Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 28 septembre 2021.

Mike FLESZAR / 33202991
Box 105 McClellandtown, Pennsylvanie
né à Highhouse, Fayette County, Pennsylvanie le 2 novembre 1921 / † en septembre 2000, à Saint-Petersburg, Californie
T/Sgt USAAF, 92d Bomber Group 407 Bomber Squadron, opérateur radio
lieu d'atterrissage : au sud de Meaux, Seine et Marne, France.
Boeing B-17F-BO Flying Fortress (Forteresse Volante), n° série 42-29725, immatriculation PY-U/surnom "Hi-Lo Jack" abattu par des chasseurs du JG26 le 3 septembre 1943 lors d'une mission sur les aérodromes de St André-de-l'Eure et Romilly-sur-Seine.
Écrasé près de Trilbardou, entre Claye-Souilly et Meaux à l'Est de Paris
Durée : 8 semaines
Passage des Pyrénées : le 24 octobre 1943

Informations complémentaires :

Le Missing Air Crew Report relatif à la perte de cet appareil : MACR 659. Rapport d'évasion : E&E 216 (disponible en ligne).

L'avion décolle à 06h30 de la base d'Alconbury. Une modification dans le positionnement des avions dans la formation voit le 42-29725 rétrograder en queue de l'escadrille et devenir une proie plus facile pour une dizaine de chasseurs Me109 qui l'attaquent à l'approche de Paris. Les tourelles dorsale et ventrale sont touchées, trois des moteurs sont mis hors d'état et le pilote, le Lt Ralph Bruce, met le dernier en drapeau juste avant qu'il ne prenne feu. L'aile gauche est gravement endommagée et le Lt Bruce donne l'ordre d'évacuer. Le chargement de bombes n’a pas été largué. Resté le dernier à bord, Ralph Bruce dirigera l’avion en perdition vers l’extérieur de Trilbardou évitant ainsi de s’écraser sur le village et ses habitants. Une stèle en son honneur a été dévoilée sur place en 1995 et sa présentation rafraîchie en octobre 2016 ( http://www.aerosteles.net/stelefr-trilbardou-bruce).

Le sort de l'équipage : 3 prisonniers, le mitrailleur arrière T/Sgt Simeon K. McGuire, le mitrailleur ventral Sgt Milton Seldin et le mitrailleur droit Sgt Regis L. McDonnell ; 7 évadés dont Fleszar (la présente fiche), le pilote Bruce (E&E 224), le copilote Lt Sebron A. McQueen (E&E 250), le navigateur F/O David G. Prosser (E&E 269), le bombardier Lt Bertram R. Theiss (E&E 218), le mécanicien/mitrailleur dorsal Sgt Hedley E. Cassidy (E&E 249) et le mitrailleur gauche le S/Sgt Robert Muir.


Photo de l’équipage original du Lt Bruce, prise à Grand Island, Nebraska, le 24 juin 1943, juste avant leur départ pour l’Angleterre.
Debout, de gauche à droite : Le navigateur Lt. Richard Manning (remplacé par le Lt David G. Prosser lors de la mission du 3 septembre 1943),
le copilote Lt. Sebron A. McQueen, le pilote Lt. Ralph Bruce et le bombardier Lt. Bertram R. Theiss.
Devant, de gauche à droite : le mitrailleur gauche S/Sgt Robert D. Muir, le mécanicien/mitrailleur dorsal T/Sgt Etheridge Lamm (tué lors d’une mission sur Hannover le 26 juillet 1943),
le mitrailleur arrière T/Sgt Simeon K. McGuire, le mécanicien T/Sgt Hedley  E. Cassidy (remplaçant de Lamm),
le mitrailleur ventral S/Sgt. George J. "Shorty" Caldon (malade, il est remplacé le 3 septembre 1943 par Milton Seldin ;
Caldon sera arrêté après la chute du B-17 42-30726 lors du raid sur Schweinfurt le 10 octobre 1943 - prisonnier), l’opérateur radio T/Sgt Mike Fleszar.

A environ 7000 m d'altitude, Fleszar saute en premier de la partie arrière de l'avion vers 09 heures, suivi de Bob Muir. Sa descente dure environ 30 minutes durant laquelle il perd son kit d'évasion et il atterrit près d'une charrette que des gens étaient en train de remplir de foin. La cheville froissée au contact avec le sol, il enroule son équipement dans son parachute qu'une femme dissimule dans la charrette avant de lui dire de prendre la direction de Meaux vers le Nord.

Fleszar marche à travers champs pendant une heure et atteint une forêt, qu'il traverse avant d'arriver près d'autres champs vers midi. Il se repose près d'une meule de foin, sa jambe assez gonflée. Vers 18h00, deux hommes âgés revenant du travail l'aperçoivent, il leur dit qu'il a faim et, muni d'un bâton de marche, il les accompagne. Un peu plus loin, le groupe est dépassé par deux jeunes filles qui apparemment ont compris la situation, car peu après un homme arrive et s'occupe de lui.

Les rapports d’évasion de Muir et Fleszar ne mentionnent que peu de noms de personnes qui les ont aidés depuis leur atterrissage, leur voyage vers Paris et de là vers le Sud. Nous avons tenté de déchiffrer les notes manuscrites et en style télégraphique de l’intervieweur de Fleszar et Muir (reprises seulement comme déclarations conjointes dans l’E&E 216 de Fleszar). Seuls apparaissent les noms de Hale, du docteur Marcel Gilbert, de Simone Michel, d’un Capitaine Maurice, de Madeleine Noel… et nous avons tenté de reconstituer le puzzle.

Fleszar rapporte que vers 21h00 le soir du 3 septembre, il loge dans une pièce dans un moulin attenant à une ferme et que le 4 septembre à 07h00 du matin, un docteur arrive qui le prend en voiture jusque chez lui. Le médecin bandage sa jambe et il reste chez lui, où un boucher et son frère arrivent bientôt, les 3 hommes appartenant à un réseau d’espionnage. Le 7 septembre un avion est arrivé pour prendre 3 hommes «back» (= les ramener en Angleterre ?). Le 12 septembre, Robert Muir le rejoint là, Fleszar indiquant qu’il est, lui, resté 10 jours chez ce médecin, qu’il n’identifie pas. Il ne semble cependant pas qu’il s’agit du docteur Marcel GILBERT de Brégy, dont Muir déclare qu’il a été conduit le 6 septembre chez GILBERT…

On présente aux deux aviateurs un homme, environ 50 ans, chauve, le chef de district du réseau. Fleszar rapporte qu’ils restent 10 jours chez le médecin, que la veille de la date prévue pour leur départ, 3 hommes "arrivent de Paris par avion", mais qu’il ne sera finalement pas possible pour eux de rentrer en Angleterre par ce moyen. Le mardi 14 septembre, ils quittent la maison du médecin en voiture vers 18h00. On les conduit à environ 8km de là, dans une ferme où ils restent jusqu’au samedi 18. Au soir du 18, ils sont conduits vers la gare de Meaux, Fleszar en auto et Muir à vélo. Il y a du retard dans les horaires suite au dynamitage d’un train près de la gare de Meaux. A 21h30, ils prennent un train pour Paris où ils voyagent en métro pour arriver à une station près de l’Avenue Foch (ce serait la Station Dauphine, donc) d’où on les mène à l’appartement d’une dame dont le fils, 21 ans, se cache du travail obligatoire.

Le dimanche 19 septembre à 09h00, Fleszar et Muir accompagnent deux garçons et leur père jusqu’à l’Arc de Triomphe, puis la Place de la Concorde ou le père les quitte. Fleszar, Muir et les 2 garçons prennent le métro, roulent longtemps et vont ensuite dans un café où ils rencontrent deux dames, l’une d’environ 19 ans, très grande, grosses lunettes, étudiante en interprétariat, l’autre, Simone MICHEL, 35-40 ans, assistante d’Ernest, le chef. Simone mène alors Fleszar et Muir à pied sur environ 1 km, jusqu’à un appartement au 5ème ou 6ème étage d’un immeuble près de la Tour Eiffel, chez un Maurice. On leur dit que l’on va tenter de les faire sortir par avion, ou "vers la Belgique - forêt - par bateau"…

Les deux hommes restent là une semaine et durant leur séjour reçoivent la visite de "Pierre" (un capitaine) et sa femme, qui leur apportent du cognac. Le Pierre en question porte de grosses lunettes à monture d’écaille et travaille comme maître d’hôtel/sommelier. Le dimanche 26 septembre vers 09h00, Simone MICHEL vient les chercher pour les mener en métro près de la Tour Eiffel et de là vers le domicile d’un couple, l’homme pilote durant la guerre de 14-18, sa femme engagée dans la Croix Rouge à la même époque. Ils n’y restent que 4 ou 5 heures avant d’être guidés en métro vers Charenton-le-Pont, Avenue de la Liberté où habite un couple propriétaire d’un commerce de viande. L’homme est moustachu, d’âge moyen, la femme a environ 38-40 ans… (La seule référence à un Helper dans cette artère de la localité est Mlle Eugénie PEYNET, au n° 15…)

Simone MICHEL passe les voir avec des cigarettes et du tabac. Un jeune homme de 26 ans que l’on envisage de faire passer avec eux, leur rend visite 2 fois durant leur séjour de 4 semaines là. Le rapport E&E 216 reprend alors un tas de détails disparates qu’il nous est difficile de tirer au clair. On y mentionne en vrac un logement dans une seule petite pièce ; des sorties uniquement la nuit via des escaliers extérieurs avec obligation de rejoindre la pièce à l’étage avant le lever du jour ; l’arrivée un samedi (peut-être le 9 octobre…) d’une dentiste, très petite et mince, Madeleine NOËL (du 5 Rue Champfleury, Paris VIIème) ; d’un sujet britannique venu vérifier leurs identités ; de déplacements en divers endroits de Paris pour prendre des photos d’identité en vue de l’établissement de faux papiers (contrairement à Muir, Fleszar avait des photos utilisables dans son kit d’évasion) ; on mentionne un séjour de 3 jours en tout et la délivrance de faux papiers par un homme avant leur départ un vendredi soir, vraisemblablement le 15 octobre. Ce soir-là, guidés par une dame, petite, cheveux noirs teintés, ils vont alors se restaurer dans un café à un bloc de la gare (sans doute celle d’Austerlitz) avant de monter dans le train pour Bordeaux vers 22h00. Fleszar et Muir se trouvent dans le même compartiment que les 2 jeunes filles qui les guident.

Le train arrive à Bordeaux le lendemain vers 07h00. Une guide prend un train pour Dax avec Muir, tandis que Fleszar en prend un autre pour la même destination en compagnie d’un guide et de 2 autres évadés, un anglais et un australien (respectivement William Catley et Robert Kellow - voir ci-dessous). Après environ 5 heures de train, ils arrivent à Dax, d’où ils partent pour Saint-Jean-de-Luz où ils logent une nuit.

Selon le rapport du Fl/Offr Robert Kellow, qui monte dans un train à Paris avec le Sgt William Catley et une guide, deux Américains sont dans le même train. Il se confirme donc qu’il s'agit bien de Mike Fleszar et Robert Muir. Les aviateurs ne sont pas contrôlés et un homme (probablement Jean-François NOTHOMB) les prend à Bordeaux jusque Dax où tout le groupe, sauf un des Américains, pédale jusque Bayonne. L'Américain qui ne sait pas rouler à vélo (Fleszar), les rejoint en train à leur hôtel.

Le 23 octobre, après s'être arrêté "chez Elvire De Greef à Anglet" (en fait, soit chez Jeanne Marthe MENDIARA ou plutôt chez Pierre ARRIEUMERLOU), le groupe quitte la France avec deux guides, rejoints par un troisième au tiers du trajet. C'est le 64e passage de Comète, par Larressore et Jauriko borda, avec les seuls guides de Pierre ELHORGA. Mike Fleszar était mal en point physiquement et dut être porté par un des guides.

On les avait prévenu dès en France qu'ils pourraient se rendre à la police espagnole, en disant qu'ils étaient des aviateurs alliés échappés des Allemands et ils se rendent dans un petit village (vraisemblablement Urdax). On leur confisque leurs canifs, on leur demande leur argent (ils n'en ont pas) et ils sont conduits à un hôtel. L'après-midi, ils sont conduits dans un autre village, où on leur demande leurs nom, prénom, adresse et métier en temps de paix.

lls sont conduits le lendemain en bus à Irun, où ils sont photographiés et où l'on prend leurs empreintes digitales. Leur identité est encore contrôlée à un poste frontière (Dancharinea). Ils sont conduits avec quatre Français à la Villa Casablanca, un camp de concentration pour Français à Irun. Ils n'y passent qu'une nuit et sont conduits dans un hôtel en ville où ils restent 3 semaines. Le second jour, ils ont la visite du consul anglais de San Sebastian. Catley, John Dix et Kellow sont emmenés à Lecumberri par des membres de la force aérienne espagnole.

Mike Fleszar atteint Gibraltar le 10 novembre 1943 et part de là par avion le 19 novembre, atterrissant à Bristol le lendemain. Nous ignorons si le parcours de Fleszar et Muir après le passage des Pyrénées est exactement le même que celui de Kellow et des autres, mais les deux Américains rejoindront bien l'Angleterre en novembre et seront rapatriés aux Etats-Unis en décembre 1943. Mike Fleszar est démobilisé le 7 juillet 1945. Décédé en 2000, Mike repose auprès de son épouse Beverly au Memorial Park Cemetery à Saint Petersburg, Pinellas County, Floride.


La plaque figurant sur le Mémorial inauguré en août 2021, à l’initiative de Philippe Braquet et avec le soutien de la municipalité de Villeroy
(photo via Tom Theiss)

Merci à Tom THEISS, fils du bombardier, pour ses renseignements et la photo de l'équipage. Une vidéo a été réalisée par Philippe Braquet et Philippe Donon sur l’équipage, le lieu du crash et la visite des familles Theiss et McQueen le 29 septembre 2018 : https://youtu.be/jA_kFNWrF6Q

NB : Mike Fleszar n’avait pas de second prénom… Voici sa Draft Card de février 1942 (Maryland…) :



© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters