Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 15 mars 2019.

Edward KINSELLA - / 626650 & 50190
5 St Patrick's Terrace, Arklow, County of Wicklow, Irlande.
Né le 9 juin 1917 / † en 1993
Fl Off, RAF Bomber Command 88 Squadron, opérateur radio et mitrailleur.
Lieu d'atterrissage: Campagne-lès-Hesdin (Pas de Calais).
Douglas A-20-C-1-DO Havoc Mk IIIA, 42-32997, RH-?, fabriqué aux Etats-Unis sous le n° 42-33106 et livré à la RAF qui l'a repris sous le n° BZ242 abattu par des chasseurs le 16 août 1943 lors d'une mission sur les aciéries ferroviaires Cail de Denain.
Atterrissage en perte d’altitude entre Gouy-St-André et le hameau de Saint-André-au-Bois, au lieu-dit "Les Trois Cornets", à environ 4 km au sud-est de Campagne-lès-Hesdin (Pas de Calais).
Durée : 6 semaines.
Passage des Pyrénées : le 22 septembre 1943.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3315/1444 complet.

Son pilote, le Sqn Ldr RCAF Gordon Ernest Hawkins, est tué à bord; son navigateur, le Fl/Sgt Cyril Eugene Ashworth, blessé, décède le 4 septembre suivant. Tous deux sont enterrés à Longuenesse, un faubourg de Saint-Omer. Le mitrailleur ventral, Sgt RCAF C.L. Rice, est prisonnier n° 222635 au Stalag Luft 3. Partis de Swanton Morley à 15h55, ils sont touchés par la Flak à Saint-Pol-sur-Ternoise et la radio est détruite. Deux Focke-Wulf les attaquent (tuant probablement le pilote) et Kinsella en abat un. Ayant perdu beaucoup d’altitude, l’appareil vole à seulement à une vingtaine de mètres au-dessus du sol avant de toucher terre vers 18h15 dans un champ de blé près de Campagne-lès-Hesdin. L’avion prend feu et Kinsella en saute juste avant qu’il finisse sa course. Il se dirige vers la carcasse quand il aperçoit des soldats allemands venant dans sa direction. Il s'enfuit vers l'Ouest et se cache dans un bois. A 500 mètres de distance, il est pris sous leur feu et riposte de deux coups de revolver. Il monte dans le premier grand arbre qu'il voit. Cinq minutes après que les soldats aient dépassé sa cachette sans le voir, il redescend de son arbre et lâche un pigeon (qu'il avait avec lui) sans message.

Il s'enfuit vers le Nord et marche jusqu'au matin du 17. Il traverse la Canche à la nage, juste devant une ferme : il saigne de la tête touchée par la Flak et est blessé par balles à la main et à la jambe gauches. Il ne peut continuer à marcher. Il se cache dans un abri à 2 Km au Nord de Beaurainville. Quand il se réveille à 10h30, un vieil homme est à côté de lui. Il dit : "Anglais". L'homme revient peu après avec une femme âgée qui lui explique à l'aide d'un dictionnaire de rester caché jusqu'à l'arrivée de leur fils, propriétaire de la ferme. Ce fils arrive une heure plus tard et il est pansé et lavé avant d'être mis au lit. Il reste dans cette ferme environ 10 jours. Ses hôtes veulent appeler un docteur, mais Kinsella estime que c'est un trop grand risque. Il soigne ses plaies avec ce qu'il pense être un baume contre les brûlures. En fait, il s'agit de son tube de lait condensé. Beaucoup de gens du coin viennent lui apporter du tabac et du cognac. Le 24 août, il est enfin remis à une organisation.

Le fermier de Beaurainvile le remet le 27 à un capitaine d’infanterie en retraite. Il reçoit des vêtements civils (dungarees, une veste et une casquette) avant d'être conduit chez ce capitaine à Campagne-lès-Hesdin dans un chariot bâché. Selon un article paru dans le numéro du 29 juin 2017 de "L’Abeille de la Ternoise", c’est le père de Nestor LEROY, de Hesdin (Nestor avait assisté au crash de l’appareil) qui pilotait le chariot. Le capitaine est en fait Georges PICHONNIER (1894-1968), "Tic Tac", chef de la Résistance dans le canton de Campagne-lès-Hesdin.

Il y reste deux jours et y reçoit une carte d'identité sans photo. Deux soldats allemands, qui sont également logés chez cet homme, ne peuvent pas parler le français et il leur est présenté comme le cousin de son hôte. Le 29 août, ce capitaine à la retraite (Georges PICHONNIER) le conduit à vélo à Beaurainville, où ils prennent un train pour Arras. Un professeur (prisonnier de guerre relâché) vient lui rendre visite durant les 4 nuits de son séjour artésien et le prend en photo. Le lendemain, il présente à Kinsella une vielle dame [plus que vraisemblablement Henriette BALESI] qui devait le guider en train jusque Bapaume. Mais le 1er septembre au soir, le maire de Bapaume (Abel GUIDET du 44 Rue de Péronne) vient le chercher en voiture. Après quelques heures chez lui, une femme belge (Madeleine) dont le mari est en Angleterre et un jeune homme (Jacques) le conduisent chez cette vielle dame, près de la mairie, où il reste deux jours. Mme Madeleine DECLERCQ habitait et logeait les aviateurs au 7 Avenue Félix Fauré ; Henriette BALESI habitait au n° 1 dans la même rue.

Le 3 septembre, il est rejoint par le 2nd Lt américain William Maher. La vieille dame (BALESI) lui fournit d'autres vêtements civils et ils se rendent à la mairie. Le maire les conduit (Maher, la vieille dame et Kinsella) en voiture à Achiet-le-Grand. Là, les trois passagers prennent le train vers Paris.

Leur parcours étant dorénavant commun, ce qui suit est une synthèse des rapports respectifs de Maher et Kinsella, l’un donnant des précisions que l’autre ne donne pas et inversement, le tout complété par les informations retrouvées dans d’autres archives.

Arrivés à Paris, la dame les guide pendant 15 minutes jusqu’à ce qu’ils arrivent à une église ("a cathedral", selon Maher) où ils rencontrent un homme aux cheveux clairs, boîtant un peu, moustachu, parlant un anglais approximatif, "the Chief" selon Maher. L’homme leur pose différentes questions pour établir leur identité, avant de leur remettre des tickets de métro. Ils suivent alors dans le métro une femme blonde qui porte un chapeau rouge. En sortant du métro, ils rencontrent un "Robert" aux cheveux blonds, qu'ils suivent jusque dans un appartement occupé par un homme jeune, sa femme et leur bébé de 9 mois, les parents de la jeune femme habitant un autre appartement à un étage inférieur dans le même immeuble. Maher en donne l’adresse : Rue du Cher. Il doit donc s’agir de l’habitation de Mme Odile VERHULST, 64 ans, au 7 Rue du Cher, Paris XXe (Place Gambetta, maison connue des aviateurs comme "la maison à 4 pattes"). En novembre 1943, au 151 Boulevard Davout Paris XXe, Vassili LAMI, beau-fils d’Odile et époux d’Albertine VERHULST, montre une photo de Maher à William Hartigan. Vassili LAMI est le jeune mari mentionné ci-dessus à la Rue du Cher.

Maher rapporte que Kinsella et lui sont restés là treize jours, du 6 au 19 septembre. Maher, qui signale que ROBERT a fait la plus grande partie du boulot, indique aussi qu’ils y ont reçu la visite du "Chief", qui leur a apporté de nouvelles photos et cartes d’identité et leur a expliqué ce qui était prévu pour la suite des opérations. Selon Kinsella, on les a conduit faire prendre des photos dans un (grand) magasin. Il s’agit vraisemblablement du Bon Marché. D’après Kinsella, des arrangements avaient été pris pour leur faire quitter rapidement Paris, mais un raid de B-17 les empêche de quitter la maison au jour dit.

Maher précise que le 19 septembre, Kinsella et lui sont conduits à la Gare d’Austerlitz (par "Robert" selon Kinsella, via un parc où il les présente à une jeune dame, environ 30 ans, de petite taille, aux cheveux noirs, qui doit être Marcelle DOUARD) Selon Maher, elle avait attendu tout l’après-midi avec une autre dame (Rosaline WITTON) dans la crainte d’un raid aérien potentiel, qui aurait pu entraîner une modification de la suite des événements. On leur a acheté des tickets jusque Dax et la petite dame et les deux aviateurs prennent le train pour Bordeaux, voyageant en 1e classe, ne subissant aucun contrôle durant le trajet. Maher précise que lui et la dame se trouvaient seuls dans un compartiment.

Le 20, arrivés à Bordeaux, Kinsella et Maher rencontrent Jean-François NOTHOMB ("Franco") à la gare et se rendent avec lui jusque Dax. Trois autres évadés sont également dans ce train : Roy Hodge, Archibald Robertson et un Belge (Philippe de Liedekerke)

De Dax, ils se rendent en vélo à Bayonne, où ils arrivent vers 18h00 et arrivent dans un appartement à la tombée de la nuit. Kinsella rapporte qu’il loge à Sutar à l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA (vraisemblablement en compagnie des autres évadés).

Le 21 septembre, vers 16h00 les évadés accompagnent Jean-François NOTHOMB à vélo jusque Saint-Jean-de-Luz. Avant d’y arriver, selon Maher, ils rencontrent sur une route une dame âgée et son mari venus en voiture (Fernand et Magda HOUGET) pour signaler que la voie vers Saint-Jean-de-Luz était libre. Ils se rendent dans un bois à l’extérieur de la ville. Vers 21h00 le soir du 21, le groupe se met en marche à travers les Pyrénées avec deux guides. C'est le 57e passage de Comète, via la Bidassoa et le groupe passe en Espagne, après une marche rendue plus longue et ardue encore que d’habitude, à cause de la pluie. Les hommes s’arrêtent vers 06h00 à une ferme du côté espagnol. Philippe de Liedekerke et Kinsella, étant les deux plus en forme, quittent cette ferme vers 11 heures et vont à San Sebastian par le tram.

Après une nuit, Kinsella est envoyé à Madrid le 23 septembre, y reste une semaine et rejoint Gibraltar le 1er octobre. Il quitte Gibraltar le 4 octobre par avion et débarque à Whitchurch le lendemain. Il est débriefé au MI-9 le 6 octobre 1943 avec Hodge.

Kinsella reçut la DSO (Distinguished Service Order) le 3 décembre 43 (Supplément à la "London Gazette" du 30 novembre 1943), fut promu au grade de Flight Lieutenant en 1945 et fut démobilisé de la RAF le 23 décembre 1948.

Le 19 août 2012, une plaque à la mémoire de l’équipage, apposée sur le mur de l’église de Gouy, a été dévoilée en présence de membres de la famille du navigateur Cyril Ashworth.


(Photo : http://www.memorialgenweb.org/mobile/fr/com_global.php?insee=62382 dpt=62 =Gouy-Saint-Andr%E9)

Lien sur une page au sujet de la cérémonie à http://www.gouy-st-andre.com/2012-19-aout.htm

Notre ami Jocelyn Leclerc a pu retrouver la trace de la famille d’Edward Kinsella. Deux de ses filles, Kathleen Scott et Mary Foley ont pu ainsi venir à Gouy et visiter la région où leur père a été aidé. Accueillies le 24 juin 2017 par les élus et l’historien local Daniel Kett, elles ont pu voir la plaque commémorative et rencontrer Nestor LEROY, témoin du crash.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters