Aviateurs de l'opération Marathon

Dernière mise à jour le 18 août 2022.

Jonathan PEARSON III ("Jack") / O-692337
7 Washington Avenue, Schenectady, New York
Né le 29 avril 1920 dans l'Etat de New York / † le 30 janvier 1991 à Schenectady, New York, USA
2nd Lt USAAF 95 Bomber Group, 335 Bomber Squadron, navigateur
Lieu d'atterrissage : en Avesnes (Nord, France).
Boeing B-17G Flying Fortress - 42-31565 (OE-U), abattu le 4 mars 1944 lors d'une mission sur Berlin, atteint par la Flak au-dessus de l'objectif, (aile gauche perforée) puis attaqué par un chasseur.
Écrasé sans personne à bord au lieu-dit "La Paneterie", le long de la route Mons-Binche à Saint-Symphorien, à la limite de Villers-Saint-Ghislain, près de Mons en Belgique
Durée : 6 mois.
Camps Marathon : Fréteval.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 2795. Rapport d'évasion de Jonathan Pearson E&E 1063 disponible en ligne.

L'appareil décolle de Horham vers 06h00. L'objectif est l'usine Bosch à Kleinmachnow en banlieue sud-ouest de Berlin, sur lequel se dirigent 29 appareils sur les 750 du départ, ceux qui n'ont pas reçu l'ordre d'annuler la mission. Un chasseur ennemi les attaque au-dessus de Magdebourg et sur le vol du retour, la réserve de carburant diminue. A 16h20, le pilote 2nd Lt Rodney P. Roehm donne l'ordre de sauter de 3.000 m un peu au Nord de Saint-Quentin, France. L'avion va s'écraser à Saint-Symphorien, près de Mons, sans aucun membre d'équipage à bord : le pilote ayant mis l'avion sur pilotage automatique en direction de la Manche, on suppose que suite à un transfert de carburant d'une aile à l'autre, l'appareil ait vu sa course déviée. Ce n'est que 60 ans après que les membres survivants de l'équipage apprendront le sort réel de leur appareil qu'ils pensaient s'être abîmé en mer du Nord.




Deux photos du B-17 écrasé à Saint-Symphorien (via Philippe Save)


Rapport du Service "MARC" à propos du crash. Le 2ème paragraphe ("N.B.") est erroné, il n’y avait aucun membre de l’équipage à bord.
(Document transmis par le regretté Philippe Save – source CEGESOMA)

Le mitrailleur droit, S/Sgt John P. Wesp sera le seul tué. Six seront fait prisonniers : le pilote Rodney Roehm (arrêté le 9 mars), le copilote 2nd Lt David F. Wolter, le bombardier 2nd Lt Donald R. Egan, le mitrailleur ventral S/Sgt Eugene S. Purnell, le mitrailleur gauche S/Sgt Floyd C. Noullet (arrêté le 20 ou 25 août) et le mitrailleur arrière S/Sgt Emory T. Kesterson (arrêté le 3 juin en France).


Quatre officiers de l’équipage : de gauche à droite, le pilote Rodney Roehm, le copilote David Wolter,
le navigateur Jonathan Pearson et le bombardier Donald Egan (crédit photo : famille Wolter)

Outre Jonathan Pearson, deux autres parviendront à s'évader, l'opérateur radio navigateur 2nd Lt Thomas Yankus et le mitrailleur dorsal S/Sgt Charles A. Strackbine (resté caché jusqu'à la Libération dans la région de Beaumont-en-Beine, Aisne, France - E&E 1586).

Jonathan Pearson saute à environ 2.500 m et il retrouve rapidement Thomas Yankus, son opérateur radio, accompagné d'un français. Pearson et Yankus accompagnent cet homme pour enterrer leurs parachutes, de même qu'un troisième qu'ils trouvent dans un arbre, sans aviateur dans les parages (c'était le parachute d'Emory Kesterson, le mitrailleur arrière). L'homme donne son manteau à Pearson avant de s'en aller leur disant qu'il reviendrait avec d'autres vêtements. Craignant qu'il ne les dénonce, Pearson et Yankus décident de quitter leur cachette et d'entrer dans un bois. Après une heure de marche il se met à neiger et ils s'abritent et s'endorment pour se réveiller deux heures plus tard recouverts de neige.

Ils marchent alors pendant deux nuits vers le Sud, en direction des Pyrénées. Le troisième jour, un dimanche, à l'approche de Hauteville, des fermiers leur donnent à manger et des effets civils, leur signalant qu'ils n'auraient pas facile de rejoindre l'Espagne. Les fermiers leur indiquent la route vers Saint-Quentin et ils traversent la ville, récemment bombardée, dormant la nuit suivante dans une grange près de Ham. Ils poursuivent leur route le lendemain, traversent Noyon et dorment à l'abri d'une haie près de Ribécourt-Dreslincourt.

Le jour suivant, sans nourriture, ils traversent Compiègne avant d'arriver à Verberie où ils ne peuvent se procurer du pain dans une boulangerie car ils n'ont pas de timbres de ravitaillement. Tard ce cinquième jour, ils arrivent à Yvillers d'où une jeune fille les mène à Villeneuve-sur-Berverie dans l'Oise, où une famille polonaise ("Mazulki") leur offre leur premier repas, des oeufs et des pommes de terre, et leur donne la possibilité de se laver.

Pierre MAZULKI, du hameau de Yvillers, les conduit dormir dans le magasin de vin de "M. BLEAU", où ils passent leur première nuit dans un lit, après une vérification d'identité à Villeneuve par "Madame Béatrice et son mari". La liste des Helpers français reprend uniquement un Albert BLEAUD, au 55 Rue de Méru à Chaumont-en-Vexin (à l’ouest de Senlis), qui décèdera le 21 juin 1944 suite à des blessures encourues lors du bombardement de la gare de la localité. Le 10 mars, Pearson et Yankus suivent Pierre jusque Senlis, faisant le trajet dans la benne d'un camion conduit par un soldat allemand et arrivent au 14 Rue Thomas Couture à Senlis chez Léon CRETEUR et sa femme, ainsi que leur fille Nina/Ninon et son mari Bernard BINDER, un juif qui se cache. Léon CRETEUR était employé aux Ponts-et-Chaussées de Senlis. Ils y sont cachés dans le grenier du 10 mars à la fin avril. Le rapport de Yankus indique que "du 8 mars au 1er mai", leur ravitaillement étant arrangé via un "emprunt" de 7.000 cartes de rationnement à la mairie par le chef local de la police. Selon un rapport du groupe de Résistance "Groupement du Front National" de Senlis, dont copie reçue en mai 2014 à Bellande de Madame Jacqueline Leroy (née CABRE), Pearson est resté chez les CRETEUR du 3 mars au 1er mai 1944…


Jacqueline CABRE et Jonathan Pearson – 1945
(Photo transmise par la famille de Paulette DECLERCQ-THOMAS)

Durant leur séjour chez Léon CRETEUR, Pearson et Yankus sont ravitaillés par Melle Jacqueline CABRE, future épouse LEROY (60 Rue du Châtel à Senlis) et par Melle Paulette THOMAS, future épouse DECLERCQ. Les faux papiers, notamment, sont procurés par René CHARPENTIER ("Bouboule"), du 14 Avenue Albert 1er à Senlis, le beau-frère de Jules FOSSIEZ du 61 Rue de Paris à Senlis et qui, lui, est brigadier de police dans la ville (repris comme Jules Albert Eugène FOSSIEZ dans la liste des Helpers français.) Dans son rapport, Yankus mentionne également l'aide de "Madame CORBIE" (CABRE ?), qui travaille avec les FOSSIEZ. Pendant leur séjour, un agent anglais et un résistant viennent les interroger et cet agent meurt quelques jours plus tard lors d'une fusillade en ville.


De gauche à droite : René CHARPENTIER, Jonathan Pearson, Paulette THOMAS et Thomas Yankus
mai 1944 (Photo transmise par la famille de Paulette DECLERCQ-THOMAS)

A noter que dans ses souvenirs ("Souvenirs de jeunesse, la guerre 1939-1945, la Résistance, Pages de la Résistance, ANACR-Oise, n°2, novembre 2004, page 4"), René CHARPENTIER rapporte qu’en mars 1944 (le 10 ?), sa famille a été contactée par Léon CRETEUR et Serge LEFÈVRE qui leur apprennent que CRETEUR cache chez lui deux aviateurs américains, Jonathan Pearson et Thomas Yankus. Il précise que lui-même, DÉCATOIRE (voir ci-dessous) et Jules FOSSIEZ, accompagnés de son père Louis CHARPENTIER, se sont alors rendus chez CRETEUR pour les interroger afin de savoir s’ils étaient vraiment américains car les Allemands infiltraient les réseaux avec de faux aviateurs. Mr CHARPENTIER père ainsi que son épouse et la sœur de René assistaient à l’interrogatoire, la traduction étant faite par cette dernière. Il ajoute que les 2 aviateurs étaient venus à pied depuis Le-Cateau-Cambresis dans le Nord. Ils furent récupérés à Villeneuve-sous-Verberie par CRETEUR qui pouvait circuler avec une camionnette des Ponts et Chaussées. Le logement des CRETEUR était petit et peu confortable et René CHARPENTIER mentionne que lui et son beau-frère Jules FOSSIEZ ont amené Pearson et Yankus plusieurs fois aux douches municipales de l’hôpital de Senlis… sans rencontrer de problème. Voir également l’article et les photos en bas de page.

Pearson et Yankus aident le beau-fils de Léon CRETEUR, Bernard BINDER à dessiner les plans de la base de Senlis, qui est bombardée quelques jours plus tard. A la fin du mois d'avril, les deux aviateurs décident de partir. Le policier Jules FOSSIEZ et M. "DE KATTWAH" (très probablement André DÉCATOIRE, marchand de cycles et motos au 8 Rue Saint Jean à Senlis) les conduisent le 1er mai au 31 Rue du Châtel, chez Marguerite GRONIER, directrice du Secours National, où Paulette THOMAS et Jacqueline CABRE leur apportèrent nourriture et vêtements civils. Ils doivent rester cloîtrés de la journée dans une chambre du second, la "chambre de Tante Berthe". Les centres ferroviaires de Creil et Beauvais, plus au Nord, sont bombardés chaque jour. Le 2 juin 44 (le 30 mai, selon Pearson), ils ratent le rendez-vous à Chantilly avec un guide qui devait les conduire à Paris.

Le 3 juin, Pearson et Yankus quittent la maison de Mlle GRONIER et repartent vers la gare de Chantilly avec (selon le rapport du groupe de Senlis) Jules FOSSIEZ, André DÉCATOIRE et René CHARPENTIER, chef de Groupe. Repérés comme étant des Américains, ils seront cependant sauvés in extremis par un bombardement de P-47 sur la gare. Tout comme le rapport du groupe de Senlis, le rapport de Yankus mentionne que c'est avec Jules FOSSIEZ qu'ils sont allés le 3 juin à Chantilly où ils ont rencontré trois évadés, 2 Anglais et 1 canadien (voir ci-dessous), ainsi qu'un guide, PIERRE, 24 ans, lunettes épaisses, également appelé PEDRO, et qu'ils reverront plus tard au camp de Fréteval. PIERRE les mène à un magasin de vélos puis chez une fleuriste, en face, près des Invalides à Paris même. Il doit s'agir de Andrée DONJON, célibataire fleuriste au 60 Rue de Bellechasse à Paris VIIe.

De là, devant se déplacer à pied à cause des dégâts provoqués par les bombardements, ils accompagnent une jeune fille qui les conduit à l'appartement de Virginia d'ALBERT-LAKE, au 1bis Rue Vaneau, également dans le 7e arrondissement, où ils retrouvent le Canadien William Brayley et les Anglais Dennis Pepall et Walter Berry. Ils y restent du 3 au 5 juin 44, jour où on les conduit à la gare, où deux jeunes filles leur annoncent qu'ils ne vont plus vers les Pyrénées, mais à Châteaudun. Ils s'y rendent en train avec ANNA MARIE (qu'ils reverront également au camp de Fréteval) et une autre jeune guide et arrivés là, ils dorment à l'orée d'une forêt chez Marcel RIDEAU [en fait, le guide forestier André Paul RIDEAU, alias "Marcel" de Richeray-Busloup (Loir-et-Cher)], qui s'occupe aussi du ravitaillement. Le lendemain à 07h00, ils entendent la BBC qui annonce le Débarquement en Normandie.

Le rapport de Yankus indique que Pearson et lui restent jusqu'au 10 juin dans une ferme près de Cloyes-sur-le-Loir, chez M. GAYET et qu'ils sont alors conduits par Pierre "Guillaumin", environ 21 ans et qui restera avec eux jusqu'à leur libération, au camp secret dans la forêt de Fréteval où environ 25 aviateurs se trouvent déjà avec le "Colonel Lucien" (le Wing Commander belge Lucien BOUSSA). Dans son rapport concernant la mission Marathon en France, Lucien BOUSSA reprend "Gilbert", dont il pense que le nom réel est Pierre Guillaumin (sic) de Alluyes, près de Bonneval, au nord de Châteaudun. Il déclare que "Gilbert" a travaillé sans relâche à transporter à vélo sur de longues distances le ravitaillement pour le camp ainsi que le convoyage de groupes d’aviateurs, ceci pendant plus de trois mois. L’orthographe correcte du nom de Pierre est en fait GUILLAMIN, qui fut vice-président de l’association créée pour la réalisation du mémorial inauguré le 11 juin 1967 en bordure de la Forêt de Bellande.

Les deux aviateurs restent dans ce camp jusqu'au 24 juin avant de partir vers un autre emplacement quelques kilomètres plus loin, à Richeray près de Busloup, pour y aider Jean de BLOMMAERT à installer un second camp, non loin d'un dépôt de munitions allemand. Il fallait garder le silence car les Allemands se doutaient de quelque chose. Le 12 août, des P-51 survolent le camp et Pearson et Yankus quittent le camp ce même jour pour aller à la rencontre des troupes américaines de l'armée de Patton. Le 18 août, ils vont au Mans et rejoignent leur base le même jour pour y être interrogés.

Dans le courant de 1945, Jonathan Pearson voulut rencontrer ses Helpers dans la région de Senlis et eut notamment l’occasion de revoir la famille de Jacqueline CABRE.

Merci à son fils, Jon Pearson IV, pour les photos qu'il nous a transmises. Nos remerciements vont également à Madame Anne-Marie Soudet, fille de Paulette THOMAS (épouse Declercq, décédée en 2013) et à son fils Jérôme pour leurs informations et photos.

Extrait de la page à http://www.bmsenlis.com/data/pdf/bulmun/bref2004/juilletaout2004.pdf :


Lors des cérémonies organisées les 28 et 29 juin 2014 par les municipalités locales, à l’occasion du 70ème anniversaire de l’ouverture du camp de Fréteval, la famille de Jonathan Pearson a eu l’occasion de retrouver Jacqueline CABRE, épouse Leroy, à Bellande.


Jonathan PEARSON IV et sa famille avec Madame Jacqueline LEROY-CABRE
Bellande, 29 juin 2014. (Photo Ed. Renière)


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters