinley. Ils sont laissés un jour chez Émile ADAM à Gibecq (Silly). Rolande CRUSIAU croit se souvenir les avoir remis ensuite à Octave WERY (Boulevard Maurice Lemonnier) à Bruxelles.]

Le rapport de Dykes indique que dès son arrivée à Bruxelles, il a été mené seul à Koekelberg chez Félicie FREYNE-LEYSEN au 16 Rue François Hellinckx chez qui il reste environ trois semaines. Un Gaston (Gaston MATTHYS du 37 Rue Charles Vanderstappen à Schaerbeek) le déplace dans une autre maison à Bruxelles, mais Dykes doit quitter cet abri après seulement un jour, à cause des rafles des Allemands à la recherche de jeunes pour partir travailler en Allemagne. Gaston le conduit à Dilbeek, au café de la Colonne avec un Louis HEIR-SCHUTTER, avec qui il reste trois semaines. Lors d'un contrôle des stocks de l'établissement, il doit être déplacé et retourne encore pour apparemment 3 ou 4 semaines chez Félicie FREYNE à Koekelberg. De là, il part pour Herfelingen, à 8 km au Nord-Est d'Enghien, où son rapport indique qu'il y est resté environ 3 semaines.

Dans son rapport, Dykes mentionne que tôt dans la matinée du 27 juin 1944, une patrouille allemande est arrivée dans le coin, qu'il a voulu filer par la fenêtre donnant sur les champs, mais qu'il a été repéré et arrêté. Emmené dans un QG, il y est fouillé et durant l'après-midi, quelqu'un de la Luftwaffe vient le chercher pour le conduire à un endroit en dehors de Bruxelles. Là, on lui demande son nom, son grade et son n° de matricule, le lieu où il avait atterri, les endroits où il avait été hébergé, etc. Après qu'il ait été fouillé, on le menace d'exécution. Il est enfermé à la prison de Saint-Gilles avec des Anglais : Jack ?, Charlie ?, un P/Off McSwinney qui devait être pilote d'un Lancaster (en fait, le P/Off Kevin W McSweeney, SPG 3324/2600), le S/Sgt mitrailleur Irvin Sumpter et un opérateur radio "DAYLE" (il doit s'agir du T/Sgt Dale S. Louckx, opérateur radio à bord du B-24 n° 42-40550 - cf "Cozzens" ci-dessous).


Page du dossier KU-750 de Dykes à propos de son arrestation par la GFP de Bruxelles le 27 juin 1944 à Herfelingen.

Après un jour, il est déplacé de cellule et mis avec un mitrailleur Canadien appelé Johnny [il s'agit de John H. Elsliger, RCAF, mitrailleur du RAF 420 Squadron à bord du Halifax LW423, touché par un chasseur allemand dans la nuit du 27 au 28 août 1944 lors d'une mission sur les installations militaires de Bourg-Leopold ; l'appareil a pu rejoindre sa base, mais Elsliger, qui avait sauté par erreur, se verra envoyé de St Gilles au Stalag Luft 7 en Allemagne], un Australien et un "pilote ou copilote" appelé William Elliot [le Halifax HX313 du RAF 424 Squadron co-piloté par le F/O William J. Elliott, RCAF, avait été abattu lors de la même mission qu'Elsliger et deux co-équipiers d'Elliott ont une page sur ce site : Eric Mallett et Kenneth Sweatman]. Dykes rencontre ensuite Ford Babcock et le Canadien Jacob Thurmeier, de même qu'un prisonnier de guerre polonais évadé, "Siegfried Shemolipski" selon son E&E, mais qui est repris comme étant Ziegfried Chmieleski dans le rapport SPG 3350/1317 de William Elliott.

Après environ un mois, Dykes est à nouveau interrogé dans Bruxelles par deux sous-officiers V-Manner appelés Charlie et Johnny. Même scénario, il est accusé d'espionnage et menacé d'être fusillé ou placé dans une prison civile. Dykes refuse toujours de parler et est placé dans une autre cellule, qu'il partage avec un Allemand, un Britannique et un Américain du nom de Monahan [vraisemblablement le Lt James L. Monahan, pilote du B-24 n° 42-95117 du 458BG/752BS, abattu le 20 juillet 1944 lors d'une mission sur Eisenach - il figure dans la base de données des prisonniers de guerre US, mais il est fort vraisemblable qu'il se soit trouvé, comme Dykes, dans le "train fantôme"].

Il est confirmé que James Dykes se trouvait dans un groupe de 42 aviateurs alliés destinés à rejoindre en train depuis Bruxelles des camps de prisonniers en Allemagne et que suite à l'action de cheminots résistants, le convoi (le "train fantôme" du 3 septembre) n'a jamais quitté la Belgique. Dykes termine son récit en disant qu'il s'est échappé du train immobilisé avec un "D" ainsi que "Couzzenz" (2nd Lt Wallis O. Cozzens, E&E 1916 - bombardier à bord du B-24 n° 42-40550 du 801BG/406BS abattu 28-29 mai 1944 au-dessus d'Enghien - également à bord : Carmen Vozzella, Frederick Tuttle et Dirvin Deihl, qui ont chacun une page sur ce site). Les trois hommes vont alors à la rencontre d'une colonne alliée Britannique de chars entrant dans Bruxelles.

James Dykes arrive en Angleterre le 6 septembre 1944 et est interrogé par l'IS9 à Londres le lendemain. Décédé en 1949 dans un accident, il est enterré au Clayton City Cemetery, Clayton, Alabama.

Merci à Régis Decobeck de Waterloo pour ses renseignements.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters